Féminophobie homophobe
Campagne québecoise.
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Le site de WARNING
Féminophobie homophobe
(mardi 10 janvier 2006 par Sylvie Rouby)
La féminophobie est un mot qui n’existe encore pas dans les dictionnaires et que l’on a du mal à trouver dans les moteurs de recherche internet. C’est un néologisme pour parler du rejet et de la haine du féminisme.
Mais c’est aussi pour ceux qui travaillent et interviennent sur l’homophobie, un terme pour désigner le rejet de tout ce qui a référence au féminin, en lien étroit avec l’homophobie. Jean-Marie Firdion, Chercheur à l’INED et rapporteur en 2001 du groupe de travail de l’association HES sur Le risque de suicide chez les jeunes à orientation non conventionnelle :lesbiennes, bisexuels, gais, l’a utilisé dans ce sens au cours son intervention à la Table ronde Santé psychique et émotionnelle lors de la Conférence internationale VIH et santé gaie organisée par Warning en 2005. Selon lui « la féminophobie (le rejet ou la dévalorisation du « féminin ») est une composante importante de l’homophobie. » Je l’emploie aujourd’hui dans le même sens pour exercer mon « open eye » sur le dernier numéro d’un mensuel gay et sur deux phrases, écrites à l’origine pour saluer les performances d’un nouvel acteur porno d’origine turque, mais qui sont révélatrices de la féminophobie homophobe de certains : « ce mec est tellement bandant qu’il représente le cri du cœur d’une homosexualité qui en a déjà marre de la féminisation à outrance de la pédalerie moderne. Est-ce qu’on peut être un peu viril et naturel, si ce n’est trop demander ? » [1]
On me répondra certainement qu’il ne s’agit que de fantasme sur un acteur porno, et rien d’autre. Evidemment on a tout à fait le droit d’être attiré physiquement par la virilité dégagée par certains hommes mais là n’est pas le problème aujourd’hui. Il ne s’agit hélas pas uniquement d’attirance physique. Lire « le cri du cœur d’une homosexualité qui en a déjà marre de la féminisation à outrance de la pédalerie moderne » sont des mots, et plus encore des propos, extrêmement dégradants pour les homosexuels.
Des insultes comme « pédé » que l’on entend dans les cours de récréation en primaire, qui se développent dans les cours des collèges puis de lycées avec des injures comme « pédale », « tapiole », « tapette », « enculé », etc et qui ne se cessent jamais, sont stigmatisantes comme le rappelle encore JM Firdion au cours de ses interventions. Elles sont dégradantes pour un jeune qui construit sa sexualité mais aussi tout au long de la vie d’une personne LGBT.
Ces critères esthétiques classiques de la masculinité, de haine en fait de la féminité, que l’on tenterait soudainement d’imposer comme la nouvelle norme culturelle gay, n’ont rien à faire dans un magazine gay qui se bat depuis toujours contre l’homophobie et la lesbophobie.
Il y a quelques semaines se terminait la conférence internationale organisée par Warning à l’Hôtel de Ville de Paris « VIH et Santé gaie ». Pendant ces deux jours de conférence, ont notamment été abordés le mal-être, la mésestime de soi, l’homophobie intériorisée mais aussi les risques de suicide et T.S. chez les jeunes LGBT. L’homophobie est on le sait un des facteurs qui accroît les risques de TS parmi les jeunes LGBT.
Alors je me demande aujourd’hui comment un jeune qui découvre son homosexualité ou sa bisexualité va réagir en lisant ces phrases qui imposent une norme homosexuelle, la virilité, et excluent de l’homosexualité certains traits physiques ou de caractère jugés trop féminins ?
C’est une question que je me pose et que je vous pose à toutes et tous.
Quant à imposer une norme homosexuelle, quelle qu’elle soit, est pour moi la pire des choses.
Sylvie Rouby
[1] On se damne pour Huessein / Didier Lestrade (In Têtu N° 107 -01/2006)
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