Féminisme, sexualité et (post-) colonialisme
Journée d’étude organisée le vendredi 3 février 2006
école normale supérieure, 48 boulevard Jourdan, Paris XIVe
Grande salle, 9h30-18h
(Lehnert et Landrock, 1910.)
Responsables :
Eric Fassin (GTMS & ETT / ENS), Nacira Guénif-Souilamas (Experice & CADIS / Paris 13), Christelle Hamel (INED), Christelle Taraud (GTMS)
En France, depuis quelques années, les questions sexuelles ont émergé dans l’espace public en même temps que les questions raciales. Pour autant, il ne s’agit pas d’un développement parallèle : ces deux registres de politisation ne cessent de se rencontrer. Ainsi, le débat sur la prostitution, posé comme un enjeu d’ordre public, parle d’immigration autant que de sexualité. Le croisement s’opère d’ailleurs dans les deux sens. D’un côté, les questions sexuelles sont abordées comme des questions raciales : le traitement médiatique des violences sexuelles, avec la représentation des « tournantes », a centré l’éclairage sur les « jeunes des quartiers » d’ascendance immigrée et coloniale. D’un autre côté, les questions raciales sont présentées comme des questions sexuelles : la polémique sur le voile l’identifie ainsi au viol, symbolique ou réel. On le voit pareillement avec l’exploitation politique des mariages forcés ou de la polygamie : c’est aujourd’hui au nom de la défense de l’égalité entre hommes et femmes que se trouve légitimée la stigmatisation ethnique ou raciale.
Cette double évolution interroge la réflexion féministe, dans ses fondements théoriques et politiques, puisque c’est bien souvent au nom du féminisme que sont défendues des politiques sexuelles qui sont aussi des politiques raciales. Pour appréhender cette actualité, la journée d’étude consacrée aux rapports entre féminisme, sexualité et post-colonialisme posera les bases d’une réflexion en tentant d’éclairer le présent à la lumière du passé. à l’évidence, le présent post-colonial prend sens au regard de l’histoire coloniale, où déjà se rencontraient l’ordre sexuel et l’ordre racial. La racialisation des questions sexuelles et la sexualisation des questions raciales ne datent donc pas d’aujourd’hui. Autrement dit, penser l’articulation entre les questions sexuelles et raciales suppose de faire le lien entre l’actualité la plus brûlante et l'histoire souvent occultée ou méconnue de l’imbrication du sexisme et du racisme dans le « corps » de la nation française.
Programme
#Matinée (9h30 – 13h)
L’actualité postcoloniale
Séance présidée par Alban Bensa (GTMS / EHESS)
-> Eric Fassin (ENS) :
« République sexuelle, république raciale : des articulations problématiques. »
-> Nacira Guénif-Souilamas (Paris-XIII) :
« La constellation matrimoniale dans la France postcoloniale. »
-> Christelle Hamel (INED) :
« La sexualité entre sexisme et racisme : les descendantes de migrant-e-s du Maghreb et la virginité. »
-> Françoise Vergès (Goldsmiths College, Université de Londres) :
« L’échangisme à la Réunion : un rapport sexuel et racial inégal. »
Discussion.
#Après-midi (14h30 – 18h)
L’éclairage historique
Séance présidée par Fanny Colonna (GTMS)
->Elsa Dorlin (Paris-I) :
« Femmes lubriques : la production politique des identités sexuelles par les idéologies racistes. »
-> Christelle Taraud (GTMS) :
« Genre, classe, race en contexte colonial : une approche par la mixité sexuelle. »
-> Todd Shepard (Temple University) :
« Le Front homosexuel d’action révolutionnaire (1971-1974) et ses représentations du Maghrébin. »
Discussion.
17h – 18h : Table ronde avec l’ensemble des intervenants et discussion avec la salle.