Salles combles dans les festivals, 1er prix du Porn Film Festival de Berlin, avec «One Night Stand», Emilie Jouvet signe le premier porno lesbien et trans français, et bouleverse la conception du porno.
Il y a des choses dans la vie qu’on est parfois obligé de faire soi-même. Prenez Emilie Jouvet. Photographe, vidéaste, elle fréquente les festivals de films et trouve curieux qu’aucun porno lesbien ne soit réalisé en France alors que les américaines le font depuis plus de 30 ans. Il y a bien eu quelques tentatives comme L’envers des corps de Véronique Rosa et Valérie Guillerme en 1994, mais si mal diffusées qu’elles sont tombées dans l’oubli. Comment se fait-ce? «Les lesbiennes sont toujours considérées comme ayant moins de désirs, estime Emilie Jouvet. Elles sont utilisées dans les pornos hétéros surtout dans des schémas à trois, du type deux femmes et un homme.» L’ennui aussi, c’est qu’on ne montre jamais les trans
F to M. Eh bien qu’à cela ne tienne! Et Emilie se lance dans l’aventure du porno queer avec la réalisation de One Night Stand, grâce au soutien d’une petite boîte de production, Hystérie Prod.
La vérité toute nue
Tant qu’à être pionnière, autant innover. L’originalité de ce film tient surtout dans un concept fort. La réalisatrice adopte un parti pris de réalisme qui fait souvent défaut aux pornos américains, en demandant aux participantes de vivre les scènes plutôt que de les jouer. Elle met en présence deux femmes qui acceptent de faire l’amour pour la première fois ensemble devant la caméra. Pas de casting, mais une annonce sur le blog du film qui se diffuse très rapidement de bouche à oreille. «Je voulais que chaque actrice soit attirée par sa partenaire, explique la réalisatrice. J’ai organisé des rencontres entre toutes celles qui voulaient tourner. Celles qui n’ont pas trouvé de partenaire n’ont pas participé. Et ce sont les actrices elles-mêmes qui ont créé leurs scènes.» Mais elles ont surtout choisi des pratiques (sodomie, fisting, godes), sans réelle mise en scène. Le pari est risqué. Certes, le réalisme est là, grâce aux plans longs très rapprochés et à la générosité des participantes, mais ce qui est excitant pour elles, c’est à dire la caméra et la nouveauté de la partenaire, l’est-il autant pour le public…?
Alors, heureuse?
Sur un tournage où toute l’équipe devait se mouiller, pas étonnant que l’ambiance ait été mouvementée. «Il y a eu plein de rebondissements,» raconte Emilie Jouvet: «des actrices qui disparaissaient pendant un mois, d’autres qui étaient si émues de tourner que cela déclenchait leurs règles, des lieux de tournage d’où l’on se faisait jeter en dépit de l’autorisation de filmer, des discussions sur la sexualité lesbienne jusqu’au bout de la nuit, des scènes de baise qui n’en finissaient pas!» Finalement et après un an de tournage, c’est le succès. Salles combles, 1er prix du Porn film festival de Berlin, sortie en DVD: One Night Stand prouve bien que le marché du porno lesbien est juteux et que le public en redemande.