*Spécial prostitution...
Spécial prostitution... Revue de presse
Après la première Pute Pride du 18 Mars 2006 qui a marché de Pigalle à Beaubourg, une sélection d'articles.
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www.lemonde.fr (dans la rubrique "Horizons").
Double peine pour les prostituées
Photo: Le Monde
Elle avance, froidement, sans un regard à ce qui l'entoure. Face à elle, le président de la 14e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Sur les côtés, coincés dans les étroits box des prévenus, ses huit anciens proxénètes.
Loin de l'Albanie, cette brune aux allures d'institutrice cherchait son "destin". Elle a fini "putain" sur les trottoirs parisiens. Une injure que lui souffle, presque souriant, un des "proxos". En ce 31 janvier, Gabriela (tous les prénoms de prostituées ont été modifiés), 29 ans, témoigne contre ses souteneurs malgré de récents coups de fil, qui, dit-elle, "menaçaient (sa) famille et menaçaient de (lui) couper une jambe". Mais, aujourd'hui, elle n'a plus peur d'eux. Gabriela veut les voir à l'ombre. "Je suis une victime. Je demande justice", répète-t-elle, devant le tribunal.
En avril 2003, après quelques années de prostitution forcée, Gabriela, harassée par sa condition, a décidé de "donner" ses "macs" à la police et de porter plainte pour "proxénétisme aggravé en bande organisée". Elle s'est constituée partie civile. Quelques semaines plus tard, tout un gang d'Albanais a été arrêté.
Hasard du calendrier, au même moment, la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure est entrée en vigueur. Il s'agissait de contrer l'explosion de la traite de jeunes femmes provenant, entre autres, d'Europe de l'Est et d'Afrique subsaharienne. Le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a instauré une série de mesures répressives. L'une d'entre elles, l'article 50, pénalise le "racolage passif", délit passible de prison. Cet article permet de "nettoyer" les trottoirs des centres-villes, de repousser les filles à la périphérie des cités et de calmer ainsi la grogne des riverains. Il provoque surtout la colère des intéressées. Le samedi 18 mars, elles devaient manifester pour demander l'abrogation dudit article 50.
Pour lutter contre le proxénétisme, une autre disposition de cette loi se voulait plus humaine : l'article 76. "Les prostituées étrangères qui dénonceront les proxénètes pourront recevoir des papiers et la protection de la police", assurait au Monde M. Sarkozy, le 24 octobre 2002.
Tel a été le cas pour Gabriela, qui a reçu une autorisation provisoire de séjour (APS) de trois mois renouvelable. Elle n'aura une carte de résident que si les proxénètes sont condamnés. Réponse à l'issue du procès, le 21 mars.
La seconde condition est de sortir définitivement de la prostitution et d'avoir un projet de "réinsertion". Gabriela a donc raccroché ses escarpins depuis plus d'un an. Aujourd'hui, elle parle le français, et, un CAP cuisine en poche, attend ses papiers "comme un cadeau de la vie".
Fin 2004, 987 personnes ont été condamnées pour proxénétisme, 950 pour racolage, et 352 prostituées, comme Gabriela, ont bénéficié d'une APS pour avoir collaboré avec la police. Ce chiffre peut sembler élevé, mais, rapporté aux milliers de prostituées, il reste dérisoire. Pour Guy Parent, chef de la brigade de la répression du proxénétisme (BRP) de Paris, l'explication est simple : "Elles ont peur de se manifester et de collaborer avec nous. Elles ne dénoncent que très rarement." Le commissaire divisionnaire recense une trentaine de cas, en trois ans, dans la capitale.
Cette peur se comprend aisément. Les prostituées de l'Est redoutent les représailles des proxénètes. Les Asiatiques doivent s'acquitter d'une dette, entre 20 000 et 60 000 euros ; et, si elles ne paient pas, un membre de la famille au pays devra rembourser cette somme démesurée. Les Africaines sont effrayées par leurs souteneurs adeptes du vaudou, capable, d'après elles, de leur jeter un sort mortel.
De leur côté, les associations fustigent l'article 76. "Si Sarkozy compte sur les prostituées pour dénoncer leurs proxénètes, il se trompe de cible", estime Bernard Lemettre, président du Mouvement du Nid. "Même si elles sont au courant de l'existence de cette disposition, reconnaît Jean-Marc Landrevie, président d'Issue de secours, qui s'occupe de prostituées albanaises, dénoncer, porter plainte, c'est aller, pour elles, vers le suicide. Ou faire courir un danger à leur famille. Certains proxos, au pays, habitent dans la même rue que "leurs" filles." Monique Mickaïlis, coresponsable de Grisélidis, association toulousaine, qualifie l'article 76 de "système sadique. Nous avons eu des cas où des femmes ont dénoncé leurs proxénètes et se sont fait arrêter pour racolage passif, assure-t-elle. Elles se sont fait expulser".
