Actualité   Art-s   Bougeons!   Histoire   Post-porn   Prostitution   Queer   Sexualité(s)   Sources   Straightland   Textes    Vos réactions 
                      post-Ô-porno
Version  XML 
"Parce que le sexe est politique"

  

[]curieu-x-ses
depuis le 09/11/05 sur post-Ô-porno,
dont
[]actuellement.
Locations of visitors to this page 



Archives par mois
Octobre 2016 : 1 article
Février 2016 : 1 article
Juin 2015 : 1 article
Mai 2015 : 1 article
Avril 2015 : 2 articles
Février 2015 : 2 articles
Novembre 2014 : 3 articles
Octobre 2014 : 1 article
Juin 2014 : 1 article
Janvier 2014 : 1 article
Octobre 2013 : 2 articles
Juillet 2013 : 1 article

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?


*«Mutantes» la nouvelle révolution féministe par Virginie Despentes

--> Documentaire
«Mutantes» la nouvelle révolution féministe par Virginie Despentes




-> Un article lu sur: tetu.com


«Mutantes» est le nouveau film de Virginie Despentes, un documentaire féministe, porno, punk roboratif et passionnant sur la «post-pornographie lesbienne» qui sera diffusé en exclusivité et en clair sur Pink TV le 21 décembre à 22h30. Elle a accordé sa première interview à TÊTUE, pour parler de «Mutantes» et de son retour en France.

 
 
Elle semble loin l'époque où la communauté lesbienne s'écharpait à cause des sex-toys et voyait dans la pénétration un symbole de l'«hétéropatriarcat». Aujourd'hui, la nouvelle génération lesbienne et féministe en France assume son goût pour la sexualité, joue librement avec ses genres, a investi le champ de la (post-)pornographie, et revendique des espaces pour créer de nouvelles subjectivités.
L'écrivaine Virginie Despentes a voulu rendre hommage aux réalisatrices, activistes, sex-workers qui ont précédé la génération libérée d'aujourd'hui et ont tracé la voie de la pornographie faite par des femmes.
C'est pour cela qu'elle a réalisé «Mutantes», un documentaire féministe, porno, punk roboratif et passionnant qui a «pour ambition de jouer un rôle salvateur, parce que tranchant sur le discours ambiant qui voudrait que le sexe ne soit jamais aussi bien pratiqué que dans la chambre, que la dignité des femmes dépende toujours de leur sagesse et passivité». Oui les lesbiennes peuvent aimer le sexe, la brutalité, le sex-work et le montrer.
L'écrivaine tire son chapeau à celles qui ont ouvert la voie de la réappropration du corps, de la sexualité des femmes et de ses représentations, aux Etats-Unis dans les années 80: Annie Sprinkle (photo), Maria Beatty, Lynn Breedlove, Candida Royalle, Carol Queen… Et nous donne un très beau panorama de celles plus récentes qui ont repris le flambeau.
Comme le conclut (provisoirement) Virginie Despentes, «le mouvement post-porno est une nouvelle étape de la révolution féministe».



TÊTUE: Comment est né ton projet de documentaire?

VIRGINIE DESPENTES: Je voulais pas faire un truc historique, parce que je savais que je n'aurais pas le fric pour les archives, ni un truc qui parle des tensions féministes avec les abolitionnistes. De toute façon, Antoinette Fouque et Catherine Mac Kinnon n'ont pas voulu nous répondre. J'ai donné la parole à celles qui ont initié tout ça au début des années 1980. Je voulais vite arriver à l'Espagne avec les Barcelonaises et parler d'Émilie Jouvet, le Queer X Show, je trouve ça super bien, c'est donc pas du tout un truc qui s'est éteint à la fin des années 1980. La post-pornographie, ça circule partout aujourd'hui: c'est au pays Basque, à Lubiana, à Berlin. C'est un manifeste pour les lesbiennes. Dans le post-porn, les gens bossent sur des trucs vachement différents les uns des autres, c'est cool, y a pas de problème d'uniformité.
Tristan Taormino, par exemple, est queer depuis toujours et bosse sur des trucs plutôt préventifs vachement bien faits. Le porno, quand tu vois les réactions que ça suscite, c'est clair que c'est un terrain de résistance. Depuis Baise-moi, en France, y a plus eu ce genre de film parce que la loi a parlé très fort, très clairement. Et qu'il faut faire plus de travail sur le sexe pour le sortir du porno. Y a plus de boulot de ce genre-là. À la base, j'adore les films de violence, mais quand tu ne peux pas représenter le sexe, et qu'en violence, tu peux tout te permettre, y a un problème. Et que, du coup, on se retrouve avec des comédies, des comédies, des comédies, y a peut-être autre chose à faire dans le cinéma, et je pense que le porno, c'est un front de résistance important pour le féminisme, quand même. Pas le seul -le porno va rien faire pour les sans-papiers-, mais c'en est un. Et surtout, quand c'est du porno fait par des femmes.

