Porn épique
-> Un article lu sur : Liberation.frCompatibles ou pas ? Les films X et le féminisme au cœur des ébats.Pornographie et féminisme ne feraient pas
bon ménage. Quand le porno voudrait des scènes de sexe crues, une
représentation des femmes a priori dégradante et oppressante, l’autre
bouderait. Quand le féminisme défendrait l’égalité, ce serait au prix de
l’abolition du premier. Dans
Féminismes et Pornographie, David
Courbet prouve que ce duo n’est pas forcément antinomique. A peine
diplômé de l’IEP d’Aix-en-Provence, il publie son mémoire chez
La Musardine, le premier ouvrage universitaire français sur ce thème,
dans la lignée du
Porno manifesto (2002) de la productrice du
genre, Ovidie. Le recul en prime, le parti pris prosexe plus discret. Un
essai qui recontextualise le débat entre abolitionnistes et prosexe,
qui renaît en France à propos de la prostitution.
«Tradi». Féminismes et Pornographie part
d’un constat : cette industrie est en crise, affaiblie par une
législation qui bannit les films des cinémas et par la consommation de
gonzos hypersegmentés - souvent amateurs - matés en streaming sans forme
de rémunération. Selon un sondage Ifop de 2009, 83% des Françaises ont
déjà visionné un porno. Pour David Courbet, ce nouveau public reste à
conquérir.
Les féministes s’opposent sur ce point. Pour les abolitionnistes, la
pornographie est foncièrement viciée : les actrices ne consentent pas
librement à vendre l’image de leur corps et le genre cantonne les femmes
au rôle d’objets. «La pornographie est la théorie, le viol est la pratique»,
résumaient la féministe radicale Andrea Dworkin et la juriste Catharine
MacKinnon dans les années 80. D’autant qu’à cette période, les
conditions de travail du «milieu» sont violentes. Cette logique
abolitionniste régit aujourd’hui la diffusion des films pornographiques
en France et inspire les militantes du «nouveau féminisme».
Pour les prosexe - universitaires comme travailleuses du sexe -, le
porno est au contraire symptomatique de la liberté sexuelle acquise par
les femmes et bénéficie d’une légitimité inespérée. L’entrisme est même
nécessaire pour apporter une alternative crédible au «porno tradi».
Voire améliorer les conditions de travail.
Masturbatoire. «La réponse au mauvais porno, ce n’est pas la fin du porno, mais au contraire plus de porno !»
affirme Annie Sprinkle, productrice et ancienne performeuse. Que l’on
ne s’y trompe pas, pour David Courbet, il ne s’agit pas de «créer un porno similaire, selon une vision traditionnelle de la féminité, naturaliste, prétendument inhérente aux femmes».
Il irait à contresens de l’objectif d’égalité hommes-femmes. Pire, se
limiter à un érotisme mou ferait oublier le rôle premier du porno, y
compris pour le public féminin : un support masturbatoire.
Enrichi de nombreux entretiens, Féminismes et Pornographie prouve
l’existence d’un autre porno par l’exemple. L’initiatrice Candida
Royalle (Femme Productions) inspire la Suédoise Erika Lust, spécialiste
du porno pour couples ; Ovidie (Orgie en noir, Lilith) raconte son expérience avec la maison Dorcel ; Mia Engberg rappelle que ses artistiques Dirty Diaries ont bénéficié d’un financement de l’Institut du film suédois ; la réalisatrice queer Emilie Jouvet (Too Much Pussy)
et la BDSM Madison Young représentent des niches différentes. Une liste
non exhaustive qui montre que la production déjà présente sur nos
écrans est diversifiée. A l’image des désirs des femmes.
LÉA LEJEUNE
-> Sur post-Ô-porno :
*Féminismes et pornographie