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*«J'ai cru que t'étais pédé, j'ai eu trop peur»

--> Libération

«J'ai cru que t'étais pédé, j'ai eu trop peur»



Foire aux esclaves exotiques,
"Élection Mister BBB Beach", Paris 2006




Un bel article qui, sous prétexte de dénoncer l'homophobie, contribue à stygmatiser les quartiers populaires. L'homophobie est un problème qui transcende les classes et les couches sociales, ce n'est pas un spécificité des quartiers.
p-Ô-p



-> Une info lue sur : liberation.fr


Antonin, Malik, Aube et Eric subissent au quotidien moqueries, agressions ou pression familiale. Ces homosexuels des quartiers apprennent tant bien que mal à vivre en cachant leur sexualité.


`Malik vit en banlieue, à Aulnay-sous-Bois, dans le 93. Il a 20 ans. Il es homosexuel. Voilà deux semaines, ses parents ont reçu une lettre anonym où était écrit : «Votre fils aime les hommes.» Son père l'a réveillé tôt un matin. Malik a joué le «mec super étonné». Il s'est écrié : « Mais c'est une photo de moi, dans un truc de pédé !» Sa mère pense que c'est une femme qui se venge. En réalité, c'est un ex qui l'a balancé. Il dit : «Mes parents se voilent la face. Ils péteraient un câble. Ce serait pire que si ma petite soeur perdait sa virginité.» Malik explique que ses parents sont favorables à la peine de mort pour les adultérins, que «la religion est leur système de loi» et qu'ils le renieraient. «Dans ma famille c'est trop tabou pour que ce soit dit et trop inimaginable pour que ce soit pensé, résume-t-il. Mes parents font les sourds mais ils savent, au fond d'eux.» A la maison, la sexualité est tenue secrète. «De toute façon, c'est un manque de respect de se présenter devant ses parents et de parler de sexualité.» Malik n'en parle pas non plus avec ses frères et soeurs. Un jour, son frère est tombé sur des capotes et du gel. Il a demandé des explications. Malik s'est exclamé : «T'es barge.» Son frère, rassuré, a dit : «J'ai cru que t'étais pédé, j'ai eu trop peur.» «Je ne veux pas me cramer en parlant, dit Malik. Je me cache.»

Pendant longtemps, il a cru qu'il était seul au monde. Il déroule ses années de jeunesse où, efféminé, on l'appelait «le pédé» dans sa cité qu'il a, depuis, quittée. Il aimait davantage la compagnie des filles que des garçons. Lui aussi pensait que «ce n'était pas normal». A Paris, il a découvert qu'il y avait des gens comme lui, «arabes et homos». A des soirées, il a vu des «racailles du 92 ou du 93 qui retournent leur veste». Ça lui a fait «du bien».

Malik pense qu'il devra «attendre la mort de sa mère» pour vivre sa vie. D'ici là, il est même prêt à se marier pour donner le change : «ça enterre les doutes, le mariage.» Ou alors, il ira à l'étranger. «Je ne me vois pas m'afficher avec un homme ou lui tenir la main. Avec le regard des gens, c'est gênant.» Il s'imagine ces gestes uniquement dans un pays dont il ne comprend pas la langue. A cause de la «réputation» : «Dans le quartier aussi, tout tourne autour de la religion.» Même pour ceux qui ne sont pas musulmans mais «qui veulent ressembler aux Arabes et aux Blacks».

«Essaie de nous ramener une fille»

Daniel Welzer-Lang, sociologue à l'université de Toulouse-le Mirail, spécialiste de l'identité masculine, cherche un financement pour mener une enquête sur des garçons comme Malik. «Il n'y a aucune étude et pas de statistiques. Dès qu'on touche aux milieux populaires et aux gens de l'immigration, cela bloque.»

Pas facile de parler d'homosexualité dans les quartiers. Plus encore de la sienne. Les gens se dérobent, hésitent, ont peur de témoigner (1). Vanda Gauthier et Catherine Regula travaillent sur la réputation avec des jeunes de Ris-Orangis (Essonne), à la MJC. Elles essaient de faire évoluer les mentalités dans ces endroits où les filles se font traiter de putes quand elles couchent et où les pédés sont tenus pour des victimes en puissance, des choses fragiles.

