« Depuis trente ans, j'explore ce qu'on appelle la sexualité SM »
-> Un article lu sur:
Rue89.com"Les couples vivent tous leur sexualité de façon différente.Sur Rue89, j'ai déjà parlé du
couple « modèle » et du
couple « polyamoureux »."
L'écrivain Alexandre Gamberra, auteur de « Un amour sans merci », a accepté de témoigner de son couple SM… A ne pas confondre avec un stage ou une soirée fétichiste, ça ne relève pas de la même dynamique.
Camille."J'ai 53 ans et j'enseigne la littérature contemporaine dans une université française. Je suis le père (divorcé) d'un adolescent et j'ai la chance d'aimer une compagne (et d'être aimé d'elle) que je veille à protéger de la rumeur et des railleries à la fois mesquines et stupides.
D'une part, notre intimité ne regarde que nous ; d'autre part, la société dans laquelle nous vivons s'arrange du fétichisme et du sadomasochisme quand ils relèvent de la mode et du « porno chic » mais demeure, notamment dans la sphère professionnelle, crispée vis-à-vis de ces pratiques.
On aura saisi que j'accepte de payer ma transparence (relative) au prix fort -c'est-à-dire celui d'une carrière arrêtée, bloquée, stoppée, attendu que l'institution à laquelle j'appartiens considère que mes travaux et mes publications consacrés depuis dix ans aux représentations du corps et des sexualités dans les arts et la littérature sont, au mieux, « périphériques », au pire « originaux » (c'est-à-dire « pas sérieux »)- mais que je m'interdis d'exposer mes proches.
Depuis trente ans j'explore ce qu'il est convenu d'appeler la sexualité SM
Voilà une trentaine d'années que j'ai pris conscience de mes fantasmes, c'est-à-dire que j'ai accepté de les regarder en face sans en avoir honte. Depuis donc la fin des années 70, j'explore ce qu'il est convenu d'appeler la sexualité SM, même si cette terminologie est sujette à bien des confusions et des approximations.
Cette découverte m'a d'abord fourni l'occasion d'escapades particulièrement jouissives (la transgression augmentant le plaisir dispensé).
Pendant longtemps, je me suis contenté d'étreintes furtives avec des partenaires souscrivant à ces passages à l'acte, de liaisons brèves mais intenses, de séances tarifées avec des soumises prostituées (dès l'époque du Minitel, il a été facile d'en trouver à Paris).
Je me définis comme un sujet dominant (certains préfèrent « maître »)
Depuis une décennie, je considère ne plus avoir à dissimuler mon orientation sexuelle. Je l'assume pleinement (sans prosélytisme), ce qui me conduit à ne m'intéresser qu'à des femmes susceptibles de « rentrer » durablement dans mon univers fantasmatique. Celle qui est aujourd'hui dans ma vie partage librement cette sexualité.
Je me garderai de généraliser. Du coup, je n'érigerai pas mes désirs en normes : ce qui m'excite n'est pas forcément de nature à échauffer tel(le ou tel(le) autre. De même que l'hétérosexualité conventionnelle n'a pas pour corollaire que les hétéros fassent pareillement l'amour, une orientation sexuelle SM n'exige pas qu'elle soit vécue selon une seule modalité.
Je me définis comme un sujet dominant (beaucoup voudront mettre une majuscule à ce qualificatif, pas moi ! , je n'aime pas l'emphase et je prise davantage le souci que l'estime de soi ; plusieurs préfèreront recourir au vocable de maître).
A bien des égards, c'est ma soumise qui m'instrumente
En vertu d'une trame « narrative » qui fait de ma partenaire ma soumise, mon esclave, mon objet sexuel, je suis celui qui dirige et met en scène nos ébats.
Les personnes curieuses d'en savoir plus se reporteront à ces récits littéraires (« Histoire d'O » de Pauline Réage et « L'Image de Jeanne » de Berg) qui, en la matière, font figure de classiques : le factuel de mes amours n'a pas grand intérêt, à moins de verser dans l'exhibitionnisme et de vouloir flatter le voyeurisme de la société de l'information.
En revanche, il convient de poser que cette sexualité implique le consentement et le respect mutuels. Cela peut surprendre mais ma compagne ne vit rien de ce qu'elle ne veut pas subir. Mon rôle au sein de notre couple correspond à celui du sujet sadomasochique (pour reprendre Gilles Deleuze).
Fort heureusement, je ne suis pas sadique : je ne suis le dominant et le maître que parce que ma soumise me reconnaît cette place ; à bien des égards, c'est elle qui m'instrumente (même si en apparence c'est moi qui la réifie).
Je déconseille à toutes et à tous de croiser la route d'un(e) sadique, au sens clinique, car ces individus ne se préoccupent pas du plaisir ni du bien-être ni de la sécurité de l'autre (leur profil est psychotique)."
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Un amour sans merci d'Alexandre Gamberra - éd. Tabou - 206p. - 9€.