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*Bulgarie : le festival d’art queer de Sofia interroge les normes sociales et sexuelles

--> Bulgarie
Bulgarie : le festival d’art queer de Sofia interroge les normes sociales et sexuelles



-> Un article lu sur: Le courrier des Balkans


La 5ème édition de la LGBT Art Fest s’est tenue à Sofia du 1er au 4 décembre, à l’initiative d’associations LGBT (lesbiens, gays, bisexuels, et trans). L’art queer se donne pour fonction d’interroger les normes sociales, en particulier les normes concernant la sexualité. Le festival de Sofia cherche à changer le regard de la société bulgare sur l’homosexualité. Cet événement contribue aussi à l’émergence d’une communauté LGBT dynamique et militante en Bulgarie.

Par Béranger Dominici


La 5ème édition de la LGBT Art Fest a eu lieu du 1er au 4 décembre, hébergée, comme les précédentes années, par la Red House (Червената къща), centre culturel majeur de la capitale bulgare. Organisée à l’initiative de diverses associations militantes LGBT et avec le soutien du Trust for Civil Society in Central and Eastern Europe, elle se donne pour objectif de donner une nouvelle visibilité à la cause homosexuelle : tant une meilleure prise en compte qu’un nouveau regard.

L’art queer : le questionnement des normes

Comme son nom l’indique, c’est l’art qui donne son fil directeur à l’événement. Non seulement parce que l’art, en raison de son caractère créatif pouvant favoriser l’euphémisation [1] de la revendication qu’il contient, est un moyen d’expression permettant de passer outre l’infériorisation dont fait l’objet l’homosexualité dans une société qu’on peut qualifier d’hétéronormative - mais également parce que ce moyen d’expression est légitime.

Ainsi l’art, dans la mesure où il jouit d’une sorte de présomption d’universalisme, c’est-à-dire d’une légitimité dépassant les a priori de classe ou de genre, remplit une double fonction : d’une part, il permet aux homosexuels de s’exprimer en réduisant le risque que leur message soit qualifié de « sectaire » ou « particulariste » [2] ; et d’autre part il permet de véhiculer une autre image de l’homosexualité, une image créative, contre les images infériorisantes qui sont produites et reproduites à son égard.

Plus particulièrement, il s’agit d’art queer, revendiqué comme art « minoritaire, c’est-à-dire expression de voix minorisées […] voix décentrées qui s’emparent elles-mêmes du cinéma, de la vidéo et de l’art pour reformuler activement leurs conditions d’existence [3] ». L’art queer se donne pour fonction d’interroger les normes sociales, en particulier les normes concernant la sexualité : aussi bien l’évidence hétérosexuelle, que la pertinence d’une assignation identitaire sur le fondement du sexe du partenaire des pratiques de plaisir, qui relèveraient d’un désir de structure particulière (désir homosexuel/désir hétérosexuel).

Multiplicité des formes d’expression : du cinéma au collage, des consacrés aux anonymes

Différents supports sont envisagés : les arts plastiques, le cinéma et la littérature. Le cinéma tient de loin la place la plus importante, tant quantitativement (12 projections, dont deux éditions des séries de court-métrages Fucking Different – Berlin et Tel Aviv) que qualitativement (en termes de renommée et de diffusion internationale).

La plupart des films ont en effet été au moins sélectionnés dans un ou plusieurs LGBT Film Festivals (du San Francisco International Lesbian and Gay Film Festival au Jakarta Gay and Lesbian Film Festival en passant par ceux de Toronto, Milan, Paris ou encore Ljubliana) ou festivals internationaux de cinéma (festival de Cannes, Ankara International film festival, Sao Paulo International film festival, etc.).

Le cinéma et la littérature méritent une attention particulière dans la mesure où ils laissent plus de place à la production artistique bulgare. Ainsi l’exposition regroupe des peintures, photographies et collages d’artistes locaux, pour la plupart anonymes, ayant l’occasion de trouver des récepteurs à leur expression.

De même concernant la littérature : si, certes, parmi les séances de lectures publiques, une place particulière est faite à l’ouvrage de Nikolai Atanasov, Organic Forms (Органични форми, 2007), en tant qu’il constitue l’une des premières expressions de l’homosexualité masculine dans la littérature bulgare – du moins avec cette force –, de nombreux autres auteurs anonymes viendront présenter leurs œuvres.

