*Le porno rendrait sexiste ? Non, les films n'influencent pas directement les comportements
Le porno rendrait sexiste ? Non, les films n'influencent pas directement les comportements
-> un article lu sur : leplus.nouvelobs.com
Tournage d'une scène de film porno, le 29 janvier 2007, à Los Angeles (G.BOUYS/AFP).
La méthodologie de cette étude publiée dans "Psychology of Women
Quarterly" est très problématique. Et ce type de biais se retrouve
fréquemment dans les études médiatisées – comme pour la taille des testicules et l’instinct paternel.
Écrire un article scientifique en insistant sur l’idée préconçue que le
porno influe sur le comportement et la pensée des individus qui
regardent des films à contenu sexuel explicite est un appel du pied aux
médias.
Les auteurs savaient que c’était accrocheur et plaisant. Que ce ne
soit pas sérieux scientifiquement importe peu : ils étaient sûrs de
trouver un écho médiatique. Dire que le porno est le fléau
principalement responsable des inégalités entre les hommes et les femmes
et qu’il est responsable du sexisme est une thèse avancée par des
mouvements féministes.
Corrélation statistique n’est pas causalité
Déjà, l’échantillon est très faible et vraiment minimal : 190 sujets.
L’orientation sexuelle n’est pas évoquée : on ne sait si le porno en
question montre des scènes de sexe entre homosexuel(le)s ou
hétérosexuels. Pire : les contenus pornographiques sont considérés comme
un monolithe. Alors que certains pornos hard BDSM par exemple peuvent être moins discriminants que d’autres films plus soft. L’étude ne pose qu’une seule question sur la pornographie, c’est bien peu pour en tirer quelque leçon que ce soit.
Et aucune causalité n’est démontrée, seulement une corrélation. On a
posé aux individus une question : avaient-ils regardé du porno au cours
de l’année précédente ? C’était le cas de 24% des hommes et de 13% des
femmes de l’échantillon. Deux ans plus tard, on leur a demandé s’ils
étaient en faveur de la discrimination positive pour embaucher et
promouvoir les femmes dans le monde du travail. Et là, les personnes
ayant vu des films pornos, quel que soit leur sexe, ont davantage
répondu par la négative.
Il existe donc une corrélation statistique qui interpelle – et c’est
bien normal. Elle aurait pu être une piste d’étude éventuelle. Par
exemple se demander si les gens sont moins en faveur de cette méthode
après avoir regardé du porno, ou au contraire si leur jugement
défavorable à la parité précède leur consommation de porno. Mais les
auteurs y ont vu un lien de causalité – alors qu’il était question d’une
étude sur la parité dans le monde du travail, ils ont même élargi sur
le sexisme.
Ils ont fabriqué un raisonnement à la va-vite plutôt que
d’approfondir leur recherche avant de tirer des conclusions hâtives. Et
si la première question avait porté sur leur alimentation en compote ou
beurre de cacahuètes, qu’aurait-on affirmé ? Que le beurre de cacahuètes
rend sexiste ? C’est absurde.
Construction des rôles sexuels, sexués et sociaux
Ce n’est pas la première fois que ce raccourci est fait. Il en va de même pour les jeunes et les jeux vidéo violents. C’est la confusion habituelle entre la mimesis, la répétition de ce que l’on voit, et la catharsis, le fait qu’apprécier un jeu vidéo violent ou regarder un film porno est un défouloir, qui reste de l’ordre du fantasme.
Bien sûr, regarder du porno joue sur la construction des rôles
sexuels, sexués et sociaux. C’est évident. Tout comme dire que lire de
la littérature ultra violente peut habituer à la violence. Mais un tas
de personnes consomment des contenus pornographiques et sont pour
l’égalité hommes-femmes. Parmi elles, des militantes féministes actives,
certaines qui militent même par le biais du porno.
Cessons de croire que toutes les formes de discours (la littérature,
le porno, les jeux vidéo, les films…) auraient une influence directe sur
le comportement des gens. Le porno n’est pas un produit ex nihilo :
c’est un miroir déformant qui reproduit des codes déjà existants, les
inégalités, voire les entretient (reste à savoir dans quelle
proportion), mais il ne les crée pas.
Il existe des discours non pornographiques qui influent bien plus sur
la perpétuation des inégalités entre les hommes et les femmes.
N’oublions pas la dimension politique du sexe. Les inégalités dans le
monde du travail ne se résorberont qu’à la faveur d’une volonté de
parité. Ce sont des lois à destination du monde de l’entreprise qui vont
faire changer les choses, pas arrêter de regarder des films pornos.
Propos recueillis par Daphnée Leportois.