C'est qui "ON" ?
Têtu parle en notre nom
-> Un communiqué de presse de
TAPAGES, Transpédégouines de Strasbourg.
Le 5 mars 2007
A vrai dire, ça faisait un bail que nous n'avions pas
ouvert Têtu.
C'est un texte des Panthères Roses
(
www.pantheresroses.org) qui nous fait y revenir et le
lire à nouveau.
Enfin, le lire c'est un bien grand mot : le regarder.
Têtu c'est le condensé de ce que l'on craint pour nos
vies. Des existences interchangeables, normées, bien
dans les clous.
Dans un texte misérable, qui ouvre ce numéro, T.
Doustaly, le directeur de la rédaction, affirme :
"On a gagné". On l'avait allègrement abandonné lorsqu'il
nous sommait en tant que pédégouines de voter "25 fois
oui" au Traité de Constitution Européenne. On le
retrouve en grande forme, amnistiant Sarkozy et le PS
et braillant comme un supporter de football.
Doustaly écrit ainsi, pour conclure : "On peut
toutefois prévoir que
le deuxième tour de l'élection présidentielle verra
s'opposer Ségolène
Royal et Nicolas Sarkozy, et pour ce qui nous
concerne, quel que soit
le vainqueur, les homosexuels pourront accéder soit à
une union style
PACS, soit au mariage. On peut donc dire qu'on a
gagné."
La droite, la gauche : tout ça c'est, à le lire, la
même chose. Et
c'est vrai : bien souvent (et pour le pire) c'est la
même chose. Sauf
que, sur ce cas là, il y a comme une différence. Pour
les
transpédégouines, la gauche de droite se donne des
airs progressistes.
Fait mine d'être de gauche, bagarreuse contre les
inégalités.
À TAPAGES, nous sommes aussi putes, chômeurs/-ses,
trans', étranger-e-s,
étudiant-e-s, salarié-e-s, etc. : ça émousse notre
enthousiasme. À
TAPAGES, nous avons la mémoire des trahisons de cette
gauche, de ses
promesses jamais tenues, de ses politiques
sécuritaires,
anti-immigrées, libérales, etc.
Nous ne sommes pas dupes de cette gauche-là.
Mais nous sommes bien obligé-e-s de constater que depuis
le vote du PACS
ou les déclarations de Royal, le PS, sur la question
du mariage, a
avancé.
Donc on a GAGNE dit Doustaly. Ah bon ? Gagné quoi ?
Ben le mariage, ou un sous-machin du même genre.
Quelle lumineuse victoire ! On aura enfin le droit de
ressembler à nos parents... Nous en sommes tout
émuEs. "Le jour de gloire, etc. etc." Certes ce n'est
pas rien, le
mariage : on est pour. Pour les autres. Comme on est
pour la
transformation de la Loi partout où celle-ci est
discriminante.
Bien sûr, cela déterminera notre vote (plutôt notre
non-vote). Rien
pour la droite de Sarkozy (et de Bayrou). Il est
stupéfiant d'ailleurs
de lire dans le même édito que "personne ne peut
raisonnablement
croire (à) l'homophobie imaginaire du ministre de
l'intérieur". On
s'en fout que Sarkozy ne soit pas, personnellement,
homophobe. On sait juste que son refus du mariage est
homophobe, que ses déclarations sur l'homoparentalité
le sont, que Christine Boutin est sa conseillère, et
que Vanneste est toujours dans son parti...
Rien donc pour la droite sécuritaire, libérale,
familialiste, etc.
Pas grand chose non plus pour la gauche qui lui
ressemble.
Car si l'on paraphrase Doustaly, "ce qui nous
concerne" est
irréductible au seul droit au mariage. Irréductible
même aux seuls
droits des personnes LGBT. Car nous ne sommes pas que
cela.
ON a gagné dit Doustaly. Une question nous taraude :
qui est ce ON qui a gagné ?
Rapide sondage, totalement non-représentatif, autour
de nous : "Pas moi" répondent, pour une fois unanimes,
nos amant-e-s et nos ami-e-s.
Car ON a gagné si ON n'en a que pour sa gueule.
Si ON n'est pas trans.
Si ON n'est pas sans-papiers.
Si ON n'est pas précaire.
Si ON n'est pas séropo.
Si ON n'est pas pute.
Si ON n'est pas Polonais-e, Iranien-ne ou Tchétchène.
Si ON n'a pour désir que de pouvoir se marier ou
s'unifier devant un-e quelconque représentant-e de
l'État.
Etc.
Toute "chose" que nous sommes ou pourrions être.
Le ON de Doustaly est un ON de français aisé de droite
séronegatif.
Au ON de Doustaly nous opposons notre NOUS,
circonscrit, de transpédégouines radicalement
affairé-e-s à refuser ce monde.
Un NOUS qui veut le droit au mariage pour avoir le
droit de ne pas s'y rallier.
Un NOUS internationaliste qui aimerait bien que les
solidarités se fassent plus consistantes, que l'on
cesse de crever en Afrique du SIDA parce que le marché
n'est pas porteur.
Un NOUS universaliste (ou qui tend à l'être) qui se
refuse à être volé jour après jour de ses existences.
Un NOUS égalitariste, persuadé-e-s que l'on ne
s'émancipe pas toutE seul-e ou par catégories.
Un NOUS fragile, convergence d'individus asphyxiés,
qui découvre sur son chemin d'autres oppressions
spécifiques et s'en mêle.
Non : NOUS n'avons pas gagné.
Nous exigeons l'égalité des droits. Et nous en sommes
encore loin.
Nous exigeons de vivre dans une société débarrassée de
l'homophobie, de la lesbophobie et de la transphobie.
Et pas à coup de flics et de lois. Mais par un travail
de prévention et d'éducation.
Nous exigeons une société libérée de l'oppression et
de l'exploitation.
Ce jour-là (mais peut-être n'avons nous rien compris
?) ne coïncidera
pas avec le 6 mai au soir. Alors, quels que soient nos
votes (ou nos
non-votes) individuels, nous persisterons, en colère,
entêtéEs,
têtu-e-s, joyeux/-ses et déséspéré-e-s. Car nos exigences
pour aboutir
sont tributaires de nos mobilisations, de notre
détermination, de
notre acharnement. Avec d'autres. Et, dès lors, sans
Têtu.