Circoncision et VIH
Attention aux fausses croyances
Égypte ancienne; bas relief: circoncision rituelle sur un jeune garçon. Mastaba d'Ankhmaho à Saqqara.
-> Une info lue sur :
www.sida-info-service.org
Aucun individu ne peut se considérer comme personnellement protégé par la circoncision
Indiscutablement, la circoncision aura été la vedette de la prévention au cours des deux dernières années.
Deux études visant à évaluer le bénéfice de la circoncision dans la réduction de la transmission du VIH viennent d’être interrompues. Le bénéfice de la circoncision est si net à l’analyse des résultats intermédiaires qu’il ne serait pas éthique de poursuivre un essai qui pourrait entraîner des contaminations évitables. Révolution ? A voir.
Curieusement, le bénéfice de la circoncision dans la prévention des infections sexuellement transmissibles est connu depuis l’Antiquité. L’observation scientifique et médicale moderne l’a confirmé, et des études cas-témoin menées en Afrique subsaharienne aux premiers temps de l’épidémie de sida ont permis de constater une moindre prévalence du VIH dans les zones où la circoncision des hommes était généralisée.
Il a fallu cependant attendre 2005 et l’étude de Bertrand AUVERT en Afrique du Sud, sous l’égide de l’ANRS, pour que le rôle de la circoncision dans la prévention du VIH puisse être évalué de façon précise. Comment ? En proposant à des volontaires une circoncision immédiate ou différée, et en regardant ce qui se passe chez les uns et les autres. Le travail d’AUVERT a conclu à une réduction de 60 % des contaminations chez les personnes circoncises.
Les deux essais qui viennent d’être arrêtés relèvent de la même méthodologie, et ont été réalisés au Kenya et en Ouganda, deux pays d’Afrique de l’Est très touchés par le sida, et depuis longtemps. La conclusion rejoint celle de l’étude franco-sud-africaine, avec une réduction des contaminations d’environ 50 % dans les deux pays où l’étude a été menée. La bonne nouvelle, c’est que 50 % des contaminations ont été évitées. Mais rien ne dit que cet avantage tiendrait dans le temps (l’étude n’a pas duré 2 ans). La mauvaise nouvelle, c’est que 50 % des contaminations ont eu lieu malgré la circoncision.
Un enthousiasme à tempérer
La circoncision est en train de devenir la panacée de la prévention, et il est nécessaire de tempérer cet enthousiasme. La circoncision protège vraisemblablement des populations à risque élevé d’une épidémie massive, et à ce titre il devient clair que des réponses politiques doivent être envisagées dans des régions du monde où l’endémie est très importante… et hétérosexuelle (chez les gays le bénéfice éventuel est beaucoup plus difficile à appréhender). Mais aucun individu ne peut se considérer comme personnellement protégé par la circoncision. Et il ne faut pas négliger le fait que, dans certains pays où la circoncision est rituelle et pratiquée dans des conditions d’hygiène non optimales, elle peut être un vecteur de transmission des hépatites (comme l’excision d’ailleurs).
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler, il serait dangereux de croire que, dans nos pays occidentaux où la dynamique épidémique n’est pas du tout la même, la circoncision permettrait de contourner la protection des rapports ; au contraire, les hommes circoncis se mettraient en danger en pensant que cela suffirait à éviter une contamination tout en n’utilisant pas de préservatif.
Docteur Michel Ohayon
Sida Info Service