Tahin party, la petite maison militante qui avait édité le très réjouissant Combien faut-il de sales féministes pour changer une ampoule ?
(Cotthingam, 2000), nous livre sa dernière publication : Avorter ; Histoire des luttes et des conditions
d’avortement des années 1960 à aujourd’hui. Cet opuscule revient sur l’Histoire
récente de l’avortement en France, et plus particulièrement dans la région
grenobloise.
L’ouvrage s'ouvre par un bref historique des conditions d’avortement en France avant la Loi dite « Loi Veil » de 1975. Tout comme l’interdiction de promouvoir la contraception, l’interdiction
d’avorter à été l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publiques, notamment dans le cadre des politiques natalistes mises en place, pour pourvoir en hommes les armées par exemple. Ainsi le gouvernement de Vichy a instauré
la peine de mort pour les avorteuses en 1942. Les lois très dures contre
l’avortement, conjuguées aux tabous sociaux et religieux entourant cette
question, ont poussé les femmes qui ont eu recours aux techniques abortives dans la
clandestinité absolue. Ces pratiques clandestines se pratiquaient avec des techniques artisanales et des conditions d'hygiènes déplorables, contribuant à mettre la vie de beaucoup de femmes en danger. Nombreuses sont
les femmes qui succombèrent des suites d’un avortement pratiqué dans des
conditions exécrables. Les femmes socialement plus privilégiées ont quant à
elles bénéficié de conditions plus favorables, avec de l’aide de certains médecins
ou en allant à l’étranger dans des pays à la législation plus progressiste.
Ainsi, en plus d’une discrimination de genre, se surajoute une discrimination
de classe pour les femmes les plus démunies économiquement et socialement.
C'est dans cette situation intenable que les
mouvements féministes ont mené un rude combat pour obtenir la légalisation de
l’avortement, dont la Loi Veil a été un des aboutissement les plus
emblématique. Cependant cette loi défendue par Simone Veil contre son propre
camp politique et qui a vu le jour grâce aux voix de gauche, n’a pas sonné la
fin des combats et n’a été qu’une bataille remportée par les mouvements pour
l’émancipation des femmes et le droit de maîtriser leur corps. Car la loi ne règle pas tout, loin de là. De
nombreuses résistances rencontrées parmi les politiques et le monde médical ont
continué à entraver le libre droit à l’avortement. Mais le travail des
associations et des militantes a contribué grandement à faire du droit à
l’avortement une réalité accessibles aux femmes. Le droit à l’avortement existe
avant tout grâce aux femmes militantes qui le font vivre, il faut le rappeler.
Dans cet ouvrage, on peut mesurer
à travers l’exemple de l'Histoire de l'avortement à Grenoble quelles ont été - et continuent à être - les luttes
féministes pour la réappropriation de leur corps par les femmes, et plus
particulièrement en matière de reproduction.
Il faut d’ailleurs saluer l’énorme travail mené par les centres du Planning
Familial pour l’information et l’accessibilité à la contraception et à
l’avortement, dont le centre d’information sur la contraception ouvert au
public à Grenoble en juin 1961 fut le premier du genre en France. Il faut
d’autant plus honorer ce travail aujourd’hui, alors que le gouvernement
Sarkosy-Fillon viennent d’annoncer une baisse sans précédent de 42% des
subventions au Mouvement français pour le Planning familial – reconnu d’utilité
publique –, la faisant passer de 2,5 millions d’euros en 2008 à
1,5 million en 2009.
Avorter est un livre qui tombe à point nommé pour nous remémorer
pourquoi il est indispensable de rester vigilant-e et combatif-ve pour préserver et
améliorer des droits durement acquis.
Jean-Raphaël Bourge.
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-> Lire communiqué de presse du Planning Familial du 27 janvier 2009: Cliquer ici.