Il y a trois ans, Angelina, brésilienne, 37 ans, cheveux châtains jusqu'au bas du dos, "indépendante", a reçu menace sur menace. "Des hommes sont venus me voir. Ils voulaient que je bosse pour eux. J'ai refusé", raconte-t-elle. Angelina, épaulée par Camille Cabral, directrice d'une association de prostituées, Pastt, a réussi à convaincre onze autres victimes des proxos de les donner à la police. Grâce à leurs témoignages, la police a arrêté huit "macs". Et, pourtant, Angelina continue à recevoir des menaces, affirme-t-elle : "J'ai porté plainte. Je suis obligée de payer quelqu'un qui assure ma sécurité. Ça me coûte 200 euros par mois." Elle n'a pas obtenu une autorisation provisoire de séjour. Alors, Angelina continue à se prostituer pour "payer l'avocat". Camille Cabral s'offusque : "Angelina a pris tous les risques et elle se retrouve livrée à elle-même. Cette loi est un mensonge. C'est une honte !"
Ce refrain-là, Galina Valkova l'a ruminé des nuits et des nuits. Cette Bulgare de 29 ans en a même fait un livre, Une poupée qui dit non (Calmann-Lévy). Elle dit avoir été "abandonnée par la police et la justice". Elle qui a témoigné contre ses proxénètes, qui les a fait condamner, se bat encore pour obtenir une carte de résident. Difficile de se "réinsérer" et d'envisager un avenir quand on dépend d'une autorisation provisoire de trois mois renouvelable, ou de six, si le préfet est généreux. "Comment voulez-vous trouver un travail avec ce genre de titre de séjour, admet Françoise Gil, socio-anthropologue, spécialiste de la prostitution à l'EHESS. Comme rien ne leur est proposé, les filles retournent se prostituer." Jean-Yves Killien, d'Aux captifs, la libération, regrette "l'absence d'accompagnement social, sanitaire, psychologique pour ces filles qui prennent de gros risques".
Paradoxalement, la loi sur la sécurité intérieure s'avère contre-productive pour les services chargés de la lutte contre le proxénétisme, car la prostitution est devenue... clandestine. Les réseaux font travailler les filles sur Internet, dans des appartements, dans les villes où la pression policière est faible.
Trois ans après les promesses de M. Sarkozy, on est loin du compte. "L'article 76 est insuffisant en matière de protection et d'assistance des personnes", dénonce Amnesty International dans son dernier rapport, Les Violences faites aux femmes en France. Claude Boucher, vice-présidente du Bus des femmes, ajoute : "Quand la police démantèle un réseau, la fille est relâchée. Elle est reprise par d'autres trafiquants. En Belgique, la prostituée est obligatoirement protégée par la police. On ne la laisse pas retourner sur le trottoir." Me Eric Morain, défenseur de prostituées, tempère : "La police fait un formidable travail. Elle change tous les numéros de téléphone, n'indique aucune adresse de prostituées dans les procédures." Il regrette seulement qu'elles ne soient pas, suite aux procès, "dédommagées par la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI), les seules victimes dans le droit français à ne pas en bénéficier". Guy Parent, chef de la BRP, déplore ce point, mais souligne : "Nous faisons tout pour libérer les filles. Quand cela arrive, nous les dirigeons vers des associations où elles sont complètement prises en charge dans d'autres villes."
L'ALC-Nice (Accompagnement lieux d'accueil carrefour éducatif et social) est pourtant unique en France. Son rôle ? Cacher les prostituées à travers tout le pays, les éloigner de leur ville et surtout des représailles. Elle gère une quarantaine de places réparties dans un réseau - appelé "Ac. Sc" comme accueil sécurisant - situé dans vingt-six départements. Depuis sa création, en 2002, 145 filles en ont bénéficié.
C'est le cas de Jeanine, 21 ans, Nigériane, tresses plaquées, griffures traditionnelles sur le visage, sourire immuable. En 2003, "une voisine m'a proposé de venir en France. A peine débarquée, on m'a mise sur le trottoir à Marseille", raconte-t-elle. Elle était encore vierge. Avant sa première nuit, sa "mama", maquerelle africaine, lui a prélevé des cheveux, des ongles... "J'avais peur qu'elle me jette un mauvais sort." Elle lui a imposé une dette : 60 000 euros.
