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*Mots sur la pornographie



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texte publié sur : http://ccp.samizdat.net/Pornographie.rtf

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L’industrie de la pornographie est au premier rang quand il s’agit d’offrir des modèles formatés, répétitifs et aliénants des sexualités féminines et masculines. Pourquoi tant de clichés sexistes ? Petit tour dans le spectacle de la sexualité.

A l’heure d’innombrables débats sur la pornographie, nous nous sommes proposer d’y mettre notre nez et de voir ce qui aurait changé dans le contenu des matériaux sexuellement explicites et qui permettrait aujourd’hui de parler d’appropriation féminine de la pornographie. La pornographie contemporaine représente-t-elle des pratiques sexuelles respectueuses des personnes ? Dépasse-t-elle sa réputation de matériel à masturbation masculine ? Permet-elle aux femmes de se réapproprier leur corps, leurs désirs ?

La transformation commerciale

Eu égard à son mode de fabrication et de commercialisation, la pornographie relève de l’industrie Cela dit, le marché de la pornographie n’est pas (encore) coté en bourse, il ne procure donc pas des bénéfices comparables aux multinationales du pétrole, par exemple. En ce sens, son chiffre d’affaires annuel en France est énorme, dans sa catégorie : 320 millions d’euros.(1)
Fonctionnant comme source de revenu et comme commerce, la pornographie s’est donc transformée pour répondre aux exigences de l’industrie contemporaine et de la banque. Explication : pour que le profit soit le plus élevé, elle doit toucher le plus grand nombre. Les marchands de X ont donc dû découvrir le dénominateur commun le plus fruste et réduire en même temps les dépenses de fabrication : d’où cette répétition, ce peu de soin (absence de jeu d’acteur, négligence des lumières, pauvreté des décors) qui la caractérisent. Une vendeuse de sex-shop dénoncait la censure de toute parution de qualité vers 1970, au profit du plus nul. Une époque de grande qualité d’expression pornographique a-t-elle jamais existé ? Néanmoins il semble que la nôtre organise un piètre et médiocre spectacle de sa sexualité, avec, on peut le croire, quelques effets sur l’exercice même de la sexualité. Pour qui serait sceptique quant aux répercussions de la pornographie sur ses spectateurs-trices, voici une amorce de réponse : « Hypocrisie ! Comment des gens qui investissent des sommes considérables et beaucoup de talent dans des spots publicitaires de 30 à 60 secondes, persuadés, à juste titre, de leur impact sur les masses, pour vanter un homme politique ou une nouvelle marque de bière, peuvent-ils affirmer n’avoir aucune influence sur ce même public avec un film de 120 minutes ? »(2)
On peut se dire aussi que pour gagner plus d’argent, il faut toujours étendre les terrains du profit. D’où une diversification des genres pour toucher un maximum de particularismes (sado-maso, lesbien, gay, hétéro, crade, « féministe », pédophile, scato, zoophile…). Due aux « évolutions » techniques et technologiques, la pornographie, qui n’a pas vraiment changé d’images, a changé de mode de production (et par conséquent de mode de consommation). L’image pornographique s’est multipliée, elle a envahi tous les compartiments de la vie sociale. Elle s’étale en tout lieu, se sert de tous les médias. Elle s’impose à toutes les classes sociales, nul n’échappe aux couvertures de magazines (de voiture ou autre), aux pubs (pour tout et n’importe quoi) reprenant l’imagerie du X ou à l’ « affichage pornographique illégal » (3).

Domination sexuelle

Les acteurs principaux des films pornos, à quelques exceptions près, sont des morceaux de femmes et des pénis. Le cadrage d’une scène de pénétration montre rarement autre chose de l’homme que son sexe. Les corps de femmes sont filmés sous toutes les coutures, pas les corps d’hommes : par exemple, tous les films hétérosexuels présentent au minimum une scène de lesbianisme et jamais une scène entre hommes. Qui cela dérangerait-il ? La pornographie est faite pour les hommes. Ils s’y voient, dans leur puissance et la réalisation de leurs fantasmes, et ils y voient l’objet de leur fantasme Sur le plan symbolique, le spectacle pornographique se présente comme un culte du Phallus. Il est la puissance et, par corrélation, tout ce qui l’entoure lui est soumis. A l’image, l’accent est mis sur l’érection masculine, sur l’homme figé dans son érection (pas d’image du sexe avant érection, ni après éjaculation), et dont le corps apparaît comme inintéressant, peu important pour le désir. On assurent aux femmes qu’elles ne peuvent connaître le plaisir que grâce au sexe de l’homme, qu’elles n’ont qu’une seule envie : celle du pénis, c’est ce que réaffirme la pornographie.
Il ne faut pas croire qu’aucune femme ne regarde de film X, (4) mais elles doivent les regarder avec des yeux, des intérêts masculins (les films sont fait par et pour des hommes, ils nient une quelconque différence, spécificité ou existence de désirs, d’intérêts sexuellement féminins). Sans toucher à la question d’éventuelles différences de désir entre genre masculin et féminin (réelles, imaginaires, construites, innées ?), la pornographie « classique » porte intérêt aux fesses d’une femme et pas à celles d’un homme. Par ailleurs, nombre de producteurs n’ont pas de charte et permettent à des misogynes haineux de tourner des films qui combinent viols, humiliation, réification.
Quant à la question des plaisirs, leur représentation est inexistante. De même pour la joie, il faut qu’il y ait la présence d’alcool pour que l’on y entende des rires. En revanche, on assiste, après chaque scène de pénétration, à la masturbation du protagoniste et à son éjaculation sur le corps de la protagoniste. Il s’agit de rendre visible, spectaculaire, l’orgasme masculin. On voit cet orgasme sans l’entendre. L’homme est « impartial, (…) maître de lui comme de l’univers, refermé dans ses songes alors que tout homme (ou presque) crie ou geint au moment de la jouissance. Ici, c’est tout à fait inutile, puisqu’il donne à voir ce jaillissement de sperme face/sur la femme émerveillée. »(5) Les femmes, elles, on les fait gémir, jouir dans les 10 premières secondes après la pénétration. La montée souvent sinueuse, capricieuse du plaisir est complètement escamotée dans les films pornos, et c’est peut-être là que le film X travestit le plus profondément le désir féminin. De ce que nous avons vu, dans les films dits classiques, il est rarement question d’orgasme, pour les femmes ; elles geignent, et à tous les coups. Cela peut être interprété comme : « Voyez, n’ayez pas peur, la femme, c’est fait pour jouir et, en effet, ça jouit » ; et en même temps comme le contraire : ? « si vous ne l’avez pas assez gros ou habile, il faut au moins vous taire dans le plaisir pour garder la domination. »

