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"Parce que le sexe est politique"

  

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* Instrumentalisation du Black feminism par un White feminism qui ne dit pas son nom

--> Gabriell João Galli


Aujourd’hui, je voulais parler d’un phénomène que j’ai constaté sur une mailing list sur laquelle je suis inscris.  Il est question de s’échanger des infos sur le genre et la sexualité. Sur cette liste, il n’y a pas de préférence pour un type de féminisme. C’est à dire qu’on peut y voir toutes sortes d’infos  : textes abolitionnistes/ textes pro sexe, textes laïcards/textes sur les féminismes islamiques etc, ce qui n’est pas sans provoquer des remous entre les abonnéEs.

Plusieurs fois, j’ai constaté que des gens qui ont une approche du féminisme plutôt laïcarde, et qui se sont déjà exprimés plus ou moins habilement sur le fait que l’antiracisme ou les questions trans sont là pour « diviser » le féminisme, font parfois mention du Black feminism, directement ou indirectement, dans un but totalement opportuniste. Je m’explique, si on prend l’objectif du Black feminism qui est de mettre en lumière les intersections entre sexe, race, classe et sexualité, on pourrait fortement critiquer 90% du contenu que postent les gens auxquels je fais référence.

Quelle a donc été la raison de leur utilisation du Black feminism ? Une prise de conscience du racisme comme un vrai rapport social à articuler dans leur lutte contre le sexisme ? Non. Une simple volonté, même sans grande réflexion antiraciste, de faire partager des analyses qui sont autres que celles du féminisme hégémonique ? Non. Un moyen de parler de rapports de classe, autrement qu’en le faisant à partir des classes populaires blanches, mais en prenant les réflexions féministes sur les classes populaires noires aux Etats-Unis ? Encore une fois, non.

La raison, je vous le donne en mille, est celle-là : mener à bien leur agenda abolitionniste et anti porno. 

Oui oui, vous m’avez bien lu. L’usage du Black feminism et l’allusion aux privilèges blancs et bourgeois de certaines femmes n’avaient aucunement pour fonction de faire réfléchir aux rapports de classe et de race dans leur manière d’affecter les conditions de vie des femmes. Non non, il s’agissait de dire en gros ceci :

  1. « Les Slut Walk c’est mal, la preuve les Black feminist sont contre »
  2. « Le porno c’est mal, la preuve celles qui en parlent sont blanches et bourgeoises »
  3. « La prostitution c’est mal, la preuve celles qui aiment ça sont blanches et bourgeoises »

Vraiment, chapeau bas ! En terme de manipulation et d’instrumentalisation d’un féminisme antiraciste, c’est plutôt bien trouvé !

Mais disons ceci :

  • Utiliser les Black feminist pour dire que les Slutwalk c’est mal, c’est un peu fort de café, car si en effet les Black feminist ont pris position sur les slutwalk, notamment pour faire réfléchir aux implications du terme « slut » qui n’est une insulte que pour les femmes pensées au départ comme pures, ce qui n’est pas le cas des femmes noires dans l’imaginaire Etats-Unien, je ne suis pas sûr que ça tende à remettre en cause la PREMIERE SLUTWALK (parce que les gens oublient souvent que c’est pas un truc arrivé au hasard ) qui était une réponse à un connard de flic à Toronto qui avait dit que si les femmes ne s’habillaient pas comme des « Slut » elles n’auraient pas été violées. Bref, l’occasion saisie par les Black feminist pour faire réfléchir aux implications raciales implicites du terme slut, au manque d’ouverture des organisatrices aux questions raciales,  n’a pas à être utilisée par des gens pour qui l’antiracisme constitue  habituellement une diversion. Car, vous ce n’est pas pour parler du statut particulier réservé aux femmes noires et immigrées violées aux Etats-Unis que vous vous opposez aux Slut Walk, mais c’est d’abord parce que tout ce qui est vulgaire et qui renvoie à la nudité des femmes (ou à l’inverse lorsqu’elles cachent tout), même lorsque ça vient d’elles, vous semble mauvais, et ne correspond pas à votre vision de l’émancipation. Et ici, il ne s’agit pas de discuter de la non pertinence de votre vision de l’émancipation, mais plutôt de vous dire de l’assumez au lieu de vous cacher derrière les Black feminist dont vous vous fichez !
  • Pensiez-vous que le porno résisterait aux rapports de race  et de classe ? Est-ce seulement dans le porno que ce sont d’abord des blanches bourgeoises qui s’expriment ? En plus c’est faux ! Il suffit de voir qui est dans le porno queer pour voir que ces films de cul constituent un plus grand lieu d ‘expression pour certains queers of color que ce n’est le cas dans des réunions féministes toutes gentilles ou personnes ne se lêchent, mais où il ne fait pas bon d’être une antiraciste radicale. Faut vraiment être d’une malhonnêteté intellectuelle inouïe pour dire que la preuve de l’erreur qu’il y aurait à suivre les courants féministes pro sexe résiderait dans le fait que les figures principales sont blanches, dans la mesure où, corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que Catherine MacKinnon et Andrea Dworkin, grandes prêtresses abolitionnistes et anti pornos, ne sont pas ce qu’on peut appeler des femmes noires, ni latinas, ni arabes, bref, elles sont blanches. Autrement dit, les courants anti pornos, ne sont-ils pas aussi dominés par des blanches bourgeoises ? Du coup, en quoi la présence de blanches bourgeoises discréditerait-elle le porno queer ? En quoi Gayle Rubin, soit l’équivalent de Satan pour les abos, serait-elle plus blanche que MacKinnon & co ? Par ailleurs, connaissez-vous une série de textes Black feminist ou Queer of Color anti porno ?
  • Alors là, sur la prostitution, c’est atteindre le comble de l’immoralité politique. Quand on voit les effets désastreux des politiques abolitionnistes sur les prostituées étrangères, et donc très souvent non blanches, les prétextes qu’elles servent pour durcir les politiques d’immigration, le harcèlement policier dont elles font l’objet dans des quartiers à Paris comme Belleville où elles sont très majoritairement asiatiques, et à Strasbourg Saint Denis où elles sont noires et arabes, je me dis que vraiment, les abolitionnistes ne manquent pas d’air ! Sincèrement, avez-vous vu, lu, ou entendu des Black feminist applaudir les positions abolitionnistes, et cautionner la chasse aux putes étrangères ?

Vraiment, tout ceci provoque chez moi un grand écoeurement. Voilà la vraie vulgarité à combattre. Ceci dit, ça démontre quelque chose : les questions raciales sont à la mode, pas à l’étude. Du coup, elles servent de certificat de radicalité, lorsqu’il faut passer en force sur un sujet.

Ils n’en ont rien à foutre de l’antiracisme, des femmes non blanches et des rapports de classe défavorables dont elles font majoritairement l’objet. Ils se contrefichent de savoir si leur prise de parole et la circulation de leurs idées ne sont pas liées aux privilèges sociaux dont ils disposent. Enfin, ils sont à milles lieux de se penser en tant que blancs, et de penser leurs héroïnes comme MacKinnon en tant que blanches, mais ces gens se servent d’un des féminismes antiracistes les plus productifs pour leur agenda abolitionniste et anti porno de merde.

Franchement, si ce n’est pas de l’indécence politique, je ne sais pas ce que c’est…

Gabriell João Galli
6 octobre 2012



Ecrit par post-Ô-porno, le Jeudi 11 Octobre 2012, 12:22 dans la rubrique "Textes ".
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