*Je m’appelle Ahmed et je suis gay...
Je m’appelle Ahmed et je suis gay...
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Témoignage lu sur Gay Afrique
Je m’appelle Ahmed et je suis gay, si facile à écrire et si difficile à assumer. S’assumer, et comment !
Quand mes parents et ma famille ne savent pas, que je dois invoquer mille et une excuses pour éviter de parler du sujet du mariage.
Je n’ai que 26 ans, et pourtant ils se préoccupent plus que moi de ma vie sentimentale, justement de cette dernière je ne peux rien leur dire !
Ma famille, que j’aime tant, si tolérante, homophile, mais bon, les gays c’est chez les autres pas dans la famille.
Certes, j’ai cet avantage certain que mes parents et ma famille proche vivent au Maroc, mais je puis vous assurer que le poids reste le même, voire devient plus lourd : la crainte que sa se sache, qu’ils découvrent quelque chose, qu’en adviendra -t-il de moi ?
Qui plus est, je ne puis vivre sans contact avec ma famille…
Heureusement, il y a les ami(e) et la majorité d’entre eux le savent, et d’ailleurs m’ont soutenu dans mes déboires amoureux.
Enfin, presque puisque avec ceux d’origine maghrébine je suis obligé de parler encore de Carole quand il s’agit de Xavier, ou de présenter Stéphane comme étant un ami très proche…
Il est difficile de s’appeler Ahmed et de pouvoir dire pleinement à Leila ou à Rachid, par ailleurs très sympathiques et pas un brin homophobes, que l’on est soi-même homosexuel.
Ca c’est pour les autres, pas pour nous autres arabes, encore moins musulmans.
Je me souviens quand je l’ai dit la première fois à un ami de troisième cycle, "Fatih", j’ai vu dans ses yeux un tel dégoût, que les mots qui ont suivi ne m’ont guère étonné !
Après quelques tergiversations, je lui ai fait comprendre que mon coming-out n’était pas une farce mais une vérité !
J’ai eu le droit à des "c’est dégueulasse !", "c’est contre nature, c’est pas normal !" et pire… la phrase qui tue "si tu restes pédé [SIC], je ne veux plus de toi comme ami, tu m’oublies !"
A croire que j’avais le choix, ou que je risquai de le contaminer de je ne sais quelle maladie…
Enfin, le choix je l’ai eu cette fois-ci puisque j’avais décidé que Fatih n’allait plus faire partie de ma vie, et des Fatih j’en ai vu depuis le temps…
De toute manière, j’étais décidé à m’assumer et à vivre pleinement mon homosexualité avec plus ou moins de culpabilité et de moments de blues et de déprime, moi qui suis si gai(…) d’habitude.
J’en étais donc à la recherche de ce garçon, qui allait partager ma vie, un complice, un amoureux, un amant, un ami, tout ça "en cachette" dans une première approche…
Les rencontres se succédaient, mais ne débouchaient sur rien de stable, pourtant les garçons que je rencontrais me disaient que je leur plaisais beaucoup, qu’ils me trouvaient sympathique et intelligent (enfin c’est pas moi qui le dit).
Je ne comprenais guère, enfin j’allais y voir clair plus tard, toujours dans le cadre de ma quête brave de la moitié perdue quelque part dans la planète Terre!
C’est en chattant sur le net, que j’ai appris beaucoup de choses. Je savais enfin qui j’étais : je ne représente qu’un fantasme !
J’en étais réduit au statut d’objet et j’avais des frissons en voyant les amalgames et les schémas mentaux des gens en ce qui concerne les beurs gays !
Entre ceux déçus de savoir que je m’habille BCBG (ben oui, le fameux fantasme lascar, franchement, je "n'assure pas"), ceux surpris que je ne comprenne guère "verlan" et que je n’ai aucun accent de quelconque connotation, voir ceux qui demandaient si j’étais "vicelard sexuellement" ou le bien fameux "macho au lit"…
Et les questions classiques fusaient, "c’est vrai que les beurs sont très bien membrés ?" ou encore, "on dit que les beurs sont les pires des s…… au lit, et toi ?".
Rien de méchant me diriez-vous, mais avec ces personnes on discutait de rencontre pour se connaître et construire quelque chose éventuellement!
Mais le pire, c’était les individus qui me contactaient sur les channels de chat pour me "louer" une notion que j’ai appris grâce à Internet. Que de découvertes !
Enfin, vient la "période des amours", ce n’était pas très gai non plus finalement, mais au moins j’ai pu vivre des émotions fortes et dont je n’essaye de garder que le bon.
Je me souviens de Xavier avec qui c’était plus que fusionnel, l’amour total, je voulais crier au monde mon bonheur pour le partager avec la planète entière.
Trois mois plus tard, dans un moment d’intimité, j’ai eu le malheur de lui demander ce qu’il avait pensé en me voyant la première fois (je l’avais rencontré en chattant sur le net, ben oui je suis timide et Internet ça révolutionne ma vie tous les jours), la réponse à ma question fut si romantique "ben, je me posais des questions quant à l’hygiène chez les arabes"…
Aïe ! Ca fait très mal surtout quand vous faites du "fishing for compliments" ou vous vous attendez à quelconque phrase complaisante !
Je me souviens également de ce bel homme - rencontré dans une boîte - qui m’avait enchanté toute une soirée pendant laquelle nous avions refait le monde alors que les trémoussements des autres ne nous occupait point.
C’était une belle symphonie romantique, mon cœur battait la chamade et je me disais qu'enfin mon bateau avait trouvé un port pour s'amarrer, mais la symphonie s’était terminé avec une fausse note qui avait défiguré inexorablement la mélodie…
"Passons aux choses sérieuses !" me dit-il, j’étais curieux de savoir ce qu’il entendait par cette question, et puis vint ce genre de phrases qui vous assassine plus d’une fois.
"Tu prends combien pour un week-end, je te préviens je suis seulement actif". Alors la, je sentais que le ciel m’allait tomber sur la tête, mais je me suis contenté d’une phrase au niveau de la bassesse de la proposition indécente qui m’était faite "vous êtes le maillon faible, au revoir !"
Justement, il est où ce maillon faible, qui m’oblige d’un côté à me cacher, de l’autre, à subir des fantasmes, les méchancetés et les préjugés des autres ?
Oui, c’est pas si gai d’être homo, mais gay et beur, franchement, il y’en a qui n’ont rien pour eux… j'en fais partie et j'assume!
Oui je m’appelle Ahmed, je suis gay, mais pour compléter ma phrase, je ne suis ni lascar, ni à louer ni à acheter, encore moins un outil sexuel.
Je m’appelle Ahmed, et je cherche l’amour, tout comme vous !
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