Ton livre King Kong Theory s'adressait plus à toutes les femmes. Ici, tu as fait un documentaire de l'intérieur du monde lesbien et pour les lesbiennes?
Oui c'est plus ce que j'ai voulu faire, un film pour les lesbiennes, je trouve ça bien, le truc qui me frappe le plus pour moi qui devient lesbienne à 35 ans, c'est incroyable, c'est que tu peux voir tous les films lesbiens en un an sans te forcer. La pornographie lesbienne, en trois mois, t'as tout vu. C'est cool. Si les gouines peuvent sortir contentes et les hétéros en se posant quelques questions, pour moi c'est une très bonne chose, car, putain, on n'est pas inondées! (Rires.) Ouais, le côté manifeste de mon documentaire, c'est assumé. Et après, c'est vrai que ce n'a plus été le pendant filmique de King Kong Theory, car ça sortait quatre ans après, là, j'avais envie de faire quelque chose où t'es contente d'être gouine, à la fin.

Tu te considères comme bio-femme, lesbienne, hétéro décentrée, cyborg straight? Ou tu ne te définis pas?
Je ne me définis pas. Dans le regard des autres, j'ai l'impression d'être bizarre mais moi je me définis pas. Après, je me pense lesbienne. Je suis en couple depuis quatre ans avec une femme. Et je suis super heureuse.

Tu te dis pas «demain je pourrais être avec un mec»?
Non, même si tout est possible, mais je me le dis jamais. Je suis amoureuse et super à l'aise hors de l'hétérosexualité, cette possibilité d'en être sortie, c'était comme une libération, tu sais mais inattendue, comme Bruce Willis quand il est coincé dans un métro en flammes, il voit une sortie au loin, je me sentais vraiment comme ça, d'un coup, y a une lumière, car j'étais vraiment super mal, je me sentais plus du tout à l'aise dans l'identité « fille hétéro de 35 ans », l'avenir me semblait pas radieux. Ouais, je suis heureuse dans cette vie-là, je ne savais même pas avant que ça m'arrive que c'est au-delà de la sexualité. Ton regard sur toi-même est différent, quand t'ouvres le journal, quand t'allumes la télé, quand tu lis un livre, ton regard change sur tout, et c'est une vraie libération, parce que hétéro, c'est pas marrant. Mais je viens de là, et je peux pas les voir comme très loin. Elles en chient vachement, les filles hétéros. Or quand on est gouine, on est dans un bon espace de sexualité, d'amour, de désir, et il me semble bien de le dire.

Le post-porn, dans son versant sex-work, c'est un outil puissant, charnel, pour se réapproprier son corps mais je connais des lesbiennes qui ont été dans la prostitution et que ça a totalement flingué…
Déjà le post-porn et la prostitution, ce sont des outils complètement différents: a priori le travail sexuel, c'est pour gagner ta vie, le post-porn, c'est pas pour gagner ta vie, ou alors c'est pas une bonne idée. Je connais des gens qui ont été flingués par l'industrie du disque, du cinéma, y a plein de boulots qui te massacrent, gagner ma vie en tant qu'auteure, c'est un super luxe, mais ça m'a fracassé, c'est super dur, y a des moments où t'es désespérée, le public, c'est pas marrant. Même si toi, tu changes pas, le public change autour de toi, parce que t'as plus d'anonymat, parce que t'es comme une conne dans le métro, parce que y a toujours quelqu'un qui te reconnaît, et des fois, t'as juste envie de mourir. Donc ouais, le travail sexuel, parfois, ça te massacre. Mais je connais aussi les gens du disque par exemple, qui ont vécu à l'intérieur de leur branche une véritable guerre civile, et je les trouve pas très différents de la vieille pute du coin. On est dans des systèmes qui nous massacrent pour nous laisser, à la fin, SDF au bord de la rue. Donc bon, j'ai jamais dit que le travail sexuel soit pimpant du tout. C'est un boulot comme un autre, et y a des filles plus douées que d'autres. Mais je crois que comme ledit Norma Jean Almodovar le mariage tue plus que la prostitution... Après, pénaliser les prostituées, ça ne fera jamais rien de bien, mais je suis pas pour le fait de trouver ça glam!

