Le jeune chercheur belge Dominique Goblet a dirigé Handicap et homosexualité: double tabou, double discrimination? (lire ici
le pdf de l’étude et ici
le pdf du résumé), une enquête du département psychologie des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, dont les conclusions ont été récemment dévoilées.
Comment vit-on lorsque l’on est en situation de handicap et homo? Peu d’études existent et cette recherche tend à «analyser comment les personnes qui «cumulent» handicap et homosexualité revendiquent et affirment leur vie affective et sexuelle». Dans son introduction, Dominique Goblet rappelle que «l’échantillon [de cette enquête] est significatif mais non représentatif, que les résultats chiffrés ne sont que des fréquences».
MÉTHODOLOGIEAfin de réaliser cette enquête, des questionnaires ont été mis en ligne et distribués dans des associations de personnes handicapées et des associations LGBT entre le 5 mai et le 23 novembre 2010. Sur 508 formulaires remplis, 158 ont pu être pris en compte.
82,91% des répondant-e-s étaient des hommes. 77,64% étaient français-e-s, 14,91% étaient belges. 84,34% se définissent comme homosexuel-le-s, 8,43% comme bisexuel-le-s et 2,41% comme hétérosexuel-le-s pouvant avoir des relations homosexuelles ou encore comme «asexués». 79,53% des répondant-e-s souffraient d’un handicap physique, 20,47% d’un handicap sensoriel.
STIGMATISATIONSAu cœur de cette enquête, une question: «Cette population encore stigmatisée l’est-elle en raison du handicap ou de l’homosexualité, ou bien des deux?».
Les réponses au questionnaire laissent apparaître une certaine intolérance du milieu LGBT envers les personnes handicapées, «en raison d’une culture de la beauté physique et du paraître mais également [...] en raison de la non-accessibilité des lieux de sociabilité et de convivialité identitaires».
Parallèlement, le milieu associatif handicapé n’est pas toujours ouvert à la problématique de l’orientation sexuelle. Certaines associations ont ainsi refusé de diffuser le questionnaire, arguant «qu’il était trop tôt pour aborder ce sujet», «que leurs efforts devaient se concentrer en priorité sur la majorité». La «peur de faire la promotion de l’homosexualité» était même parfois évoquée.
LE HANDICAP, PLUS «HANDICAPANT»
D’après les répondant-e-s à l’enquête, les personnes à la fois handicapées et homosexuelles sont «davantage stigmatisé-e-s en raison du handicap que de l’orientation sexuelle», le handicap étant plus visible et plus envahissant dans la vie quotidienne. Dominique Goblet rappelle qu’«après les motifs raciaux, le handicap est la deuxième source de discrimination, tant en Belgique qu’en France».
Parmi les personnes interrogées, «si certaines dénoncent la difficulté d’assumer handicap et homosexualité, elles déclarent aussi «qu’assumer leur handicap leur a permis d’assumer également leur homosexualité»».
«IDENTITÉS MULTIPLES, EXCLUSIONS MULTIPLES»
La double appartenance à une minorité induit une double exclusion chez les personnes handicapées et homosexuelles: le handicap les isole des personnes LGBT tandis que la révélation de leur orientation sexuelle les éloigne des autres handicapé-e-s.
Souffrant de la stigmatisation liée à leur handicap, certaines personnes renoncent à révéler leur homosexualité ou ne la dévoilent qu’à certains proches. Ces ««doubles biographies» [deviennent], dans certains cas, difficilement gérables au niveau de l’épanouissement personnel».
VIE AFFECTIVE ET SEXUELLE
Bien que beaucoup (près d’un tiers) des personnes ayant répondu au questionnaire vivent seules, elles fondent beaucoup d’espoir dans leur vie affective. «Une relation de couple favoriserait l’épanouissement personnel et le soutien réciproque [et] serait, pour un bon nombre, un moyen de dépasser leur situation de handicap.»
Les répondant-e-s fréquentent le plus souvent un partenaire lui aussi en situation de handicap, du moins dans un premier temps. D’après l’échantillon, «très peu de gays valides seraient prêts à assumer, sur le long terme, une vie de couple avec un partenaire en situation de handicap».
Les réponses au questionnaire ne dressent pas uniquement de sombres constats. Ainsi ce commentaire d’une répondante: «Tout à fait à l’aise avec mon handicap ainsi qu’avec ma sexualité, ces deux stigmates ont été apprivoisés et assimilés grâce à l’amour ambiant [...] mon homosexualité ne m’apporte que du bonheur».
Via Arc-en-Ciel ToulouseBénédicte Bécret