En 2005, Jeanine s'est fait arrêter par la police. Elle a fini par donner les détails du réseau. Trop tard. La "mama" s'est enfuie à l'étranger. Jeanine a fait le calcul de toutes ses passes : "Je lui ai versé 33 000 euros."
La police l'a dirigée vers Médecins du monde qui l'a confiée à l'ALC. Elle s'est retrouvée, en mai 2005, dans un deux-pièces banal, dans la région niçoise. Suivie aujourd'hui par deux éducateurs, elle apprend, outre le français, à dormir la nuit et à gérer 50 euros par semaine... "L'éloignement lui permet de se reconstruire", ajoute Philippe Thelen, coordinateur du dispositif.
Jeanine souhaiterait être avocate. Mais, avant d'envisager des études, elle voudrait recevoir cette fameuse carte de résident. Elle a aidé la police au prix fort, dit-elle : "La femme et le bébé de mon frère ont été tués au pays." En représailles.
Mustapha Kessous
Article paru dans l'édition du 19.03.06
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www.liberation.fr
Les prostituées battent le pavé pour leurs droits
Manifestation samedi à Paris contre la loi sur le racolage.
par Christophe FORCARI
QUOTIDIEN : lundi 20 mars 2006
Les biches sortent du bois... de Boulogne. Et les prostituées aussi. Elles défilaient samedi à Paris, de la place Pigalle jusqu'au centre Beaubourg. Une «Pute pride», la première du genre, pour dire leur fierté de pratiquer le plus vieux métier du monde. Avec des slogans comme «Plus de caresses, moins de CRS», ou «Vous couchez avec nous, vous votez contre nous». Et d'autres, plus politiques, comme «On est putes, on est fiers, Sarkozy, c'est la guerre». Car il s'agissait surtout pour les manifestantes d'exprimer leur indignation contre la loi de mars 2003 dite «loi de sécurité intérieure» de Nicolas Sarkozy, un texte qui établit le délit de racolage passif et le rend passible de deux mois de prison et de 3 750 euros d'amende.
Les manifestantes défilaient aussi contre l'absence d'un statut reconnaissant leur métier de «travailleurs, travailleuses du sexe». Dans des tracts, des prostitués des deux sexes demandaient de «faire reconnaître (leur) métier et (leurs) droits humains» et de «mettre fin à la putophobie qui (les) maintient dans un statut de délinquantes ou de victimes». Act Up Paris s'était joint au défilé avec le slogan «Prostituées, Sarkozy vous préfère mortes».
Au sein de cette manifestation qui a réuni près d'une centaine de professionnels, les arpenteuses latino-américaines des allées du bois de Boulogne étaient les plus nombreuses. Les bitumeuses de la rue Saint-Denis, vers laquelle le petit cortège s'est dirigé, ne battaient pas le pavé. «Elles hésitent à se montrer. C'est plus facile pour nous qui sommes entre deux sexes et plusieurs identités», confiait une des «trans» habituées à tapiner au bois. Maîtresse Nikita, dominatrice et prostituée depuis trente et un ans, Jean-François dans le civil, perruque noire, juchée sur des bottines à talons effilés, à l'initiative du mouvement «Putes et fières et l'être», souriait aux sifflets de ses consoeurs. En précisant juste que Jean-Luc Roméro, élu parisien homo UMP, soutient leur mouvement.
Malika, grande transsexuelle aux yeux verts, jean et lunettes Prada sur les cheveux, souriait : «On est juste là pour aider à la reconnaissance des différences sexuelles.» Vénus, 24 ans et des jambes de danseuse étoile, lâchait qu'il n'était là qu'en soutien : «Je trouve incroyable les discriminations subies par les prostituées.» A ses côtés, une jeune femme tenait en laisse un homme au visage cagoulé avec autour du cou une pancarte «client 100 % satisfait». Pas loin, Catherine Deschamps, ethnologue, une des fondatrices de l'association Femmes publiques et proche des Verts, expliquai: «Le côté rabaissant de la prostitution, ce n'est pas la question. Nous agissons face aux associations féministes qui disent que la prostitution c'est de la violence. Non. Il faut juste que leurs conditions de travail s'améliorent», expliquait-elle en rajustant ses lunettes.
Karima Seddiki, transsexuelle de 36 ans, prostituée dès l'âge de 18 ans, était venue de Limoges pour participer à ce défilé. «Mon banquier est un maquereau. Il accepte mon argent alors qu'il sait qu'il vient de la prostitution. L'Etat pareil, qui perçoit mes impôts. Tout argent venant de la prostitution fait de celui qui le touche un proxénète. Y compris mon boulanger», expliquait-t-elle, sac Vuitton à l'épaule.
