Les prostituées demandent des droits pour lutter contre le VIH
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Catherine Hours
AFP
Toronto
Elles ont sorti chansons, sifflets et fouets en cuir, mais le défilé coloré ne masque pas leur colère: les prostituées sont venues demander mercredi à la conférence sur le sida la décriminalisation de leur activité, seul moyen selon elles de lutter contre le virus.
«Droits des travailleuses du sexe: il est temps de passer aux actes», ont-elles chanté poing levé dans les allées du centre de congrès de Toronto.
À côté d'un travesti indien en sari et d'une bengladaise en costume traditionnel, la plupart, souvent en jean, ont revêtu un t-shirt bleu frappé d'une silhouette sexy juste couverte du ruban rouge anti-sida en guise d'étole. «La prostitution est un travail, les prostituées sont des travailleuses», dit une Thaïlandaise, venue demander «sécurité et couverture médicale».
«Le monde a besoin des travailleuses du sexe pour lutter contre le VIH, et nous, nous avons besoin d'une reconnaissance sociale pour lutter contre le VIH», résume Anna-Louise Crago, membre de Stella, première association de prostituées constituée au Québec.
Du Népal au Canada, des États-Unis à la Russie, les prostituées dénoncent la violence d'État et le harcèlement policier, qui les obligent à se cacher et les coupent de toute structure de prévention et de soutien.
La question est brûlante, car les besoins de prévention sont criants. Selon l'Onusida, dans nombre de pays les infections sont pour une grande partie contractées lors de rapports tarifés. En Chine, on estime que prostitué(e)s et clients représentent 20% des personnes infectées, en Éthiopie 73% des professionnels du sexe seraient contaminés, 50% en Afrique du sud, 31% en Côte d'Ivoire.
Pour autant, la question de la décriminalisation semble peu évoluer au fil des années.
Au Canada, «la situation empire», dit Claire Thiboudot, directrice de Stella. «Le vent tourne à droite, les politiques sont plus axées sur le développement économique et la gentrification des centres des villes signifie plus de répression des populations marginalisées».
Selon Stella, la prison des femmes de Montréal est passée de 96 détenues en 1999 à 197 fin juillet, pour une grande part prostituées. Interdites de centre-ville, elles se cachent, deviennent itinérantes ou se replient dans les terrains vagues, devenant ainsi plus vulnérables aux agressions.
«Je crains que d'ici un ou deux ans le taux d'infection remonte», dit Mme Thiboudot, qui a abandonné le métier il y a dix ans.
Toutes regrettent aussi que les Américains n'attribuent des fonds qu'aux associations rejetant la prostitution.
«La société doit accepter les travailleuses du sexe», dit Awa Dambele, de Bamako, expliquant que le prix croissant des préservatifs contraint de plus en plus les prostituées maliennes à s'en passer. «On est conscientes du danger, mais c'est trop cher. Tu dois te nourrir, subvenir à tes besoins», dit cette femme de 28 ans.
D'autres sont en revanche porteuses d'espoir. Comme Gabriella Leite, 55 ans, première retraitée officielle de la prostitution au Brésil, le pays ayant reconnu cette activité en 2002. «Dès 1989, on a travaillé avec le programme de prévention sida, et le taux d'infection a été bloqué. Aujourd'hui, le problème vient des époux infidèles qui n'utilisent pas le préservatif».
Catherine Healy a oeuvré à la décriminalisation en Nouvelle-Zélande, en 2003. «Avant, la police saisissait les préservatifs comme preuve de notre travail. Mais cela ne faisait que nuire à la prévention du VIH!»
Mercredi, les manifestantes ont été rejointes par le co-président de la conférence, le chercheur canadien Mark Wainberg.
Les prostituées ont aussi reçu le soutien de Bill et Melinda Gates, qui ont dénoncé le rejet par les gouvernements des prostitués, pourtant «des alliés précieux dans la lutte contre l'épidémie». «Nous devrions aller vers eux, les faire participer à nos efforts, les aider à se protéger contre l'infection et les empêcher de transmettre le virus», a dit Mme Gates.