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*Michel Foucault et le nazisme

Michel Foucault et le nazisme

Nihoul, Laurent
1999 (source)

Michel Foucault (philosophe français 1926-1984) est principalement connu pour ses ouvrages sur la prison, sur la folie et pour ses nombreuses analyses des rapports de pouvoir qui circulent au sein de l'espace social. Ce que l'on sait peut-être moins c'est que, dans son cours au Collège de France durant l'année 1975-1976, il s'est penché sur la problématique nazie et l'a analysée d'une manière originale. Le point de départ de Michel Foucault pour tenter de comprendre le nazisme est la notion de biopouvoir. En gros, on peut résumer celle-ci en disant que, jusqu'à l'âge classique, le pouvoir du souverain sur les corps s'est principalement exprimé au travers d'actes spectaculaires (supplices, tortures, mises à mort,... ) s'attaquant directement à ceux-ci. Son rôle était, essentiellement, de préserver l'intégrité des organes du pouvoir en punissant les individus "déviants". Dès le XVIIe siècle, avec l'apparition de la circulation des richesses, le développement des pratiques économiques, etc., il ne peut plus se permettre de laisser la vie se développer sans ligne de conduite mais il doit la surveiller. Il s'agit désormais de réguler les forces de la vie pour mieux la contrôler. Le pouvoir ne doit plus tuer mais investir la vie de part en part, la gérer pour en retirer le maximum de forces vives. On peut ainsi observer une prolifération de techniques visant à assujettir les corps et à contrôler les populations : écoles, casernes, prisons, démographie, santé publique... Une biopolitique de la population s'avère nécessaire. Non plus punir et détruire mais sur- veiller et gérer. Non plus effacer ou briser mais diriger. Et, analysant l'évolution de nos sociétés, Foucault relève un paradoxe étonnant : c'est préciséùment lorsque le pouvoir absorbe la vie dans le champ de ses priorités que les exterminations massives reçoivent une forme élaborée.

Prenant l'exemple du nazisme pour étayer cette affirmation, il a cette phrase curieuse lorsqu'il dit que le nazisme est "une société qui a absolument généralisé le biopouvoir". Comment un régime dont l'un des objectifs explicites était principalement la destruction massive de vies humaines peut-il symboliser la gestion ininterrompue de la vie ? Michel Foucault nuance immédiatement cette affirmation en avançant que c'est également un régime politique qui a, en même temps, "généralisé le droit souverain de tuer". Il s'explique en précisant que le biopouvoir mis en route par le nazisme est une sorte d'exacerbation de gestion de la vie. Le pouvoir nazi prend tout en charge : le biologique, la procréation, l'hérédité, la maladie, les accidents,... A la fois massif et méticuleux, il organise une multitude de processus biologiques, médicaux, sanitaires pour revitaliser la population. Mais il est "ciblé", ordonné sur les seules exigences de la race allemande. Le biopouvoir mis en place par le racisme d'état nazi exalte la thèse de la mort de l'autre comme renforcement biologique de soi. Et l'insoupçonnable adhésion qu'il va rencontrer provient principale- ment de l'exorbitant pouvoir de tuer qui est délégué à une masse indéterminée d'individus. Chacun peut, en effet, tuer, indirectement, son voisin, un collègue, une connaissance par le jeu perfide de la délation. La guerre va permettre au nazisme d'ouvrir une brèche dans cette notion de biopouvoir. Brèche qui consiste non seulement à exterminer un nombre considérable de vies "extérieures" mais également à risquer ouvertement les vies "intérieures" au régime. C'est en biologisant l'ennemi politique que l'exposition des vies autochtones va se justifier aux yeux du pouvoir, et de la population, en place. Il ne s'agit plus, ici, de protéger le corps du roi, un territoire, une nation... mais bien la pureté d'une race dont la vie des individus est gérée de la naissance à la mort. Le nazisme s'appuie donc sur cela même, la vie, que sa définition le pousse à anéantir Et l'analyse de Michel Foucault semble pouvoir s'appliquer à l'ensemble des régimes racistes. Que l'on pense, par exemple, à la Serbie qui, au nom d'une pureté violée et d'un territoire mythifié à reconquérir, veut détruire des vies "étrangères" et qui, parallèlement, n'hésite pas a exposé les vies de ses compatriotes. L'objectif de l'épuration ethnique n'est nullement remis en question par les morts serbes. Morts qui, tels des sacrifices expiatoires, représentent les martyrs nécessaires au renforcement biologique d'une race dite "supérieure". Qu'ils soient doux, souples, durs, extrémistes ou fascisants, tous ces régimes politiques, de par la nécessaire mise au pilori d'un autre impur, ont comme point de chute final l'exposition des vies de la population "défendue" dans un jeu morbide de destruction de cet autre. Parce que les invectives ne résolvent rien et que seule la guerre permet d'annihiler le bouc émissaire qui souille les principes d'une supériorité "naturelle". Parce que le repli sur soi ne purifie pas la race mais l'isole et que seule la destruction permet réellement de retrouver l'intégrité d'une population dominante. Les nationalismes pacifistes ne sont, hélas, pas possibles à long terme parce que l'existence même de cet autre haï empêche, même hors des murs, à la pureté d'être pleinement accomplie. Michel Foucault nous dévoile ainsi certains aspects insoupçonnés du nazisme. Pertinence de son analyse qui s'insère avec justesse dans les soubresauts de notre actualité. Une ombre du masque nazi semble ainsi dévoilée. Cela ne résout rien mais nous relance, un peu plus encore, sur la voie de la compréhension de l'abomination qu'a enfanté notre siècle, et qui l'a relégué sous des ruines d'humanité...



A lire : Michel Foucault, Il faut défendre la société, cours au Collège de France, 1976, éd. Gallimard - Seuil, Paris, 1997
Ecrit par post-Ô-porno, le Lundi 14 Novembre 2005, 00:02 dans la rubrique "Histoire".
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