Décès de Rudolf Brazda, dernier déporté pour homosexualité
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L'Express.fr Le dernier survivant connu des "Triangles roses", déportés par les nazis en raison de leur homosexualité, Rudolf Brazda, s'est éteint mercredi à 98 ans, quatre mois après avoir été fait chevalier de la Légion d'honneur en avril.
Il avait cosigné avec Jean-Luc Schwab "Itinéraire d'un Triangle rose" retraçant ses 32 mois en camp de concentration, le travail forcé, la mort omniprésente, les coups, les vexations.
"Rudolf s'est endormi paisiblement dans son sommeil à l'aube du 3 août, il résidait depuis le mois de juin dans un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, à Bantzenheim (Haut-Rhin)", selon son entourage.
Les obsèques de cet homme d'origine tchèque naturalisé français en 1960 se dérouleront lundi à Mulhouse, ont indiqué les pompes funèbres.
"Conformément aux dispositions de son testament, sa dépouille sera incinérée et ses cendres déposées à côté de celles de son compagnon de vie de plus de 50 années, Edouard Mayer, décédé à Mulhouse en 2003", ajoutent ses amis.
Rudolf Brazda avait fait partie des quelque 10.000 personnes déportées sous Hitler en raison de leur orientation sexuelle, les nazis considérant l'homosexualité comme un danger pour la perpétuation de la race.
Il avait été déporté au camp de concentration de Buchenwald où il porta le triangle rose, avant de choisir de vivre en France.
Né en 1913 en Saxe (Allemagne) dans une famille tchèque germanophone, Rudolf prend conscience de son homosexualité comme "une disposition naturelle qu'il accepte comme telle, conscient d'avoir eu la chance d'avoir toujours eu un compagnon à ses côtés", racontait-il.
En 1937, il est condamné à six mois de prison pour "débauche entre hommes", puis expulsé vers la Tchécoslovaquie. Là, après l'annexion des Sudètes par Hitler, il est à nouveau jugé et condamné pour le même type de faits, cette fois à 14 mois de prison.
Cette peine purgée, Rudolf, considéré comme un récidiviste, est interné au camp de concentration de Buchenwald, dans le centre de l'Allemagne. Il survécut à 32 mois d'enfer dans ce camp, grâce à son amitié avec un kapo communiste et à "un peu plus de chance que les autres".
Le drame des "Triangles roses" est resté méconnu jusqu'à ce que, à partir des années 1980, une pièce de théâtre, des livres et des films commencent à évoquer la question. Lorsque, en mai 2008, l'Allemagne inaugure solennellement, au coeur de Berlin, un monument à leur mémoire, les organisateurs expliquent que ce drame ne compte plus aucun témoin vivant.
C'est alors seulement que Rudolf Brazda, qui vit dans l'anonymat depuis 1945 près de Mulhouse, décide de sortir du silence. Un mois plus tard, il est l'invité d'honneur de la "Gaypride" berlinoise. Vêtu d'une chemise rose, il dépose une fleur au pied du nouveau mémorial, en présence du maire de la capitale allemande Klaus Wowereit, gay lui aussi.
"Rudolf Brazda maîtrisait mal la langue française et préférait s'exprimer en allemand", se souvient le président national de l'association Les "Oublié-e-s" de la mémoire, Philippe Couillet.
M. Brazda avait participé à plusieurs interventions dans les établissements scolaires en Alsace et à la pose de plaques commémoratives sur les Triangles roses à Mulhouse et au camp de concentration du Struthof (Bas-Rhin), où avaient été déportés 215 homosexuels.
Le site internet des "Oublié-e-s" de la mémoire a publié un faire-part de décès et ouvert un registre de condoléances. Un hommage national à Rudolf Brazda devrait être organisé en septembre, a précisé M. Couillet.
afp.com/Frederick Florin