Bistouri oui-oui reçoit les Furieuses Fallopes
Bistouri oui-oui!: la radio faite par les trans...et pour tout le monde
Bistouri oui-oui! s'écoute le 3ème jeudi de chaque mois à 19h30 sur 89.4 Fm (aussi sur le net)
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Furieuses Fallopes.
(émission du 16 mars 2006)
Aujourd'hui nous avons comme invitéEs des Furieuses Fallopes , Pascal, Marie, Lucinda, Alex, Sarah, Lucie
1) On commence par le feed-back d'une performance de Lynnee Breedlove (qui se définit comme trans et féministe) qui a eu lieu lors du festival sex is politic à saint denis la dernière semaine de février : qu'en avez-vous pensé, quel est votre sentiment, quelle articulation peut-on en faire avec cette émission, … ?
Lynnee Breedlove se définit comme trans' et a longtemps milité chez les féministes. C'est une des questions que l'on va aborder ce soir : qu'est-ce que ça pose comme questions aux féministes, aux trans', … ?
Lynnee Breedlove fait partie d'un groupe punk de san francisco ; sa performance s'appelle one freak show et ça parle de la communauté LGBTQ et de son identité de trans' non-opéré-e, non-hormoné-e.
La performance commence en faisant un historique des différentes lettres de "LGBTIQ". D'abord les Gay et après les Lesbiennes qui revendiquent une visibilité et les Gay qui veulent être en premier dans le sigle ; bref, de l'autodérision avec beaucoup d'humour mais aussi une dénonciation du politiquement correct qui pour donner de la visibilité à tout le monde, sachant que c'est difficile puisqu'il y a autant d'identité que d'individus ; en conclusion, à force de vouloir sur - ajouter des identités, on se rend compte qu'on pourrait en faire des milliards et que toutes les lettres de l'alphabet y passeraient ; finalement ce LGBTIQ n'est en définitive pas plus fédérateur et que les gens continuent à se taper sur la gueule
2) Qui sont les Furieuses Fallopes ?
Les Furieuses se sont créées sur des envies et de différentes rencontres ; ce n'est pas un groupe qui est né de scissions ; on s'est rencontrées avec une vraie envie de faire un groupe féministe non-mixte ; la mixité qui a été mise en place au début a beaucoup évolué (ça va faire bientôt 3 ans que l'on existe).
On s'est retrouvées sur l'envie de créer quelque chose qui n'existait pas à paris : un groupe féministe radical non mixte et pas séparatiste ; activiste aussi car il y avait aussi des structures non mixte mais dans le cadre d'associations visant à des activités de rencontres ; on voulait apparaître comme un groupe militant et intervenir avec une grille d'analyse féministe mais pas uniquement sur le terrain lié qu'à la femme.
On savait pas ce qu'on allait devenir, qu'on irait si loin ; on avait aussi cette volonté de réfléchir à la question des racismes, d'homophobie, de "classisme", … ; on se retrouve aussi sur des positions anti-capitalistes voire libertaires
Le temps a fait que l'on a eu le temps de creuser et d'en faire quelque chose.
Notre non-mixité aujourd'hui, n'est plus la même qu'il y a trois ans ; on s'est retrouvé-e-s sur une volonté de se bousculer et de se poser des questions ; le groupe a évolué en fonction des nouvelles rencontres qui apportaient de nouveaux questionnements que ce soit sur les identités ou sur autre chose. Finalement, la non-mixité sur laquelle on se retrouve c'est une non-mixité de féministes radicales matérialistes
On questionne le monde mais nous nous retournons aussi les questions à nous-mêmes.
Plus le temps avance, plus on se pose des questions : on se dit anti-raciste mais ne le sommes-nous pas ? dans le sens où nous avons été construit-e-s d'une telle manière par la société que nous reproduisons probablement des schémas que nous dénonçons ; en luttant contre le racisme, on lutte également contre toutes les discriminations intégrées par les conditionnement de la société.
On a failli s'appeler "groupe de femmes, gouines et bi" ; au début, c'était "groupe de femmes", ensuite "groupe de femmes et de lesbiennes" et c'est vrai qu'au fur et à mesure des discussions avec les questions sur les identités on s'est rendu-e-s compte que c'était des mots hyper enfermant ; que nos identités étaient beaucoup plus complexes que ça et toujours en évolution et on a voulu cesser de s'enfermer dans une définition et si on se retrouve sur un dénominateur commun maintenant, c'est réellement ce féminisme radical matérialiste ;
Mais Il est quand même nécessaire de se saisir d'une identité politiquement ; on est pas tout le temps dans la vie de tous les jours une "femme", une "lesbienne", une "bi" ; en fonction de l'instant et de l'interaction avec la personne avec qui tu es ton identité change ;
Pour nous, la radicalité c'est aussi dans le mode d'organisation : on casse la hiérarchie ; on ne veut pas de figure emblématique ni porte parole ; il y a une volonté de croiser les luttes par nos questionnements sur les formes de domination et d'oppression et pas uniquement sur la domination des hommes sur les femmes ;
Nous ne sommes pas dans une non-mixité essentialiste dans le sens où on se bat pas uniquement et absolument sur la question du sexe ; notre non-mixité ne comprendra jamais de flics ou de patronnes car ce que l'on défend c'est un projet d'émancipation collective et pas une réussite individuelle en quittant sa classe d'opprimé-e-s et en se retrouvant dans une classe de dominants qui se retourne contre d'autres opprimé-e-s ;
Comme outil, la non-mixité est vraiment une forme d'autonomie qu'on défend avec la volonté d'aller vers d'autres groupes pour faire converger les luttes car on n'a pas toujours le temps nécessaire ni même les outils ou les moyens de réfléchir à tout ; plus les luttes se croisent plus elles s'enrichissent.