Butler et Preciado que j'avais interviewées parlent de stratégies biopolitiques dans la sexualité, mais on a l'impression que ça manque un peu de tendresse et de romantisme, tout ça...
Le post-porno ne doit pas être un terrain qu'on désinvestit parce que ça manque de tendresse ou autre chose. Moi j'adore le post-porno! Je viens pas chercher la tendresse dans le post-porn, Annie Sprinkle parle vachement de ça, c'est le Love Art, et ça m'intéresse beaucoup. Mais y a pas de hiérarchie à faire, le sexuel me semble toujours perturbant aujourd'hui, scandaleux, je vois justement quand on bosse là-dedans le bordel que c'est pour trouver les bonnes limites, les limites des gens, les limites réelles. Par contre si je bossais sur le Rwanda, je pourrais montrer des enfants découpés, personne viendrait me faire chier. Là, je peux pas montrer une fille qui fait pipi dans la rue quoi. Ça reste important de montrer les images qu'on veut, c'est des questions qu'on se pose pour pouvoir passer sur Pink TV le soir, et pas sur RTL à 20h.
Le porno, s'il  n'y a que ça, c'est horrible, et c'est pas faire l'amour là, mais c'est un super terrain, et qui me semble intéressant: par exemple les Barcelonaises et leur brutalité, c'est intéressant de montrer ça parce que c'est pas ce qu'on attendrait de filles entre elles, mais bon, elles ont le droit. Mais j'aime imaginer Judith Butler sur le front du romantique...(Rires)

Pas trop angoissée de rentrer en France dans le contexte politique actuel?
Oui, à fond, mais ce qui se passe en Espagne n'est pas trop rassurant non plus, ni avec les nationalismes, ni avec le scandale récent parce que les filles de Zapatero ont dîné avec Obama habillées en gothique. T'as l'impression qu'une guerre peut-être là demain. On traîne des boulets super glauques, super morbides et psychotiques, en Europe. La Seconde Guerre mondiale est pas finie, la Guerre d'Espagne est pas terminée, on se traîne des vrais problématiques totalitaires. On sait que cette logique n'amène jamais rien, les dirigeants peuvent être gagnants, car ils peuvent mieux maîtriser la crise. Je regarde où je peux aller et c'est partout pareil. Après les gens, je les aime bien partout.

Une question sur un autre nerf de la guerre à côté de la pornographie, c'est la maternité dans le féminisme. On va vers une société technophile et qui utilise des utérus artificiels. Tu en penses quoi?
Moi je suis pour. On n'est pas dans une société post-féministe et jamais la propagande n'a été aussi forte pour que les femmes fassent des enfants. Je pense que l'envie de faire des enfants n'est pas si naturelle et si universelle pour toutes les femmes que ça. Elle est créée par un discours qu'on entend depuis une vingtaine d'années, et qui n'a qu'une finalité, c'est qu'on va faire la guerre. On produit des humains, des humains parce que le fils de Sarkozy dans quelques années va les emmener se faire tuer. C'est une propagande de type bonapartiste. La maternité, c'est un pouvoir énorme, et je ne comprends pas pourquoi les femmes ne l'utilisent pas en disant, nous on ne fera plus d'enfants tant qu'ils sont 35 par classe, stop, tant qu'il n'y a pas de crèches, stop, tant qu'on bouffe des OGM, stop... T'as le pouvoir total et tu ne t'en sers jamais?! Pourquoi est-ce que politiquement, on prend jamais le pouvoir? Et après, y a un truc totalement personnel: pourquoi, pour moi, l'utérus artificiel serait une bonne chose, parce que pour moi de venir de la mère, c'est la névrose totale. Faut rompre avec cette tradition de la maman.

