Des godes d'art, pour jouir en beauté
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Les 400 culs "La planète sexe, vue et racontée par Agnès Giard".
Son métier : «sextoy designer». Ses œuvres : d’incroyables phallus en forme de missile sol-sol, de nains de jardin ou de tentacules extra-terrestres. Guy, designer français sorti des Beaux-Arts, a longtemps fait de la sculpture érotique pour sex-shop : il fabrique des godes et des plugs d’esthète. «Soignons nos muqueuses, dit-il. Elles méritent des œuvres d’art.»
«Le gode, c’est un accessoire comme un autre : pourquoi serait-il condamné à ressembler à un phallus plein de varices ou à un boudin rose fluo ? Je veux en faire un objet que l’on peut fièrement installer sur la table du salon.» Fils spirituel des surréalistes et du pop-art, Guy a révolutionné l'industrie du sextoy en France et maintenant, ses «jouets pour orifices» se vendent dans des sex-shops sous des formes délirantes : bite d'amarrage à la Querelle de Brest, cône de signalisation routière, obus de la Première Guerre mondiale (ou de la Deuxième ?), avant-bras vengeur avec le poing fermé, ornement d'escalier style boule de cuivre, main de mendiant tendu vers l'aumône, plug orné d'une queue de chien (au choix la queue en virgule du roquet soumis et la queue dressée du molosse de chasse à l'arrêt), pied en pointe de ballerine… Ses créations ont fait école : bien que Guy se soit retiré du marché, depuis deux-trois ans (si tu lis cet article, fais-moi signe Guy !), ses sextoys se vendent toujours : ce sont maintenant des classiques.
Sa carrière dans le gode, il ne l'avait pas prévue. Tout commence par hasard : une société belge lui commande des sculptures de pénis de porno-star. A l'époque, il y a peu de place pour l'inventivité. Un bon gode est forcément un braquemart turgescent, couleur chair, sorti tout droit d'une usine de salamis. Les instructions qu'on lui donne sont contraignantes et… explicites : «Il faut que le gode soit tout droit, décalotté et plein de veines, sinon ça se vend pas ! Il doit donner l'impression d'un pénis en érection, prêt à exploser entre les mains, au bord de cracher la purée.» (texto). Pour Guy, c'est rédhibitoire. Il ne trouve aucun intérêt à sculpter des moules de godes qui ressemblent à des gros intestins.«Mon premier gode —une imitation du pénis de Jeff Striker— je l’ai réinventé en m’inspirant du mien : pas besoin de chercher un modèle, je l’avais à portée de main ! Et puis après, de plus en plus, même ma bite je l’ai réinventée… Jusqu’à créer des formes totalement inhumaines.»
Très rapidement, emporté par l'enthousiasme, Guy détourne l’armement militaire avec des godes-obus, des godes-cartouches… Il fait aussi des godes urbains semblables à des tubulures industrielles… Il affiche à son palmarès le plus gros phallus du monde : 10 kilos, 56 cm de haut sur 13 de diamètre. Il expose au Musée d'art contemporain de Bordeaux un tapis de vinyle noir couvert d’une centaines de verges rouges de 20 cm, comme un champ de coquelicots, et des visiteuses se roulent dessus pendant l’exposition. Dans un délire d'inventivité, il met au point des godes Goldorak, des gode-cactus, des godes-pieuvre, des godes-nain de jardin, des gode-clowns féériques, des godes-alien… «Et des centaines de gens dans le monde se les mettent dans le cul ou dans la fente, dit-il. Mon travail, ce n’est pas que de l’art. Ça fonctionne, c’est utile !»
Son but, longtemps affiché, c’est mettre à la mode le jouet pour adultes, lancer des collections automne-hiver. Guy a l'ambition d'en faire un accessoire à part entière vendu chez Colette ou au Bon Marché. Sa victoire ce serait : le «Gode de créateur», en série limitée, vendu dans la boutique de Beaubourg. Et quand on lui demande, s'il est techniquement possible (efficace, jouissif) de faire des godes en forme de n’importe quoi… il répond : «Oui, parce qu’il y a une liberté énorme : Je n’ai pas d’impératifs de mode, ni de design, je suis juste contraint à respecter la morphologie des sexes. Après, tout est question d’imagination. L’érotisme est un jeu.»
Pour ce qui est des normes de sécurité, elles sont simples : le produit ne doit pas être toxique. En latex, silicone ou vinyle, les godes sont compatibles avec toutes les familles de lubrifiants. Et on peut les mettre au lave-vaisselle. Le rêve de Guy : «Inventer un gode vivant. Comme un compagnon familier…»
Son cauchemar : «Me faire attraper par quatre gros mecs qui m’obligent à tester une de mes créations !» Parfois monstrueusement proportionnés, ses godes ne sont pas à mettre entre toutes les cuisses. Mais ils font d'intéressantes sculptures… comme ce molet galbé de femme, reconstitué jusqu'au genoux, qui tend la pointe de ses orteils noirs vers une chaussure absente. Curieusement, cette jambe très féminine, s'arrache dans les sex-shops gays.