Du porn ou des jeux
-> Un article lu sur: Slate.fr
La Cour suprême des États-Unis estime que les
enfants peuvent être exposés à la violence des jeux vidéo. De la
violence ou de la pornographie, quel est le plus dangereux pour les
enfants?
Le
lundi 27 juin, la Cour suprême américaine a aboli une loi californienne interdisant la vente de
jeux vidéo violents aux enfants. En écrivant pour la majorité, le juge Scalia a souligné que contrairement aux
contenus sexuels, qui peuvent, eux, être réglementés, la violence fait partie des divertissements
enfantins
depuis des siècles. Histoire mise à part, du sexe ou de la violence,
savons-nous quelles images sont les plus susceptibles de nuire aux enfants?
La réponse est non. En revanche, il est
certain que les études sur la violence sont quasiment toutes mieux construites
et contrôlées que celles portant sur la pornographie. Les chercheurs ont maintes fois montré (PDF) lors
d’expériences en aveugle que les enfants sont
plus agressifs quelques instants après avoir joué à des jeux vidéo violents, et
les études à long terme suggèrent que leurs effets pourraient être durables chez
ceux qui jouent régulièrement. En ce qui concerne la pornographie, des
recherches montrent qu’un visionnage accru d’images sexuellement explicites
débouche sur des expériences sexuelles plus précoces, un plus grand nombre de grossesses adolescentes et une vision négative
de la perception des rôles sexuels.
Mais ces études sont problématiques. La
plupart sont réduites à des questionnaires —car les comités éthiques des
universités ne laisseraient pas des chercheurs exposer des mineurs à du
matériel à caractère sexuel (alors que la violence ne leur pose pas de problème).
Et on ne sait pas avec certitude si visionner de la pornographie a des
conséquences négatives, ou si les enfants exposés à la pornographie ont des
problèmes sous-jacents qui à la fois provoquent ces conséquences et les
poussent à rechercher des images porno (les recherches à long terme sur le jeu
ont le même défaut, mais elles sont au moins associées à des preuves à court
terme indiquant l’existence de relations de cause à effet).
Les recherches sur le sexe réservent
aussi quelques surprises. Malgré la rareté des préservatifs dans le monde de la
pornographie, les chercheurs n’ont pas réussi à prouver que les jeunes
consommateurs de porno étaient moins enclins à utiliser une contraception ou plus
susceptibles de contracter une maladie sexuellement transmissible que leurs
pairs qui n’ont jamais regardé un film cochon.
La plupart des études les plus reconnues
sur les jeux vidéo violents sont par nature expérimentales. Les chercheurs
divisent les participants en deux groupes—l’un d’entre eux joue à un jeu
violent, l’autre à quelque chose de plus neutre. À la fin de la session, les
sujets doivent infliger une forme de punition à une autre personne, qu’ils ne
voient pas, comme dans la tristement célèbre expérience de l’électrochoc de Stanley Milgram. Les
enfants doivent par exemple déterminer le volume d’un son désagréable que la
victime sera forcée d’entendre. Une version plus moderne demande aux
participants de mettre autant de sauce piquante qu’ils le veulent dans un plat
destiné à une victime qui déteste la cuisine épicée. Quasiment toutes les
études à grande échelle montrent que les enfants qui viennent juste de terminer
un jeu d’extermination opteront pour la punition la plus brutale.
Les scientifiques se sont aussi mis à mesurer le flux sanguin dans le cerveau des
sujets soit pendant, soit immédiatement après une session de jeux vidéo
violents. Les conclusions laissent penser que ces jeux affaiblissent la partie
du cerveau chargée du contrôle des impulsions.
Le plus souvent, les méthodes des études mesurant
les conséquences de l’exposition aux médias sexuels sont des sondages à grande
échelle. Les enquêteurs demandent à des centaines ou à des milliers de jeunes
s’ils vont sur des sites pornographiques ou regardent des films X, et si c’est
le cas, à quelle fréquence, puis les interrogent sur leur comportement sexuel. Certains
chercheurs restent relativement softs et se contentent de s’enquérir du nombre
de partenaires sexuels que le jeune a déjà eus et quand c’est une fille, si
elle a déjà été enceinte. D’autres sont bien plus crus, posent des questions
sur des pratiques sexuelles particulières et demandent si les
sujets aiment prendre de la drogue avant de s’envoyer en l’air.
Une autre étude courante interroge des
enfants sur les expositions accidentelles ou non voulues, c’est-à-dire, en
général, sur les cas où ils tombent fortuitement sur un site pornographique. Étant
donné qu’il s’agit d’une expérience ponctuelle, les chercheurs n’essaient pas
de la corréler avec l’attitude générale des participants vis-à-vis du sexe. Ils
sondent plutôt les enfants pour connaître leurs réactions face aux images. Ceux-ci
rapportent parfois une gêne ou une peur d’Internet (PDF), mais la
plupart ne font état d’aucune réaction négative.
L’Explication remercie Craig A. Anderson de l’Iowa State University,
Jane Brown de l’University of North Carolina, Patricia Greenfield de l’UCLA et Daniel
Linz de l’UCSB.
Brian Palmer
Traduit par Bérengère
Viennot