*Le centre d’archives LGBT: remake de l'Arlésienne.
Le centre d’archives LGBT: remake de l'Arlésienne.
LE FEUX AUX ARCHIVES
-> source:
e-llico.com
Quatre ans après son lancement, le projet de centre d’archives LGBT semble toujours enlisé. Cet énorme retard provoque une forte polémique et la remise en cause à la fois des choix effectués et de l’équipe qui pilote ce projet essentiel pour la communauté. "Illico" fait le point sur ce dossier brûlant.
Par Jean-François Laforgerie
Parti comme c’est, on se demande si d’ici peu quelqu’un se souviendra encore de l’année du lancement du projet de Centre des mémoires LGBT de Paris. Un comble ! Le retard pris n’est plus important, il est aujourd’hui dramatique. La belle idée d’un lieu de mémoire LGBT, soutenue par Bertrand Delanoë durant sa campagne en 2001, ne voit toujours pas le jour. Pire, elle est même devenue un boulet, pour la mairie.
Car la somme engagée par la Ville est importante (100 000 euros) et n’a donné lieu, pour le moment, qu’à un rapport. Un peu léger pour un chantier lancé en 2002 estiment les opposants au projet qui, au vu du retard accumulé, ont lancé récemment une nouvelle salve d’attaques. Comme les fois précédentes (les attaques sont cycliques depuis 2002), la mairie fait le dos rond tout comme les responsables du projet, Stéphane Martinet et Charles Myara. Ce manque de transparence et cette absence d’information sur le projet, inexplicables, sont pain béni pour les opposants qui trouvent ainsi un terrain propice à leurs griefs qu’ils soient fondés ou parfaitement caricaturaux. Une chose est sûre : la situation est bloquée, le projet mal engagé et la Ville coincée.
Les explications à ce qui pourrait prendre, hélas, les allures d’un fiasco sont d’ordre multiple. A l’exemple du feuilleton sur la validation scientifique du projet. Pour faire simple, le projet n’a pas avancé d’un pouce depuis l’autonme parce que les responsables du projet attendaient, après celle des Archives de Paris (voir page XX), une validation scientifique des Archives de France. Validation que ce service d’Etat n’a jamais eu l’intention de donner. Du côté du ministère de la Culture, on dit aujourd’hui que l’avis scientifique des Archives de Paris est suffisant et qu’il n’a jamais été question d’autre chose. Du côté du Centre des mémoires, on soutient avoir entendu du ministère exactement le contraire. Difficile de dire s’il faut imputer cela à l’amateurisme des uns ou à l’inertie des autres, mais le résultat est un nouveau retard du projet qui n’avait pas besoin de cela.
Mais la principale cause du blocage actuel est dans la stratégie même défendue par les responsables actuels, Stéphane Martinet et Charles Myara, qui espèrent le grand soir avec "un centre ambitieux, séduisant, cher…" "On ne veut pas commencer par un petit centre dans un coin. Nous ne souhaitons pas déjà réduire la voilure" avancent-ils. C’est l’option : le grand centre tel qu’il est présenté dans le rapport, tout de suite. Cette stratégie a le gros défaut de faire croire qu’il reste encore beaucoup de temps… pour réunir et convaincre tous les partenaires potentiels (voir page XX). Ce n’est hélas plus le cas. La mairie s’agace et s’inquiète du retard, d’autant qu’elle peine à faire passer le message que ce centre n’est pas une commande municipale. Directrice des Archives de Paris, Agnès Masson estime qu’il est "indispensable [pour l’équipe actuelle] d’avoir une activité concrète comme une salle de lecture. Il faut qu’ils prouvent qu’ils existent. Une convention de partenariat avec une autre association permettant l’accueil du public serait une piste. S’ils attendent tout, tout de suite, dans dix ans, nous y sommes encore." Faute de cet embryon d’activité, il sera difficile à l’équipe actuelle d’obtenir les financements publics espérés : mais pour cela même il faut des moyens. Des moyens qui, pour le moment, n’existent plus.
Infos sur le site :
www.memoires-lgbt.org
Marie Hélène Bourcier : Il faut repartir sur de bonnes bases
Sociologue, essayiste (1), professeur à l’université Lille III, Marie Hélène Bourcier est membre d’archiQ, un des principaux opposants à l’actuel projet de Centre des mémoires LGBT de Paris. Interview.
En quoi votre vision des archives LGBT diffère-t-elle de celle qui est présentée dans le rapport de préfiguration du Centre des mémoires LGBT Paris/Ile-de-France ?
Vous vous souvenez sans doute que l’action d’Archilesb !, de Vigitrans puis d’Archi Q [trois opposants au projet alors défendu par Jean Le Bitoux, ndlr] dès 2002 portait sur la spécificité des archives LGBTQ, la qualité scientifique et méthodologique du projet et son degré d’ouverture aux minorités sexuelles et de genre. Sur ces points, le rapport n’a pas évolué. C'est une catastrophe sur le plan scientifique : il propose un colloque cher (chiffré à près de 20 000 euros) sur l’élaboration d’un index homosexuel alors qu'il existe déjà. Il s'agit de l'homosaurus des archives d'Amsterdam (Homodok). Il y aussi un Pink Thesaurus en Angleterre mais l'auteur du rapport n'est pas au courant !
