Manifestation de prostituées à Paris: "Foutez-nous la paix!"
-> Un article lu sur :
rue89.com
La scène se passe près du groupe de prostitués, hommes et femmes, rassemblés près du Sénat, à Paris, lundi. La foule disparate attire les regards. Un papi au dos voûté accourt. Il est descendu de son bus "pour se faire prendre en photo avec la chanteuse". "..." "Ben oui, Céline Dion". On lui explique volontiers qu’il n’y a pas trace de chanteuse canadienne ici: l'homme a confondu avec un des travestis venus manifester.
C’est le collectif Droits et prostitution qui appelait à ce rassemblement pour réclamer l'abrogation de l'interdiction du racolage passif. Cet article de la loi sur la Sécurité intérieure de 2003 a été adopté par le Sénat il y a exactement cinq ans, le 5 novembre 2002.
Ici, une banderole "Fières d’être putes". Là, des prostitués avec des perruques, qui ne souhaitent pas être reconnues. Parmi elles, Joëlle. A 47 ans, la peau crevassée, elle réclame le droit de travailler librement, sans enchaîner les gardes à vues: "On a beaucoup moins de clients. Ils ont peur d’être arrêtés alors qu'en réalité, ils ne risquent rien. Sauf que leurs femmes apprennent qu’elles sont trompées."
Officiant au bois de Vincennes, la prostitution est son unique activité, sa seule source de revenus: "On paye nos impôts. Qu'on nous laisse bosser. Sinon, on fait quoi? On ne va pas se mettre à voler." Joëlle, qui s'est fait confisquer un camion -"une collègue à moi s'y faisait un client"-, a depuis décidé de ne circuler qu'à pied. Elle soupire: "On ne gêne personne. Qu'on nous foute la paix..." (Voir la vidéo.)
Une myriade d’associations (Act-Up, Arcat, Médecins du monde, Pastt, Les Putes...) est représentée par une soixantaine de manifestants, dont des élus Verts. Quelques uns ont ouvert des parapluies rouges, couleur symbole depuis une manifestation de prostituées italiennes en 2002. Les manifestants réclament l’abrogation de la loi de 2003 et davantage de droits pour les prostitués. (Voir la vidéo.)
A l'heure où les salons de massage et autres bordels dissimulés pullulent, les prostitués réclament le droit de continuer à travailler dans la rue. Mais si seule une poignée est venue jusqu'au Sénat. Un membre d'Arcat explique que "deux heures de manif, c'est deux heures de travail en moins." D'autant que les prostituées se réfugient souvent aux périphéries des grandes villes. L'une d'elle lâche: "De nos lieux de tapin au Sénat, ça fait loin..."