Victime, Antonin a refusé de l'être. Un jour, sur une scène de théâtre, il a fait son outing. Depuis, il est ce gars du quartier, discret, apaisé. Dans la pièce de théâtre Place des mythos, que Vanda et Catherine ont montée, il campe un homosexuel refoulé. Le jour de la première, sa mère était dans la salle. Une fois la pièce terminée, elle est allée le voir. Il tremblait. «Elle m'a demandé : "Qu'est ce que t'as ?" Je lui ai expliqué que j'étais bi.» Elle a répondu : «Essaie de nous ramener une fille.» «Ce n'était pas méchant», assure Antonin qui sait qu'il est homo depuis l'âge de 12 ans. Quelques-uns de ses amis lui ont indiqué qu'ils savaient, en blaguant. «On jouait à la console. L'un de nous a dit : "Il n'y a pas de fille." Un ami a répondu : "Si, il y a Antonin."» Il évoque l'épisode comme une «complicité». Il a deux amis qui savent, mais avec lesquels il n'évoque pas le sujet. «C'est important pour eux que je ne sois pas homosexuel», explique-t-il. Ils lui ont dit : «On sait que tu as ce délire mais, nous, on n'en parle pas.» Antonin résume : «Ils ont peur du regard des autres» et ça blesserait leur «amour-propre» d'avoir un ami homosexuel. Antonin ne leur en veut pas. Il a appris à raconter ses week-ends avec «des trous» dans son emploi du temps, à s'interrompre quand quelqu'un s'invite dans la conversation. D'autres ont choisi de ne plus lui serrer la main. Mais globalement, il n'a jamais subi de discrimination en banlieue. Antonin a pratiqué la boxe. Il a une carrure impressionnante. Il a fait des conneries, plus jeune. «Ça, les gens n'oublient pas.» Tout cela le protège. Mais il ne ramène pas de mec dans la cité. La dernière fois, son ami l'a embrassé à un feu rouge dans son quartier, ça l'a gêné : «Ici la relation ne s'affiche pas.» Antonin vit sa «vie d'homo» à Paris.

Peu de poursuites judiciaires

L'association SOS Homophobie a recueilli en 2006 une trentaine d'appels ou de mails anonymes émanant de banlieue. Les témoignages ne sont pas nombreux. «Beaucoup d'homosexuels victimes d'homophobie en banlieue pensent que c'est leur faute. Ils ne demandent pas d'aide», explique un membre de l'association. Mais ils sont violents et dessinent, en creux, le quotidien de ceux qui voudraient voir les homos bannis de leur territoire. Ainsi ce jeune de 18 ans, en Seine-Saint-Denis, menacé par ses frères qui le «forcent à faire la prière». Il doit prétendre qu'il se rend à la mosquée pour appeler la ligne de SOS Homophobie. «Dès que je mets le pied dehors avec mon mec, je me fais insulter, maltraiter par une bande d'Arabes mineurs qui nous crachent dessus, nous balancent des pierres en nous traitant comme ça : "sales pédés, porcs, allez brûler en enfer, vous n'avez rien à faire ici"», écrit à SOS Homophobie un demandeur d'emploi qui habite dans un HLM «insécurisé» de la région Rhône-Alpes. Il a prévenu la police mais «ils ne veulent rien savoir à ce sujet». Un habitant du Val-de-Marne raconte son agression verbale, près de son domicile : «Pédé, tu déshonores la race des hommes, c'est contre-nature, maintenant ta sale race veut se marier et adopter les enfants.» «Moi et mon ami sommes en danger, écrit-il, comme tous ceux qui ont l'héroïsme de vivre en banlieue... ou ailleurs qu'au centre de Paris.» Il lance une requête : à quand la prochaine manif en banlieue contre l'homophobie ?