Tout d'abord, Mr Martinet est adjoint à la mairie du 11ème arrondissement. Il ne peut donc être le président de l'association qui a reçu une subvention de la mairie de Paris. C'est contraire aux bonnes pratiques qu'a voulu instaurer Bertrand Delanoë. Ensuite, cette équipe a failli moralement et financièrement. Elle a déjà consommé deux salariés mal affectés et juste acheté du linoléum et du matériel informatique pour un centre qui n'existe pas. Je ne parle même pas des acquisitions dont Jean Le Bitoux avait la charge. Où sont elles ? En plus, elle veut remettre le couvert. L’AP-CADHP (1) demande quelque 800 000 euros supplémentaires qui viennent s’ajouter aux 100 000 euros de subvention de la mairie de Paris pour ne pas ouvrir avant 2010 ! Le rapport de préfiguration est incapable de donner une liste de partenaires financiers et autres : encore quatre ans pour les identifier ? L’échec est en partie dû à une absence de réel intérêt pour les archives. Monsieur Martinet s’est mis au service du PS. Il ne s’est pas mis au service de la communauté LGBTQ. Pourtant, l’existence d’un centre d’archives est un besoin crucial. Tous les jours, je suis contactée par des étudiant(e)s, des transpédégouines qui veulent travailler sur leurs histoires et leurs cultures. C’est actuellement impossible. L’équipe actuelle doit partir et il faut repartir avec de vrais acteurs, divers, concernés, professionnels, communautaires et surtout consulter. Les Archives Départementales de Paris sont tout à fait prêtes à travailler avec les minoritaires sur la question des archives. Il faut commencer par un retour d’expérience avec les centres en Europe, les initiatives en France et à l’international. Ce n’est pas sorcier : une task force avec rapport d’étapes, une plate-forme de compétences très flexible et enracinée dans la communauté dont l’expérience est irremplaçable. Tout ira bien si le projet et inclusif et respectueux des archivés.
Avez-vous un projet alternatif au seul qui existe actuellement et quel est-il ?
ArchiQ a travaillé la notion d’archive vive. Un chapitre entier de mon dernier livre, "Sexpolitiques"(2), est consacré à cette philosophie de l’archive minoritaire, différente, difficile. Les enjeux de l’archive LGBTQ sont aussi complexes que ceux des archives coloniales : comment archiver les silences ? Comment rendre visible ce que l’on appelle les "dehors de l’archive classique" ? Archiver les sexualités... Nous pouvons apporter de l’expertise, de l’engagement et une volonté politique. Mais le projet en soi doit être partagé, repartir sur de bonnes bases avec les bonnes personnes et un… comité scientifique.
Vous vous êtes lancée dans une stratégie de contestation tous azimuts. Qu'attendez-vous au final de cette stratégie, notamment vis-à-vis de la mairie ?
En 2002 comme aujourd’hui, nous avons simplement essayé d’œuvrer pour que s’ouvrent un débat public et une concertation sur ce projet. Notre objectif est que le Centre se fasse. Aux dernières nouvelles, la mairie de Paris a compris qu'il fallait réagir. Ceci dit, il faut que l'AP-CADHP rembourse la subvention de la mairie de Paris et que la convention signée avec la Mairie soit respectée.
(1) : Association de Préfiguration du Centre d’Archives et de Documentation Homosexuel de Paris.
(2) : Sexpolitiques, Queer Zones II, Paris, éditions La Fabrique 2005.
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Archives homosexuelles: protestations contre la lenteur du projet
-> source:
www.tetu.com(10 mars 2006)
ArchiQ, groupe d'action et de réflexion sur les archives LGBT (ex-Archilesb! et Vigitrans), proteste contre la lenteur du projet du Centre des mémoires LGBT Paris/Île-de-France. Dans un communiqué, ArchiQ «attire l'attention sur le laxisme et la négligence dont la Mairie de Paris a fait preuve dans ce dossier» et demande le remboursement de la subvention de 100.000 euros accordée à l'association de préfiguration du Centre, ainsi que la démission de ses responsables. «Depuis 2002, estime ArchiQ, nous n'avons cessé d'alerter la Mairie de Paris sur l'état de non avancement du projet. Rien n'a changé.» Stéphane Martinet, président de l'association de préfiguration, répond à Têtu que le statu quo ne provient pas de lui: le Centre est toujours en attente de la validation des Archives de France (ministère de la Culture), étape nécessaire à la validation d'une subvention, après avoir reçu la validation scientifique du projet par le centre départemental des archives de Paris. «J'écris une lettre de relance, sans vouloir être trop méchant avec eux, avoue-t-il. Je découvre que dans le monde des archives, tout est toujours lent. C'est un autre temps.» Sans date d'ouverture prévue, le Centre nécessiterait une subvention annuelle de près de 400.000 euros, et n'ouvrirait dans un premier temps, celui de la configuration, que sa partie documentation. Les archives proprement dites pourraient être accessibles deux ans plus tard.
à 14:39