On est pas une asso, on est un groupe ; on veut rester indépendant-e-s, autonomes ; on ne veut rien devoir aux institutions publiques, ne pas avoir à rendre de compte.
Nous avons une réunion de fonctionnement par semaine pendant laquelle on fait tout ce qui est travail de tracts, d'organisation d'événements, de manifs, … et une réunion mensuelle de débats théoriques ; nos décisions sont collectives, les décisions doivent être prises collectivement sinon elles sont abandonnées ; nous faisons aussi des tables de presse et nous avons une émission sur radio libertaire le 1er mercredi du mois de 18h à 20h.
On reste très attaché-e-s aux outils militants tracts, banderoles ; nous avons un projet photos soutenues de slogans qui traitent de questions de genres, de sexualité, autour du corps, des normes de beauté, … ; il s'agit de propagande féministe et non d'art ; on utilise un média artistique mais le but est politique !
L'objectif, c'est la révolution féministe radicale ! On se retrouve sur un projet de société d'émancipation des individus, de ne pas être enferméEs dans des normes, quelles qu'elles soient : de genres, de classes, de races, … ; penser le monde autrement, avoir plus de liberté, de marge de manœuvre, sans [E]tat (on en a pas encore discuté) mais en tous cas, sans flic ni patron.
Dans le domaine de nos revendications, par exemple, on s'est souvent retrouvé-e-s dans des rassemblements contre sos tout petit et anti-ivg ; on a "pêté" une messe à "notre dame", on a participé individuellement aux tordues ;
Les slogans :
Cathos, fachos, macho, sarko vous nous cassez l'clito
Je ne suis pas mal baiséE je suis féministe
Nous sommes toutes folles à libérer
Féministes radicales contre l'ordre moral
Nous sommes toutes des salopes avortées, 1ère, 2ème, 3ème aspiration
Lâchez-nous la chatte, léchez-nous tranquilles
3) La rencontre des Furieuses Fallopes avec l'Existrans : c'était la première participation des Furieuses en tant que groupe des "furieuses" mais vous y traîniez déjà les années précédentes. Toutes vos revendications sont aussi des revendications que nous, à BOO, nous soutenons ; il y a des convergences en termes d'objectifs à atteindre ; pourquoi, seulement cette années, votre présence en tant que furieuses ?
Dès 2003 on s'est questionné-e-s quant à notre position si des trans' venaient aux furieuses ; nos positions ont évolué depuis 2003 car on étaient ignorantes sur pas mal de trucs ; par exemple nos questionnements se positionnaient uniquement sur les mtf ; on a complètement zappé les ftm ; plus naïvement, la première existrans à laquelle on a participé, les ftm, on ne les a pas vus ; on avait tellement d'ignorance sur la question qu'on ne se posait même pas la question de leur existence.
Vraiment, les 1er débats qu'on a eus était qu'évidemment les mtf avaient leur place aux furieuses
Sur notre présence en 2005, il y avait déjà plein de réflexions et de revendications dans nos tracts : la question de la réappropriation du corps, des injonctions au genre, la bi-catégorisation ; la juxtaposition de ces thèmes s'est retrouvée et le texte que l'on a fait pour l'Existrans a été assez simple à faire ;
Ce qui est difficile pour nous c'était de se saisir de choses qui avaient déjà été écrites dans d'autres groupes féministes parce qu'on se retrouvait pas sur les mêmes positions et du coup, ça devenait urgent pour nous de dire que l'on était pas d'accord avec ce qui se dit en général notamment du rejet que les trans' ressentent souvent des groupes féministes et on a voulu dire autre chose ; on a donc écrit ce texte avec le désir de s'inscrire à l'Existrans'.
On voulait aussi faire des rencontres pour être plus clair-e-s et plus précis-e-s dans une volonté de ne pas parler à la place des autres, pour faire des ponts, des liens, pour faire des luttes communes ; c'est aussi pour cela qu'on est venuEs à l'Existrans et de dire qu'on a envie de poser des questions.
