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*«Les médecins voulaient guider la sexualité des gens»

--> Entretien
«Les médecins voulaient guider la sexualité des gens»




-> Un article lu sur : libération.fr

   

Dans les Origines de la sexologie (1850-1900), publié le 29 février par les éditions Payot, l'historienne Sylvie Chaperon revient sur l'engouement des médecins pour la sexualité dans la deuxième partie du XIXe siècle et l'analyse et le listage de toutes les pathologies physiques ou psychiques.



Pourquoi faut-il attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour que les médecins s'intéressent vraiment aux questions de sexualité ?

Cela commence avant, de fait dès qu'il y a des médecins, notamment Auguste Tissot au XVIIe siècle avec sa dissertation sur l'onanisme. Dans la deuxième moitié du XIXe, on observe notamment un changement des paradigmes scientifiques mis en avant par les médecins. Ils vont se référer de moins en moins à la vieille théorie galénique des humeurs et du tempérament pour s'intéresser davantage au fonctionnement des organes. Il y a des études très pointues sur les organes génitaux masculins, féminins, sur l'érection, sur l'orgasme. Chez les psychiatres, la théorie de la dégénérescence va réellement prendre son essor. Elle va permettre le catalogue de toutes les «déviances» qui ne sont pas des folies majeures.

L'autre facteur est social : c'est l'urbanisation. Une subculture sexuelle va s'installer dans les grandes villes, liée à la prostitution, à la rencontre des homosexuels dans l'espace urbain, qui va amener à des arrestations en flagrant délit, à des outrages aux bonnes mœurs et à l'expertise de ces individus par des psychiatres.

Cela coïncide-t-il avec une plus grande importance de la place des médecins dans la société ?

Le médecin devient l'incarnation du scientifique et tend à remplacer le prêtre sur ces questions. A l'époque, ils cherchent d'abord à prouver leurs compétences. Ils sont les seuls à pouvoir dire le sain et le malsain, le normal et le pathologique. Auprès des tribunaux, ils s'imposent comme les seuls capables de décider de la responsabilité totale ou atténuée des individus. Ils ont aussi le réél souci de promouvoir une hygiène collective dans les comportements pour éviter la dégénérescence de la race humaine, qui est un des grands propos du XIXe siècle. Ils estiment qu'il faut guider les comportements des gens, y compris sexuels.

Qui sont les précurseurs ?

L'Autrichien Richard Von Krafft-Ebing est le plus connu, mais il doit surtout sa célébrité à sa capacité à faire la synthèse de tout ce qui est produit à l'époque en Europe sur le sujet. En France, on a peu de personnes spécialisées uniquement dans ce domaine. On a plutôt des médecins qui vont produire un ouvrage ou quelques articles sur le sujet, comme Alexandre Lacassagne, fondateur de l'école de criminologie française à Lyon, ou Valentin Magnan, sur la dégénérescence des fonctions sexuelles.

On a l'impression qu'à cette époque là les questions de sexualité sont surtout abordées d'un point de vue négatif...

On trouve deux types de médecins. Ceux spécialisés dans les pathologies : des aliénistes, des criminologues. Et ceux plus spécialisés dans l'hygiène conjugale, qui sont beaucoup moins connus. Ainsi, Pierre Garnier a été complètement oublié alors qu'il a publié une dizaine d'opus, avec des centaines d'observations - même si certaines paraissent inventées -, sur tous les sujets liés de la sexualité. Ce sont, eux, des médecins un peu bas de gamme, des vulgarisateurs. Ils colportent souvent un vieux savoir.

Comment font-ils leurs analyses ?

Pendant très longtemps, les médecins de l'hygiène conjugale se sont inspirés de la médecine des tempéraments. Ils donnent souvent des conseils de bon sens, de régime alimentaire, de repos, ils se citent et se lisent mutuellement. A part quelques travaux novateurs, c'est surtout un savoir populaire qui se transmet.

Quelles «pathologies» intéressent le plus les spécialistes ?

L'homosexualité, enfin «l'inversion», si on reprend le terme popularisé par l'Allemand Carl Westphal, est sans doute ce qui intéresse le plus les psychopathologues. En France, on a l'impression que le traitement de l'homosexualité est motivié par le nationalisme, pour ne pas laisser ce terrain d'analyse aux Allemands et aux Autrichiens. Dans l'Hexagone, on s'intéresse aussi aux formes variées de sadisme, comme les coupeurs de nattes ou les piqueurs de fesses.

Y a-t-il aussi des déviances qui fascinent la population, à travers notamment les faits divers ?

Il y a des affaires qui défraient la chronique régulièrement : des violations de sépultures comme celles faites par le croque-mort Victor Ardisson ou des crimes sadiques. Mais, surtout, à la fin du XIXe siècle, de plus en plus de vulgarisateurs reprennent cette littérature des psychopathologues pour la traduire dans un langage plus courant et produire une sorte de pornographie médicale soft destinée à passer sous la barre de la censure. Difficile d'évaluer la consommation de ce type de produits. Mais, vu la fréquence des rééditions et des collections, cela devait être un vrai marché.

A l'époque, la médecine est une discipline d'hommes, la sexologie n'y fait pas exception...

Les femmes ne sont pas ou très très peu médecin. La première femme française médecin est Madeleine Brès, en 1875. De toute façon, parler de sexualité et de pratiques sexuelles, ce n'est pas décent pour une femme. Quand elles s'y intéressent, c'est le versant reproductif, c'est la grossesse, l'allaitement.

Cette absence des femmes a-t-elle influencé notre vision de la sexualité ?

L'histoire de la sexualité récente nous démontre que, quand les femmes s'emparent de cet objet, elles en font une autre analyse, comme par exemple les travaux de Rachelle Maines sur l'hystérie. Il existe une vraie relecture féminine.

Recueilli par QUENTIN GIRARD


LES ORIGINES DE LA SEXOLOGIE (1850-1900) de Sylvie Chaperon (Petite bibliothèque Payot)
Ecrit par post-Ô-porno, le Mercredi 29 Février 2012, 18:16 dans la rubrique "Histoire".
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