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*La jouissance porte atteinte à l'image de la femme

--> Pornographie féministe
La jouissance porte atteinte à l'image de la femme




-> Un article lu sur: "Les 400 culs" le blog d'Agnès Giard



A la télévision française, les femmes n’ont le droit de jouir qu’avec des pénis. Les hommes aussi d'ailleurs. Il leur est interdit de jouir avec plus de trois doigts, ni avec des sextoys. Tout ça au nom de la dignité humaine.

Les directives données par le CSA en matière de diffusion de films X censurent tous les films visant à montrer une sexualité alternative, dans laquelle les femmes pourraient activement se «prendre en main». C’est David Courbet, étudiant à l’Institut d’Etudes Politiques, qui lève le lièvre dans un mémoire rendu à l'Université d'Aix : «Alors que des pays tels que l’Espagne ou les Pays-Bas sont bien plus permissifs à l’égard du matériel X, la France, qui pourtant en 1985 est le premier pays autorisant la diffusion de films pornographiques à la télévision, émet des directives de plus en plus contraignantes à son encontre à travers le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA).»

Pour preuve, il cite Emilie Jouvet, réalisatrice d’un film porno lesbien-queer One Night Stand (1) qui ne sera jamais diffusé à la TV, et pour cause : il ne correspond pas à la charte des pratiques. «Cette charte n'existe pas officiellement, dit-elle. Et c'est peut-être là le pire. Mon sentiment est qu'il s'agirait d'une sorte d'auto-censure que les chaînes feraient pour ne pas tomber sous le coup d'une condamnation…" Certaines chaînes ont peut-être mis par écrit la liste des pratiques prohibées, mais dans le milieu du X, tout le monde les connaît (sans avoir jamais eu accès à aucun document officiel) car les films qui comportent certaines scènes sont systématiquement écartés… Il suffit de faire la liste de ce qu'on ne voit jamais à la TV pour comprendre: en France, contrairement à ce que prétend le CSA, la censure existe. "L’éjaculation féminine est bannie car elle est considérée comme une pratique urologique, les pénétrations à plus de trois doigts, des pratiques comme le fisting, l’utilisation de sex-toys ou de tout autre objet semblent interdits.» Résultat : la censure frappe en premier lieu les films qui valorisent le plaisir féminin. Il pénalise aussi les hommes hétérosexuels qui aimeraient mettre en scène leur sexualité anale. Vu les directives du CSA, comment montrer un homme qui se fait sodomiser par une femme ? Il peut se faire sodomiser par un autre homme, sans problème. Mais dans ce cas-là, c’est un homme estampillé gay. L’hétéro qui veut jouir à l’aide d’objets manipulés par sa partenaire n’a qu’à aller se rhabiller. Le voilà classé parmi les «pervers» qui portent atteinte à la dignité humaine. De même que toutes ces filles qui veulent jouir autrement qu'en se faisant ramoner par un homme.

Officiellement, le CSA vise en effet à protéger les citoyens contre ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de la personne humaine, à savoir : «Les programmes qui sont consacrés à la représentation de perversions sexuelles, dégradantes pour la personne humaine ou qui conduisent à l'avilissement de la personne humaine.» Ces programmes-là sont interdits de toute diffusion à la télévision. C’est écrit dans les conventions que les chaînes signent avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA).

Dans son mémoire sur «les féministes pro-sexe et la pornographie», David Courbet assène : «A vouloir protéger l’image des enfants mais aussi des femmes, la législation française ne fait en réalité que se contredire en empêchant la promotion d’une pornographie alternative au travers du circuit télévisuel.» Signe des temps : alors qu’aux USA et dans le nord de l’Europe, de nombreuses féministes créent des maisons de production et tournent des films X féministes, en France les seules rares tentatives ont été écrasées dans l’œuf. Le film «explicite» d’Ovidie, Histoires de sexe(s), a été classé «interdit aux moins de 18 ans» alors qu’il s’agissait d’une tentative plus que réjouissante de renouveller le genre en évitant les clichés habituels du genre (femme salope et queutard décérébré). De même, le génialissime porno queer One Night Stand d’Emilie Jouvet est resté confiné au réseau confidentiel de la distribution en DVD. Quant aux films X alternatifs venus de l’étranger… ils sont relégués aux bacs de quelques boutiques militantes parisiennes comme Hors Circuits. Les réalisatrices étrangères comme Erika Lust confirment : «Nous réalisons la plupart de notre chiffre d’affaires aux Etats-Unis, au centre et au nord de l’Europe. La France constitue un marché difficile pour nous.» Traduction : la législation française fait tout pour empêcher la diffusion de films qui montrent une autre sexualité, un autre point de vue sur l’amour, d’autres pratiques, d’autres formes de jouissances que celles que le X mainstream a mis en place. Nous sommes donc condamnées à ne pouvoir jouir que suivant le schéma normatif : fellation-coit-éjaculation faciale. Homme pénétrant à-l'anus-inviolable. Femme subissant, par-tous-les-trous. Comment voulez-vous protéger la dignité humaine dans ces conditions ?