Ces réflexions sont apparues avant même la marche des tordues ; on a mis en place des débats avec des trans', sur la présence des trans' aux furieuses ... ; c'est compliqué : quelle non-mixité ? on a donc invité des trans' mtf et ftm et d'autres personnes pour en débattre pour ne pas décider arbitrairement si les trans' ont, oui ou non, leur place aux furieuses parce que ce n'est pas à nous de le dire, enfin, pas de cette manière artificielle.
Puis on a fait la marche des tordues car on a pensé que c'est en travaillant ensemble que l'on se rend compte si on est sur des terrains qui se rejoignent.
L'idée c'était de poser un discours féministe : ce n'est pas parce que l'on est une femme, y compris une femme bio que l'on va forcément devenir féministe ; c'est à partir d'un processus de politisation du vécu qu'on le devient ; on ne naît pas femme on le devient et on ne naît pas féministe on le devient ; donc, des femmes trans', elles vont pas forcément devenir féministes.
Pour les trans' ftm ça ne se pose pas forcément de la même manière ; on parlait tout à l'heure de critiquer nos propres reproductions, ça en fait partie ; on ne les voyait pas lors de nos premières participations à l'Existrans.
Les ftm avec qui on a envie de militer sont féministes et ne se revendiquent pas comme homme, en tous les cas au sein des furieuses. Pour nous "homme", c'est un ennemi de classe.
Dans la continuité de l'existrans, il y a eu les 72 heures, un événement transpédégouines ; dans cet espace on a voulu expérimenter quelque chose de nouveau : un espace radical "femmes gouines trans'" et dans "trans'" on avait pas envie de préciser le genre ni de code ; ça a été compliqué parce qu'il y avait plein d'individus différents pendant ces 72 heures qui n'étaient pas forcément dans les mêmes réflexions que les nôtres ; on est en pleine expérimentation de cette non – mixité aux identités vagabondes
On reproche un peu dans les milieux qui se disent queer cette confusion entre performance, drag et travestissement et faire une transition trans' ; certains confondent les deux ; c'est pas parce que tu t'es "kingé" une fois que tu es trans' ; ce qui est important, c'est de ne pas usurper l'identité d'autres (…) ; la performance en elle-même sans même penser à récupérer une identité trans' mais juste utiliser le fait "de la performance" qui bien souvent est une reproduction de codes, d'accord, t'es trans' mais ce n'est pas parce que tu es trans' que tu es déconstruit (note personnelle : ça, j'adore … ! – Maxime -)
Ca nous remet sur le débat pourquoi on se définit en tant que féministe radicale et matérialiste justement par rapport au limite du "queer" dans le sens où finalement la dimension performative dénie un peu les conditions matérielles, les questions de vécus en fait qui sont liées à ses rapports sociaux de sexes bi-catégorisés, entre homme, femme etc ; du coup, une simple réappropriation sans prise en compte de ses problématiques là et quelque part apolitique et pas du tout dans cette perspective féministe radicale telle qu'on la définit
La question est de savoir ce que l'on fait du queer aujourd'hui et qui se dit queer ; à un moment donné, quand bien même il s'agit d'une critique du féminisme, le queer s'est quand même basé sur le féminisme et c'est une dimension qui disparaît complètement ; mais résumer le potentiel de stratégies, de tactiques que le queer permet de mettre en place à de la performance paraît réducteur de ce que le queer peut apporter ; ça pourrait être l'objet d'une prochaine discussion aux furieuses de comment on se positionne par rapport au queer ; sur la notion de tactiques que tu mets en place dans la marge, les espaces de créativité que le queer permet en attendant la révolution ici, maintenant, quelle pratique de liberté on met en place ? Pour ça, le queer est intéressant ; d'accord, faire du post-porno oui mais …, pire, le mot est déposé par ardisson mais c'est dommage que le queer soit seulement résumé à cela par rapport à ses potentialités.
A la base, il y avait de réelles revendications contre les classes et anti-racisme dans le queer ; sur paris, les gens qui se revendiquent du queer à part la question des genres et de sexualité, il n'y a rien d'autre.
Là où il y a vraiment des interactions possibles entre féminisme et queer c'est que ce sont deux idées qui s'apportent et doivent s'enrichir sauf que dans le milieu parisien, on ressent fortement la re-création de normes ; d'un côté il y a les normes oppressantes de la société hétéro-patriarcale capitaliste et dans le milieu queer on recrée des normes, presque à l'inverse sans se poser de question ; les milieux queer parisiens s'arrêtent sur l'opposé ; c'est comme cela qu'il faut être et du coup, dès que tu déroges un peu à ça tu as l'impression d'avoir le cul entre deux chaises.
Selon Kim perez les rapports hommes/femmes sont une métaphore de toutes les oppressions humaines, par rapport à cela, ce qui nous plait c'est de dire que le féminisme est une grille d'analyse métaphorique qui lutte contre tous les rapports d'oppression.