Misère sexuelle

La misère sexuelle recouvre plusieurs choses, dont le non-épanouissement sexuel (quantitatif et/ou qualitatif ), la méconnaissance de sa propre sexualité et de celle des autres, la méconnaissance de son corps, du corps des autres. Viviane Forester résume ainsi : « le territoire de la libido n’est pas limité à celui de la sexualité officielle (qu’elle soit dite normale ou perverse). C’est un territoire immense, inexploré, qui est celui de la liberté des gens. Le pouvoir le tient donc pour très dangereux. Et décide de l’interdire, le circonscrire, de le contrôler. Comment s’y prend-il, le pouvoir ? Il prélève dans cette vaste géographie de la libido, une île, et il dit : “ regardez, c’est là que tout se passe. Ailleurs, c’est sans importance, nul. Si vous ne vous intéressez pas à cette seule petite île - le coït, le plaisir strictement sexuel - , c’est que vous êtes frigide ou folle ; vous êtes annulée et vous n’existez plus sexuellement. » (6)
D’autre part, il faut noter dans la représentation la quasi-exclusivité accordés à la vue. La pornographie méprise tous les sens autres que la vue. Dans les films, il y a bien une petite collection de bruits : une misère. Et pour le reste : rien, aucun sens n’est évoqué, ni goût, ni odorat (etc.), seule l’image est là, et quelques mots qui sont des bruits, soit une part infime et faible de la fête sexuelle. Le désir n’est plus ni sacré, ni secret. Sans fièvre et sans mystère nous entrons dans le temps d’un sexe sans qualité. La pornographie, en soi, participe à créer son temps en mettant en scène « l’équivalence généralisée : deux partenaires ou dix, des femmes ou des hommes, devant, derrière ou de côté, être ou ne pas être, questions futiles pour cet art déconcertant, cet art qui nous introduit dans un univers plat comme un trottoir de rue (…), peut-être à un entre-deux de la vie et de la mort. Un univers sans mal, qui échappe à toutes catégories, toutes valeurs, et pour cela même, à toutes lois. » (7)

Un autre porno ?

Peut-on imaginer une autre création pornographique, qui se propose, outre l’excitation suscitée chez le spectateur de « ra-con-ter » une histoire ; d’inventer, de s’amuser, de fêter le corps et ses jeux dans sa totalité et dans le respect de chaque personne, de chaque sexe ;de diversifier la mise en scène, de s’attacher à des corps et personnages variés ; de dépasser le point de vue hégémonique hétéro-masculin ? Ils sont certes ultra minoritaires et peu accessibles, mais des films de ce type existent. Pour des références et descriptions d’une dizaine de ces films, vous reporter au chapitre « Portraits de femmes pornographes et autres féministes pro-pornographie » de Porno Manifesto (8), Cependant, il faut souligner que si ces films n’intègrent pas les autoroutes de la distribution, c’est qu’ils sortent des diktats du porno-business. Penser que des matériaux pornographiques, dans leur ensemble, devrait transparaître une éthique, c’est faire abstraction du monde comme système commercial, comme système de violences, c’est croire que la demande créer l’offre ou que la demande consumériste peut contenir une éthique. La pornographie faite pour la vue (vision, visualisation) reste coincée dans la primauté du regard sur l’odorat, le goût, le toucher, l’ouïe, entraîne un appauvrissement des relations corporelles et contribue à désincarner la sexualité. A partir du moment où le regard domine, le corps perd de sa chair et le sexuel devient affaire d’organes bien circonscrits et séparables du lieu où ils s’assemblent en un tout vivant … une personne existante. En ce sens, on peut se demander si l’on n'est pas quelque part sur le chemin d’une cyber-sexualité, où le virtuel sera vanté comme mille fois préférable au réel car plus sécurisant, facile, immédiat, satisfaisant... sans nécessité de compromission... ?

(1) Soit 500 millions de francs. P. Baudry, La Pornographie et ses images, Agora, 1997, p. 29.
(2) Michael Medved, Hollywood versus America, éd. ?XXX
(3) Terme désignant les affiches collées dans des endroits interdits d’affichage, proposant des adresses minitel et Internet, utilisé par La Meute.
(4) 30 % des films achetés par correspondance le sont par des femmes.
(5) p. 306, M.F. Hans, G. Lapouge, Les femmes, la pornographie et l'érotisme, éd. XXX1978.
(6) p. 77, cf 6.
(7) p. 333, cf 6.
(8) Ovidie, Flammarion, 2002, p. 103 à 154.

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texte publié sur : http://ccp.samizdat.net/Pornographie.rtf

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Ecrit par gaadjou, le Samedi 12 Novembre 2005, 22:56 dans la rubrique "Post-porn".
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