 

ENTRETIEN ENTRE DAVID COURBET ET OVIDIE (2)

 

Ovidie : Il est important de ne pas condamner la pornographie dans son ensemble, c’est pour cette raison que je ne prônerai jamais une censure quelconque à l’égard du porno, ni ne culpabiliserai les gens qui en regardent car ceci consisterait en une véritable erreur. En revanche, je pense que si l’on a quelque chose à reprocher à la pornographie, cela ne servirait à rien de l’interdire mais au contraire d’apporter un autre type. Ce ne peut qu’être positif et consiste en soi en un vrai acte militant que de proposer des réalisations alternatives, chose qu’effectuent les féministes depuis les années 1980. Cependant, leur volonté n’est pas de rééduquer l’homme consommateur de porno de base mais de proposer autre chose afin que les gens ne soient pas condamnés à regarder un seul type de sexualité.

David Courbet : De nombreuses personnes condamnent pourtant aujourd’hui encore la pornographie…
Ovidie : La plupart des personnes qui la condamnent le font car elles sont mal à l’aise avec ce qu’elles consomment. Le sentiment de culpabilité est très important. C’est ce que j’appelle le « syndrome du kleenex souillé » : l’homme qui vient de se masturber, qui a son kleenex souillé, se rhabille et commence à avoir honte. Ce syndrome-là le culpabilise et fait qu’il se sent mal à l’aise d’avoir regardé ce type d’images qui ne sont pas toujours glorieuses. Pour compenser cela, il condamne le porno dans son discours. Ceci explique pourquoi le discours vis-à-vis de la pornographie est de plus en plus virulent. La situation actuelle est totalement hypocrite : alors que la consommation de X s’accroit, tout le monde en regarde, principalement du gonzo de base donc bien plus abject par certains égards que les films d’il y a quelques années, les gens sont bien plus virulents vis-à-vis du porno qui est davantage condamné. Il en est de même au niveau institutionnel avec le CSA. Il censure de plus en plus le cryptage avec l’apparition d’un double cryptage, des tranches horaires à respecter…

David Courbet : La France est-elle moins permissive à l’égard du X que ces voisins européens ?
Ovidie : Clairement ! Avec l’arrivée de Canal +, la France a été l’un des premiers pays, en 1985, à diffuser sur une chaîne nationale des films pornographiques. De nombreux pays l’interdisent toujours aujourd’hui comme en Allemagne où seul le «softcore» interdit aux moins de 16 ans est autorisé. De manière atypique donc, l’accès traditionnel à la pornographie s’effectue par la télévision en France, du moins jusqu’au début des années 2000. Internet change à présent entièrement la donne. En raison de cette exception de la diffusion télévisuelle en Europe, la France a également été la première à la remettre en question. La structure très puissante qu’est le CSA a toujours vu cela d’un mauvais œil et publie sans cesse de nouvelles directives restrictives. A présent, il devient de plus en plus complexe d’avoir accès à la pornographie par la télévision : il est nécessaire de rentrer un code parental qui n’est accessible qu’en appelant Canal + ou en envoyant une demande par lettre en stipulant vouloir regarder du X. La censure est ainsi davantage présente en France que dans d’autres pays. Ceci se ressent par de constant relais à travers la presse rappelant la dangerosité de la consommation de pornographie télévisuelle par les enfants.

David Courbet : Pourquoi ne pas diffuser dans ce cas des productions alternatives, moins sexistes ?
Ovidie : Parce que le CSA est radicalement opposé à la pornographie, fut-elle réalisée par des femmes. Le sexisme n’a pas été présent dans toutes les productions mais l’utiliser en guise d’argument permet de déjouer le fond du problème. Il semble bien plus juste de vouloir combattre l’image dégradante des femmes et de leur oppression que d’oser affirmer que de tels films choquent en réalité notre morale. En France, pays laïque et se voulant détaché de toute morale religieuse et imprégné par les idées de mai 68, il est difficile de s’avouer puritain et de combattre le sexe. Le débat glisse de ce fait sur un terrain politique et humaniste de protection des femmes, des enfants…
Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée (CNCIA) agit de la même façon. Nous nous sommes battus l’année dernière avec lui pour Histoire de Sexe(s) qu’il a condamné non pas pour son contenu mais parce qu'il avait été réalisé par des acteurs et actrices porno et parce que «le porno c’est mal».

David Courbet  : L’avenir de la pornographie féminine serait donc plus européen que français ?
Ovidie : Je n’ai pas dit cela ! Sur Frenchlover TV par exemple, nous constatons un réel intérêt de la part du public, la chaîne se porte bien et gagne chaque mois de nouveaux abonnés. Bien qu’il y ait une forte condamnation de la pornographie en France, cela n’empêche pas le développement d’une production réalisée par des femmes qui suscite au contraire de plus en plus d’intérêt. Par ailleurs, la presse parle de manière croissante de la pornographie féminine. Au début des années 2000, peu de féministes s’y intéressaient. Plus de 10 ans après, on sait que ce n’est pas une blague, que cela existe, que ce n’est pas un argument marketing. D’ailleurs cela constitue une petite revanche : à l’époque, des gens me disaient que cela ne marcherait jamais. J’ai tenu bon. Eux, qui ne voulaient pas changer la vision du X, ont mis la clé sous la porte. Aujourd’hui j’arrive à en vivre et me dis qu’au final j’avais raison.

 

(1) One Night Stand a été tourné pour une diffusion dans le milieu gay et lesbien.

 (2) Source : Mémoire “les féministes pro-sexe et la pornographie”, présenté en 2011 à l’Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III, par David Courbet  [sous la direction de Guy Drouot (IEP d'Aix en Provence) et Jean-Raphaël Bourge (Université Paris 8)].


Ecrit par post-Ô-porno, le Jeudi 5 Mai 2011, 13:49 dans la rubrique "Post-porn".
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