L'Argentine et les transgenres : décryptage d'une loi réellement progressiste
Gay pride 2009 à Paris
-> Un article lu sur : lenouvelobs.com
Le 9 mai 2012, le sénat argentin a voté à la majorité absolue la loi sur l'identité de genre déjà
votée par le parlement argentin en novembre 2011. Pour Delphine
Philbert, personne transgenre, cette loi représente une avancée qui
doit, plus que jamais, encourager la France à aller également dans ce
sens.
L’Argentine : le vrai pays des Droits de l'Homme
Oui, l'Argentine est le seul pays au monde à pouvoir revendiquer l'appellation de pays des droits de l'Homme.
En effet, en ce 9 mai 2012, en cette
journée de l'Europe, le Sénat Argentin a voté à la majorité absolue (55
voix pour, 1 abstention, 0 voix contre) la loi sur l'identité de genre déjà votée par le Parlement Argentin en novembre 2011.
Dans son article 2, cette loi fait
clairement référence à la définition de l'identité de genre (et non
identité sexuelle comme cela a été relayé par l'ensemble de la presse française... par incompréhension de ce qu'est l'identité de genre) :
"L’identité de
genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et
personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle
corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la
conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie
librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles
par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions
du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se
conduire."
L'identité de genre est reconnue par l'ONU.
Cette loi, fait unique au monde, met en
application les douze recommandations émises par Thomas Hammarberg,
ancien commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe dans son
document, publié en juillet 2009, page 43 : "Droits de l'Homme et identité de genre". Ces recommandations sont basées sur le respect des droits de l'Homme appliqué à l'identité de genre.
Ainsi, l'Argentine, pays non européen,
applique directement des recommandations d'un Commissaire du Conseil de
l'Europe, ce qu'aucun pays européen ne fait.
Cherchez l'erreur !
Identité de genre et Droits de l'Homme
L'identité de genre est clairement définie (voir sa définition supra) pour la première fois dans les Principes de Jogjakarta
(page 6) qui ont été développés et adoptés à l’unanimité, en 2006, par
un groupe de brillants experts des droits humains, de diverses régions
et origines.
Les Principes de Jogjakarta sont une série
de principes sur l’application du droit international des droits de
l’Homme en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Ces
principes affirment lier les normes juridiques internationales
auxquelles les états doivent se conformer. Ils promettent un futur
différent, où tous les êtres humains, nés libres et égaux en dignité et
en droits, pourront jouir de ce précieux droit à la vie.
Il faut bien comprendre que la définition
de l'identité de genre concerne l'ensemble de la population de cette
planète. En effet elle explique clairement que chaque individu exprime
une identité de genre personnelle indépendante de celle de son voisin.
Il y a donc à ce jour environ 7 milliards d'expressions d'identité de
genre différentes qui reflètent la diversité humaine.
Thomas Hammarberg a écrit ses douze recommandations aux états Membres du Conseil de l'Europe en se basant sur ces Principes et, de facto, sur les Droits de l'Homme.
L’Argentine l'a bien compris, raison de l'appellation de cette "Loi sur l'identité de genre" et mise en application des recommandations européennes...
Une loi qui va au-delà de l'interprétation faite par les médias
Toute la presse, toutes les associations
LGB (Lesbiennes, Gays, Bi) et associations T (trans) n'ont relevé et mis
en avant que le changement d'état civil libre et gratuit sans
conditions préalables.
En effet, c'est un bond en avant : toute
expertise médicale, toute expertise psychiatrique, toute obligation de
traitement hormonal, toute obligation de stérilisation (tous ces
éléments étant, par exemple, demandés en France) sont interdites par
cette loi.
Mais cette loi par la reconnaissance
directe de l'identité de genre dans sa définition précise ouvre d'office
la reconnaissance de la transphobie.
Cette loi prend en compte les enfants et
adolescents exprimant une identité de genre non conforme au genre donné à
la naissance en fonction des organes génitaux. Ces mêmes enfants,
adolescents, sont concernés par la liberté d'exprimer leur identité de
genre dès leur plus jeune âge (ce qui est refusé en France) avec les
mêmes Droits que les adultes.