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tf1.lci.fr
Première "Pute pride" à Paris
Photo: LCI
Une centaine de prostitués ont manifesté samedi à Paris. Le motif de cette première marche des fiertés des prostituées : réclamer l'abrogation de la loi sur la sécurité intérieure, trois ans après son vote.
Créé le 18 mars 2006
Samedi, alors qu'à l'autre bout de la capitale des dizaines de milliers de personnes défilaient contre le contrat première embauche, une centaine de prostitués manifestaient à Pigalle pour demander l'abrogation de la loi sur la sécurité intérieure, trois ans après son vote.
A l'initiative de cette première "Pute pride" (marche des fiertés des prostituées) : le groupe activiste "les putes", composé de prostitués des deux sexes, les "travailleurs du sexe" comme ils se dénomment.
Les manifestants défilaient à visage découvert ou masqués, derrière une banderole sur laquelle ont pouvait lire: "Marche et fierté des travailleurs du sexe contre la loi Sarkozy". Certains portaient des pancartes proclamant "légalisez notre profession" ou "racolage passif = répression active", ou encore "insulte, rackets, coups au bois, la police fait sa loi".
Aux cris de "on est putes; on est fiers, Sarkozy c'est la guerre", le cortège se dirigeait vers Beaubourg en passant par la rue Saint-Denis. Il s'agit de "faire reconnaître notre métier et nos droits humains" et de "mettre fin à la 'putophobie' qui nous maintient dans un statut de délinquantes ou de victimes", expliquent ses membres dans leurs tracts.
Ils demandent l'abrogation de la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003, qui rend le racolage passible de 2 mois de prison et 3.750 euros d'amende. Cette loi a, selon eux, donné "à la police le pouvoir de mépriser encore plus les putes" et "accentué l'exclusion" des travailleurs du sexe.
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www.marianne-en-ligne.fr
Prostitution. La première « pute pride » française !
Le 07/03/2006 à 7 h 00 - par Linda Zenati
Pour faire entendre leurs revendications concernant leur statut social, les travailleuses du sexe défileront dans la capitale le 18 mars prochain.
Trois ans après la loi Sarkozy contre le racolage, les « travailleuses du sexe » ont décidé donner de la voix. Pour la première fois, un collectif très explicitement nommé « les Putes » s'est mis en place pour faire reconnaître le droit de celles et ceux qui, en dehors de la contrainte de tout proxénète, vivent librement de leurs charmes. Le choix d’un tel nom, généralement utilisé de manière péjorative, a bien sur pour but de provoquer et d’attirer l’attention. Thierry, un jeune travesti de 23 ans, membre de l’association, s’en expliquait hier au Parisien : « On nous stigmatise soit comme des délinquantes, soit comme des victimes. Nous ne sommes ni l'un ni l'autre. Nous avons donc décidé de nous approprier l'insulte de pute et d'afficher notre fierté à l'occasion d'une marche ».
Le collectif a mené sa première action militante samedi dernier, en organisant une manifestation une fois encore plutôt provocatrice. En effet, des slogans comme « vous couchez avec nous, mais vous votez contre nous » allaient bon train… Le tout scandé par une quinzaine de prostituées « en tenue de travail ». La raison de ce tapage ? Réclamer l'abolition de la loi Sarkozy, qui sanctionne le racolage par 2 mois de prison et 3750 € d'amendes.
Mais en quelques minutes, les forces de l’ordre, envoyés, justement, par Nicolas Sarkozy, ont mis un terme au rassemblement. Le premier flic de France n’ayant pas fait le déplacement, les travailleuses du sexe feront résonner leur colère lors d’une « pute pride » qui commencera, et c’est bien normal, place Pigalle…
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La tribune de Genève (Suisse)
A Paris, la «Pute Pride» dénonce les lois Sarkozy
Monde - Revendications
L’interdiction du racolage passif indigne les prostituées. Le métier n’est plus ce qu’il était.
Paris/Mathieu van Berchem
Publié le 18 mars 2006
Aujourd'hui, tandis que la France en colère contre le «contrat première embauche» défilera sur les grands boulevards parisiens, un petit groupe bigarré fera bande à part, du côté de la place Pigalle.
