La matrice de la race
Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française
La matrice de la race
Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française
par: Elsa Dorlin
maître de conférences en philosophie à Paris-I. Ses travaux portent sur l’histoire de la médecine, les théories féministes et la production du racisme.
Préface : Joan w.scott
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La race a une histoire, qui renvoie à l’histoire de la différence sexuelle.
Au XVIIe siècle, les discours médicaux affligent le corps des femmes de mille maux : « suffocation de la matrice » « hystérie », « fureur utérine », etc. La conception du corps des femmes comme un corps malade justifie efficacement l’inégalité des sexes. Le sain et le malsain fonctionnent comme des catégories de pouvoir. Aux Amériques, les premiers naturalistes prennent alors modèle sur la différence sexuelle pour élaborer le concept de « race » : les Indiens Caraïbes ou les esclaves déportés seraient des populations au tempérament pathogène, efféminé et faible.
Ce sont ces articulations entre le genre, la sexualité et la race, et son rôle central dans la formation de la Nation française moderne qu’analyse Elsa Dorlin, au croisement de la philosophie politique, de l’histoire de la médecine et des études sur le genre. L’auteure montre comment on est passé de la définition d’un « tempérament de sexe » à celle d’un « tempérament de race ». La Nation prend littéralement corps dans le modèle féminin de la « mère », blanche, saine et maternelle, opposée aux figures d’une féminité « dégénérée » – la sorcière, la vaporeuse, la vivandière hommasse, la nymphomane, la tribade et l’esclave africaine.
Il apparaît ainsi que le sexe et la race participent d’une même matrice au moment où la Nation française s’engage dans l’esclavage et la colonisation.
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Collection : Textes à l'appui / Genre & sexualité – 320 pages – 27 €
Nouvelle collection dirigée par éric FASSIN
Les questions sexuelles sont d’actualité. On débat des inégalités entre hommes et femmes et des discriminations à l’encontre des minorités sexuelles, autant que des politiques de la filiation et de la reproduction, de la pornographie et de la prostitution, et des violences. En même temps, la critique des normes touche à notre intimité, y compris amoureuse, puisqu’elle interroge les évidences de la masculinité et de la féminité en même temps que des pratiques sexuelles.
Bref, les questions sexuées et sexuelles, autrement dit, les questions de genre et de sexualité se croisent aujourd’hui pour apparaître comme des enjeux proprement politiques.
La collection « Genre & sexualité » entreprend de publier des enquêtes et des essais qui éclairent cette actualité sexuelle – grâce à des traductions de travaux classiques ou plus récents, en s’appuyant sur des auteurs déjà établis, tout en faisant connaître les recherches des nouvelles générations universitaires.
La collection est d’abord une collection de sciences sociales – anthropologie, histoire, science politique et sociologie – mais elle est ouverte également à la philosophie, aux études littéraires, et à toutes les perspectives qui nous aident à comprendre le genre et la sexualité comme phénomènes sociaux et politiques.