Un film qui sort aujourd’hui et un roman qui vient de paraître brisent
le tabou. Oui, on peut aimer à plus de 80 ans… Même si ces amoureux-là n’ont
pas d’intimité en maison de retraite et doivent affronter le regard des
familles.
LES REGARDS sont voilés
par la cataracte, la peau est creusée de sillons, les mains tremblent souvent,
la mémoire fait parfois faux bond… Et pourtant ils s’aiment, s’étreignent,
volent à la vieillesse des instants de félicité. C’est le cas de Kurt, le héros
octogénaire du film « Septième Ciel », qui sort aujourd’hui en France après
avoir bouleversé l’Allemagne en brisant le tabou de l’amour physique entre deux
« plus de 60 ans »… Ou des héros de « Noces de chêne », un roman réjouissant
qui vient de paraître chez Gallimard. La fiction a un peu d’avance sur la
réalité : la sexualité des personnes âgées dérange. Surtout quand les
tourtereaux s’aiment en maison de retraite, sans pouvoir se cacher… Pourtant,
dans la foulée d’une prise en considération plus « humaine » de la vieillesse,
de plus en plus de voix s’élèvent pour dire : « Ils ont bien le droit ! »
«Les aides-soignantes tombent sur des scènes embarrassantes »
Certes, les maisons de
retraite n’ont rien de « love hotels ». Les instants de plaisir volés sont
rares. Les chambres ne ferment pas à clé, les lits sont étroits, les femmes dix
fois plus nombreuses que les hommes… Et la libido souvent étouffée par l’âge,
la dépression et les médicaments. « Mais le désir, le besoin d’être touché
subsistent », explique Patrice Gaudy, ancien directeur d’établissement à La
Rochelle, le premier à avoir organisé l’an dernier un colloque sur ce thème. «
Tout le monde fait comme si de rien n’était. Mais les flirts entre vieillards
existent, et les aides-soignantes tombent souvent sur des scènes
embarrassantes, sans y être préparées. Et quand elles ne font pas barrage, ce
sont les proches, horrifiés. » Le premier réflexe est généralement de protéger
les résidants contre eux-mêmes. Le monsieur atteint d’Alzheimer est-il conscient
de ce qu’il fait ? Cette dame désorientée se laisse-t-elle abuser ?
En France, toutes les
enquêtes sur la sexualité s’arrêtent à l’âge de 69 ans. Comme si, après,
c’était fini ! « On est très en retard par rapport à l’Amérique du Nord, assure
Philippe Thomas, psychogériatre. Là-bas, des études récentes prouvent que la
vie sexuelle dure au-delà de 80 ans, surtout chez les hommes en bonne santé,
mais aussi de plus en plus chez les femmes. » A New York, on distribue depuis
peu des préservatifs dans les maisons de retraite, et au Canada on y aménage
des « chambres d’intimité », avec un lit double où les résidants peuvent
s’isoler. « Je ne sais pas si c’est la solution, sourit Geneviève Laroque,
présidente de la Fondation nationale de gérontologie. Mais je crois qu’il faut
faire évoluer les mentalités. Il y a dix ans, parler d’amour et de vie sexuelle
pour les plus de 80 ans, cela revenait à parler de vieux pervers libidineux et
de vieilles dames indignes. C’était dégoûtant. Aujourd’hui, on progresse. C’est
juste dérangeant. »
Florence Deguen.
Ecrit par post-Ô-porno, le Mardi 4 Novembre 2008, 23:44 dans la rubrique "Sexualité(s)".