Au Crips (Centre régional d'information et de prévention du sida) Ile-de-France, qui reçoit 70 adolescents par jour, dont 60 % de milieux défavorisés, le constat est similaire. «La majorité des gens n'exprime pas son homosexualité mais l'écrit sur un cahier. C'est une façon de faire sans avoir à affronter des visages. Ce sont les mêmes qui vont sur les tchats gais», explique Bruno Félix. Rares sont les affaires qui atterrissent sur les bureaux des procureurs. De toute façon, elles ne font pas l'objet d'une statistique précise. Hussein Bourgi, un militant montpelliérain du «collectif contre l'homophobie» a suivi nombre de procès. Il constate que, chez certains «casseurs de pédés», le déchaînement de haine est souvent le reflet de tendances homosexuelles enfouies, liées à une défense panique contre l'homosexualité. «Au lieu de se taper eux-mêmes, ils se défoulent sur la personne qui l'est. C'est un moyen de se libérer.» «Ils pensent qu'une fois qu'ils l'auront tapée, ils ne le seront plus», complète Malik. «L'homophobie est considérée comme une valeur refuge par les gens des quartiers, renchérit le sociologue Daniel Welzer-Lang. Sans possibilité de s'accomplir dans le travail, il ne leur reste pas grand-chose pour affirmer leur virilité.»

Menaces et cocktail Molotov

Vivre leur homosexualité en banlieue, certains y parviennent. Sans concession, ni ostentation. Aube ne se cache pas. «Etre homo, c'est quelque chose que je ne déguise pas.» Elle ajoute tout de même : «Je l'ai fait en arrivant au lycée, comme pionne.» Elle a travaillé dans un magasin de vêtements, dans la restauration, en usine. Elle compose de la musique de film, s'essaie au théâtre. Aube habite dans le Val-de-Marne, n'a jamais eu «aucun problème» . Dans son lycée professionnel, elle est «obligée» de s'adapter. «Les adolescents sont très intolérants, très conventionnels.» Elle fait attention à ce qu'elle dit, surtout s'il y a un élève à proximité, «mais ce n'est pas une fixette». De toute façon, elle considère qu'elle a une «discrétion» à observer : «Les élèves ne sont pas nos potes.» Quand elle les entend, dans la cour, dire que les homos «iront brûler en enfer», elle ne le prend pas pour elle. «Je ne me dis pas que cela me concerne moi, je trouve ça con, comme quand j'entends "sale Noir" ou d'autres poncifs.» Elle, on la trouve «pas normale» parce qu'elle lit des livres pendant les permanences. Dans le lycée, celui qui se raidit les cheveux est une «tapette» ; dès qu'il s'occupe de lui, ce n'est «plus un mec». Comme celui qui ramasse le stylo d'un autre est un «bolo». «Ils fonctionnent à la pulsion et sont des copies conformes les uns des autres», se désole-t-elle. Il ne s'agit pas que d'homosexualité. «La sexualité elle-même pose problème. Les filles ne l'assument pas, sont muselées par la famille, par un cahier des charges. Ici, tout le monde s'empêche de vivre ce qu'il a envie de vivre.» Ceux qui se sentent pris dans cet étau ne voient qu'une issue, partir.

Eric, 30 ans, n'avait pas d'autre aspiration : vivre comme tout le monde. Il habitait au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) depuis octobre 2004. Pas de vagues : avec ses voisins, c'était «bonjour-bonsoir». Tout allait bien jusqu'à ce qu'il fasse venir son ami chez lui, en juillet 2006. Ce soir-là, ont commencé les «ça fait vingt ans qu'on habite ici, on est chez nous. Vous partirez avant nous», ou encore : «On vous brûlera chez vous ce soir.» Il y a eu aussi : «Les pédés sont riches, ils n'ont rien à faire en banlieue.» Le premier soir, c'était les insultes, le deuxième l'agression physique et le troisième un cocktail Molotov. Il a porté plainte. Le procès a été renvoyé. Depuis, Eric a déménagé.


Par Didier ARNAUD, Charlotte ROTMAN

(1) Certains prénoms ont été modifiés.

Ecrit par post-Ô-porno, le Lundi 7 Mai 2007, 01:15 dans la rubrique "Straightland".
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