Vers une coopération culturelle régionale ?

Si l’art est ce par quoi l’événement a lieu, il est également l’objet de certaines activités : en effet la LGBT Fest de Sofia comprend également des débats, dont, en particulier, un débat sur la fonction politique de l’art queer autour du thème Queer art in Central and Eastern Europe : between culture and activism. Ce débat permettra d’aborder l’art queer tant au niveau formel des techniques utilisées et des thèmes abordés, qu’au niveau fonctionnel du message qu’il porte et des actions qu’il a pu inspirer.

L’analyse de similitudes de situations parmi les pays d’Europe centrale et orientale ainsi que leurs déterminants seront également envisagées. Surtout, car le festival se veut avant tout un lieu de dialogue, il permettra une communication entre les différents intervenants, provenant de pays différents, pouvant motiver l’organisation de rencontres de plus grande ampleur et à vocation internationale d’art queer –de l’envergure, par exemple, de l’exposition Love&Democracy ayant eu lieu à Poznan (2005) et Gdansk (2006) et dont les organisateurs sont invités à participer au débat.

Une contribution à l’avènement d’une subjectivité homosexuelle

Espace d’expression et de rencontre, toute l’importance de la LGBT Art Fest est là : outre le fait qu’elle exerce la fonction politique, mentionnée plus haut, de changer le regard de la société sur l’homosexualité, elle permet également aux homosexuels de changer leur propre regard sur eux-mêmes. Par la participation aux activités artistiques du festival [4], qui peut, pour certains, s’apparenter à un coming out, les homosexuels trouvent un moyens d’être écoutés, voire valorisés : c’est une manière de combattre l’infériorisation dont fait l’objet l’homosexualité dans une société hétéronormative.

Mais la participation concerne aussi l’organisation de l’événement : en effet, une importante partie du travail d’organisation (contact des artistes et des intervenants, programmation cinématographique, thèmes des débats, accueil des visiteurs, etc.) est réalisée par des volontaires pour la plupart issus d’associations militantes LGBT. Dans les deux cas, l’activité des homosexuels participe d’une acceptation de soi, donc d’une identification à un collectif et de l’élaboration d’une solidarité au sein de ce collectif. En ceci, elle constitue un important « point d’appui à une résistance efficace à l’injure et au processus de stigmatisation des homosexuels dans la société [5] ».




[1] Prise dans le sens d’une mise en forme de l’intention expressive par la censure de l’univers social dans lequel elle doit se produire. À ce sujet, voir Pierre Bourdieu, L’ontologie politique de Martin Heidegger, Paris, Minuit, 1988

[2] « Il est amusant – ou sinistre – de constater que, chaque fois que des images non dévalorisantes de l’homosexualité sont produites, il se trouve des gardiens de l’ordre hétéronormatif pour crier au ‘prosélytisme’. », Didier Eribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1998, p.114. Cette présomption de prosélytisme ou de sectarisme de tout message produit par une minorité (de tout groupe social produit en tant que minorité) est parfois également visible dans la production des femmes artistes, présumées féministes.

[3] Aliocha Imboff & Kantura Quiros, « Introduction » in « Mineure : cinéma queer », Revue Multitude, n°35, hiver 2009

[4] Participation qui prend d’ailleurs de l’importance aux dires de l’une des organisatrices : si les auteurs venant participer à la lecture publique dépassent la dizaine, ils n’étaient pas plus de trois l’année dernière.

[5] Didier Eribon, op. cit., p.111 : « La force de l’injure et de la stigmatisation est telle qu’elle conduit l’individu à tout faire pour ne pas être considéré comme l’un des membres de cet ‘ensemble’ désigné et constitué par l’injure. Et l’on comprend que, par conséquent, seule l’acceptation de soi comme membre du ‘collectif’ visé et la solidarité minimale et tant que gay avec les autres gays (et avec les lesbiennes) peut servir de point d’appui à une résistance efficace à l’injure et au processus de stigmatisation des homosexuels dans la société. »

Ecrit par post-Ô-porno, le Lundi 21 Décembre 2009, 23:51 dans la rubrique "Queer".
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