Bien évidemment, des mesures spécifiques sont prévues afin de garantir l'intérêt supérieur des droits des Enfants
puisque le consentement des représentants légaux est demandé et dans le
cas du refus de ces représentants légaux, l'enfant peut demander le
consentement d'un juge.
Cette loi prend en compte les Droits
Humains jusque dans l'accès aux traitements médicaux et/ou chirurgicaux.
En effet, outre que ces traitements ne sont plus rendus obligatoires,
la seule condition pour y avoir accès est le consentement éclairé de la
personne (avec les mêmes précautions pour les enfants que pour l'accès
au changement d'état civil).
La seule demande ce ce consentement éclairé traduit un respect total des Droits Humains appliqués à l'identité de genre.
Il est aussi prévu le remboursement par les
autorités sanitaires des traitements médicaux et/ou chirurgicaux s'ils
sont souhaités.
Cette loi prend en compte le respect de
l'individu garantissant la vie privée puisque tout changement d'état
civil restera protégé par cette loi.
Et pendant ce temps en France...
François Hollande, Président élu le 6 mai 2012, parle "d’Égalité des droits pour tous", j'ai résumé dans cet article : "LGBT : Hollande Président et l’Égalité des Droits pour Tous ? Les trans exclus"
la position floue du PS et de son organisation LGBT (Lesbienne, Gay, Bi
et Trans) , HES (Homosexualité et Socialisme) sur la question du
respect des Droits de l'Homme appliqué à l'identité de genre.
En décembre 2011, Mme Delaunay, députée PS
de la Gironde et fervente défenseur des Droits Humains appliqués aux
trans, a déposé une proposition de loi N° 4127 visant à la simplification de la procédure de changement de la mention du sexe dans l’état civil des personnes transgenres.
J'ai écrit ici-même, le 29 décembre 2011, une "lettre ouverte à Mme Delaunay"
afin de pointer du doigt les incohérences de cette proposition de loi,
me mettant à dos la quasi totalité des associations LGB et associations
T.
Après contact direct avec Mme Delaunay,
j'ai eu la réponse suivante : "Cette proposition de loi est une avancée.
La France n'est pas prête à ce que l'ensemble des recommandations de M.
Thomas HAMMARBERG soient appliquées... " Or, un mois avant, le
Parlement Argentin avait voté une loi respectant ces douze
recommandations !
Certes, dans cet article du Nouvel Obs,
le journaliste, rapporte ces propos de Mme Beatriz Sarlo : "C'est une
société dont l'opinion publique est urbaine, ce qui permet à l'Argentine
d'adopter des lois qui demeurent impossibles ailleurs", selon Mme
Sarlo. "En France et dans d'autres pays, l'opinion publique a ses
racines dans les campagnes", a-t-elle ajouté."
Ma seule réponse à cette désinformation
manifeste visant à promouvoir un non respect des Droits de l'Homme
appliqués à l'identité de genre et qui justifierait l'attentisme de la
France est celle-ci :
"En ce jour de mai
2012, suite à l'élection d'un Président Socialiste, élection hautement
symbolique 31 ans après l'élection du premier Président socialiste de la
Vème République M. François Mitterrand, il serait bien de se
rappeler que certaines lois pour le respect des droits de l'Homme
peuvent être votées au nom de l'Egalité des Droits pour Tous. En
1981, sous l'impulsion d'un homme qui respecte les Droits Humains, M.
Robert Badinter) l'abolition de la peine de mort fut votée contre la volonté de la majorité des citoyens français hostiles à cette époque à cette abolition."
Aussi, si le Président de la république est bien le "Président de tous, fier d'avoir redonné espoir"
et partisan du changement, il se doit de faire ce que l'Argentine a
fait pour ses propres citoyens : respecter les Droits de l'Homme et
appliquer sans restrictions les douze recommandations de Thomas
Hammarberg.
Et le PS doit le dire haut et fort sans atermoiements.
Être humain, étiqueté Trans