Enquête sur le
« Contexte de la Sexualité en France »
ANRS - INSERM - INEDLes premiers résultats d’une grande enquête sur le Contexte de la Sexualité en France (enquête CSF) viennent d’être rendus publics. Douze mille trois cent soixante-quatre personnes (12 364), femmes et hommes, âgées de 18 à 69 ans, ont été interrogées par téléphone. Il s’agit de la troisième enquête nationale sur les comportements sexuels en France, après l’enquête Simon en 1970 et l’enquête ACSF (Analyse des Comportements Sexuels en France) en 1992. Cette enquête devrait contribuer à guider l’élaboration des politiques de prévention de la transmission sexuelle de l’infection à VIH et des autres risques associés à la sexualité.L'enquête «Contexte de la Sexualité en France» a été menée sous la responsabilité scientifique de Nathalie Bajos (Inserm) et de Michel Bozon (Ined), et coordonnée par Nathalie Beltzer (ORS Ile-de-France). L'équipe de recherche associe des chercheurs en sociologie, démographie et épidémiologie de l'Inserm, de l'Ined, du CNRS, de l'InVS et de l'Université. L'enquête est réalisée à l'initiative de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS). Elle a été financée par l’ANRS, la Fondation de France, la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) du ministère de la Santé, et l’INPES. L’âge au premier rapport sexuel des femmes est devenu aujourd’hui très proche de celui des hommes : 17,6 ans pour les femmes âgées de 18-19 ans, et 17,2 ans pour les hommes du même âge. Dans les années 2000, une tendance à la baisse est apparue. Les femmes et les hommes ne déclarent pas le même nombre de partenaires : en moyenne 4,4 pour les femmes et 11,6 pour les hommes. L’écart entre les deux sexes résulte d’une proportion plus importante d’hommes qui déclarent avoir eu au moins 10 partenaires dans la vie (35,4% versus 10,9% des femmes). Malgré tout, le nombre de partenaires déclaré par les femmes est en augmentation par rapport aux enquêtes précédentes, alors qu’il reste stable chez les hommes depuis l’enquête de 1970. Parmi les personnes qui ont actuellement un partenaire sexuel, la fréquence des rapports est de 8,7 rapports par mois (identique pour les femmes et les hommes). Les femmes en couple de plus de cinquante ans connaissent aujourd’hui une vie sexuelle bien plus active que les femmes interrogées en 1970 ou même en 1992. Parmi les personnes qui ont entre 18 et 69 ans, 4,0% des femmes et 4,1% des hommes déclarent avoir déjà eu des rapports avec une personne du même sexe au cours de leur vie. Une augmentation sensible est enregistrée pour les femmes (par rapport aux femmes interrogées en 1992), alors que pour les hommes la proportion est identique à celle de l’enquête précédente. Au cours des douze derniers mois, 1,0% des femmes et 1,6% des hommes déclarent avoir eu des rapports avec une personne du même sexe, soit des proportions qui ont augmenté par rapport à l’enquête de 1992. Par ailleurs, l’acceptation de l’homosexualité dans la population est plus élevée qu’auparavant, mais reste problématique parmi certains groupes sociaux, notamment les hommes de plus de cinquante ans.
Les nouveaux moyens de communication ne sont pas sans effet sur les rencontres et l’activité sexuelle : 9,6% des femmes et 13,1% des hommes (de 18 à 69 ans) se sont déjà connectés à des sites de rencontre sur Internet, et c’est le cas de près d’un tiers des jeunes de 18 à 24 ans. Un homme sur dix, entre 20 et 24 ans, a déjà eu des rapports sexuels avec une personne rencontrée par Internet (6% des femmes). Le recours à la prostitution ne baisse pas: plus de 5% des hommes de 20 à 34 ans ont payé pour avoir des rapports sexuels dans les cinq dernières années, proportion identique à celle de l’enquête précédente. Interrogées sur les difficultés rencontrées dans leur sexualité, les femmes déclarent dans 7,4% des cas avoir souvent (et 28,9% parfois) des difficultés à atteindre l’orgasme, cette difficulté étant rapportée plus fréquemment à la fois par les femmes les plus jeunes et par les plus âgées. Quant aux hommes, ils sont 2,5% a déclaré avoir souvent une difficulté à obtenir une érection et 14,3% parfois, cette situation augmentant fortement après 50 ans. Dans la grande majorité des cas toutefois, ces difficultés ne sont pas vécues comme une gêne dans la sexualité.
Près de 90% des femmes et hommes de 18 à 24 ans ont utilisé un préservatif au premier rapport, les personnes sans diplôme l’utilisant un peu moins souvent. Dans les douze derniers mois, ceux qui ont eu plusieurs partenaires ou un nouveau partenaire ont plus fréquemment utilisé des préservatifs que ceux qui n’avaient qu’un partenaire connu depuis plus d’un an. Cependant, près de 20% des femmes et des hommes qui ont trois partenaires ou plus n’en ont pas utilisé dans les 12 derniers mois. La proportion de personnes ayant été diagnostiquées positives au test de dépistage de l’infection à Chlamydia trachomatis, proposé dans le cadre de cette enquête, s’élève chez les 18-24 ans à 3,6% chez les femmes et 2,4% chez les hommes. Parmi les personnes porteuses de Chlamydia trachomatis, 44% des femmes et 26% des hommes ne présentaient pas les facteurs de risque classiquement associés à cette infection : avoir eu plusieurs partenaires ou un nouveau partenaire sexuel dans les 12 derniers mois. Environ 13% des personnes interrogées connaissent une ou plusieurs personnes séropositives, proportion identique à celle de l’enquête de 1992. Une femme sur deux et 45% des hommes ont déjà effectué un test de dépistage du sida au cours de leur vie, et près de 11% l’ont fait au cours de l’année précédente.
Les premiers résultats de l’enquête CSF traduisent une diversification des expériences sexuelles et affectives. Mais si les écarts entre les femmes et les hommes se réduisent, leurs comportements continuent toujours à être perçus selon des critères bien distincts, et vécus différemment par les intéressés. Un clivage persiste entre une sexualité féminine, qui renvoie avant tout à l’affectivité et à la conjugalité, et une sexualité masculine, dont la diversité et la dimension physique apparaîtraient essentiellement comme des caractéristiques biologiques. Ces représentations ne sont pas sans effet sur les comportements de prévention des femmes qui déclarent moins souvent que les hommes utiliser des préservatifs. Enfin l’utilisation du préservatif s’est largement diffusée dans l’ensemble de la population, même si les efforts préventifs doivent se poursuivre, en particulier auprès des jeunes sans diplôme et des personnes qui ont plusieurs partenaires.
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