T'as déjà eu un désir d'enfant?
J'ai eu un vrai désir d'enfant, autour de 35 ans et j'ai compris que je n'en aurais pas. Comme j'ai eu une vie toxique, mon corps est plus vieux, ça a été un désespoir et, maintenant, ça me va vachement bien. Je connais vachement de gens qui ont des enfants, et, maintenant que je les vois grands, j'en ai plus envie, j'en avais envie quand ils étaient bébés. Je trouve cela vachement dur dans quoi on les met au monde. Les deux sont violents d'en avoir un et de ne pas en avoir un et, pour ça, c'est un vrai piège d'être une fille. Pour en revenir au documentaire, il me semblait bien de faire un documentaire qui ne parlait pas des hommes, ni de maternité ni de contraception, juste un cadeau pour nous!

La visibilité lesbienne explose, les nanas sont sur tous les fronts: féminisme, rock, écriture. Les gays semblent un peu à la traîne...
Oui, peut-être. Mais, en attendant, ils ont marqué le look de tous les garçons hétéros, et c'est génial, parce que quand t'es hétéro, c'est bien les looks de voyou, mais, au bout d'un moment, ça saoûle. Et sur la visibilité lesbienne, on n'y est pas encore, donc, faut en profiter. En même temps, c'est pas encore ça. Tu as des ministres en Espagne qui le sont et des grandes journalistes, mais elles ne le disent pas. On a un truc politique énorme à jouer en disant qu'on est gouine. Parce que hétéro, c'est pas forcément cool, et si tu sais que t'as une alternative, ça va pas du tout être pareil, va y avoir une contagion. Aux hétéros, c'est ça qu'on leur demande, de bien dire qu'elles l'aiment leur merde, leur féminité.
C'est pas la même obligation quand t'es féminine et lesbienne, c'est une «féminité problématique», et c'est bien de dire que la féminité n'appartient pas aux hétéros. Faut qu'on en profite de cette visibilité car va y avoir un retour de bâton rapide et brutal. Je le pense, moi je suis pessimiste, faut le faire à fond et faire passer tout ce qu'on peut, tant qu'on peut, ça peut revenir sous forme de guerre, faudra à nouveau aimer les hommes qui sont partis à la guerre, tout sera remis à sa place.

À quand ton porno lesbien?

Là je suis folle des petites Espagnoles, les Basques et les Barcelonaises, mais c'est vachement compliqué à plein de niveaux, compliqué de demander à des filles de faire quelque chose que je ne fais pas. Comme j'ai déjà fait Baise moi, t'exposes des corps mais qui sont pas le tien. Toutes se mettent en scène, toutes celles qui sont dans mon documentaire jouent dans leurs propres films, à l'exception d'Émilie Jouvet. Je ferai un porno quand je serais prête à jouer dedans, ou alors quand je serai très vieille. (Rires.) Si je fais un porno avec les Barcelonaises, et j'en ai super envie aujourd'hui, y aura une exposition maximale, étant la fille qui a fait Baise-Moi y a dix ans ; on saura ce que le Figaro en pense, VSD, et puis je vais exposer les filles, et ça peut être violent. Quand Maria Beatty fait Post Apocalyptic cowgirls, c'est les gens que ça intéresse qui regardent, c'est un jugement cultivé. Moi si je fais un porno, on saura ce que n'importe quel connard en pense, et ça, c'est violent, le regard des étrangers peut être super blessant.

Propos recueillis par Ursula Del Aguila
 
Mutantes (Féminisme Porno Punk) de Virginie Despentes.
Une coproduction PinkTV/Morgane
Documentaire/France/2009/90'/Déconseillé aux moins de 16 ans
Lundi 21 décembre 2009 à 22h30 (en clair)

Ecrit par post-Ô-porno, le Vendredi 11 Décembre 2009, 02:26 dans la rubrique "Post-porn".
Repondre a cet article