En tenue de travail, prostitués hommes et femmes occuperont les trottoirs jusqu'à Beaubourg pour cette première «Pute Pride». Ambiance festive, chars bariolés et samba batucada garantis, mais des revendications très sérieuses: l'abrogation de la loi Sarkozy interdisant le racolage passif, votée il y a trois ans exactement.
Le métier n'est plus ce qu'il était. A Paris, quand les prostituées tapinent, les policiers ne sont jamais loin. «Souvent, elles se font emmener, menottes aux poignets, rue de Crimée, au commissariat «super-raco» créé à cet effet après le vote de la loi», assure la sociologue Françoise Gil, membre du collectif Femmes de droits-droits des femmes. Là, elles sont déshabillées, fouillées au corps, puis gardées à vue une ou deux nuits. Souvent pour rien: les poursuites judiciaires donnent rarement lieu à des condamnations, affirme Mme Gil.
Un véritable harcèlement
Les «traditionnelles» n'en peuvent plus. Aux Bois de Bologne et de Vincennes, ces dames sont verbalisées jour et nuit. Pour stationnement interdit. «Un véritable harcèlement», note Françoise Gil.
«Le racolage passif? Mais ça n'a aucun sens. On nous interpelle même quand on gare notre voiture ou quand on fait des courses», fulmine Camille Cabral, médecin, élue du XVIIe arrondissement. «Et pute!», dit-elle sans la moindre gêne pour ce terme qu'elle préfère à celui de prostituée. «Cela ne devrait pas être une insulte», partage Thierry, prostitué travaillant à domicile – «c'est plus sûr». Sur les sites du collectif «Les putes», qu'il vient de créer avec des confrères, s'affiche cette devise: «ni victimes ni coupables, fières d'être putes».
Tout ce petit monde, les traditionnelles comme les transsexuels, se reconnaît dans la définition de Grisélidis Réal: «Des grandes artistes techniciennes et perfectionnistes, qui pratiquent cet artisanat particulier (…) volontairement, par une sorte de vocation innée.»
Certaines se sont battues avec la Genevoise dans les années 1970, pour la cause des prostituées. «Or aujourd'hui, ces droits sont remis en question, déplore Françoise Gil. Avant de disparaître, Grisélidis s'était insurgée contre ce stupéfiant retour en arrière.»
Pour la seule année 2004, 5000 procédures pour racolage ont été lancées, dont 3725 à Paris. «Nous voulons casser les réseaux en multipliant les arrestations, les gardes à vue et les reconduites à la frontière», expliquait récemment au journal Le Monde un officier de police.
Efficacité contestée
Une efficacité contestée par les prostituées. «Loin de démanteler les réseaux, cet article de loi fait le jeu des proxénètes, estime Françoise Gil. Récemment, une fille harcelée au Bois de Vincennes est partie tapiner en banlieue. A peine débarquée, on lui a fait comprendre que le trottoir coûtait 300 euros la journée.» Nombre de ces dames sont repoussées de Paris vers les autoroutes ou les forêts de banlieue, des zones peu sûres.
Pour autant, peu de «traditionnelles» participeront à la «Pute Pride». «La lutte contre le contrat première embauche, qui rassemblera des centaines de milliers de Parisiens, nous paraît plus urgente», affirme Françoise Gil. Et peut-être ne se reconnaissent-elles pas entièrement dans ce défilé un brin provocateur.
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Les prostituées contre l'insécurité
Première manifestation de prostituées, samedi, dans les rues de Paris. De la place Pigalle à la rue Saint-Denis, elles étaient entre 100 selon la police et 500 selon les organisateurs à défiler pour « la reconnaissance de leur métier, de leurs droits sociaux et humains ». Leurs slogans allaient de « Ni coupables ni victimes, fières d'êtres putes » à « Vous couchez avec nous, vous votez contre nous ». Cette « pute pride » était organisée par Les Putes, un récent collectif activiste composé d'une quinzaine de « travailleuses du sexe ».
Les manifestants des deux sexes réclamaient avant tout la suppression de la loi Sarkozy de mars 2003. Dite « sur la sécurité intérieure », cette loi rend le racolage passible d'une amende de 3 750 euros, d'une peine de deux mois de prison, et d'un retrait de la carte de séjour pour les personnes étrangères. « Cette loi a renvoyé les filles dans l'insécurité », expliquait Karima, 36 ans, venue de Limoges pour l'occasion. « De peur de recevoir une amende, elles ne vont plus voir les policiers si elles sont violées ou frappées par un client », poursuit la prostituée. Les Putes avertissent que « ce n'est que le début de la révolution et nous la maintiendrons jusqu'à ce que nous gagnions notre guerre contre Sarkozy ».