Manifeste des enfants pédés - premier jet
-> Un texte lu sur l'excellent blog: Chantier politiqueDés la naissance et jusqu’à la fin de la vie, l’ensemble des dispositifs sociaux et culturels tendent à nous produire comme sujets hétérosexuels. Ces dispositifs fonctionnent sur un mécanisme usé se décomposant à vitesse grand V et qui permettait jusqu’alors à l’hétérosexualité de s’imposer en règle naturelle et transcendante sans que rien ne justifie son existence en dehors des systèmes qui la re-produisent. Les évidences sont nos ennemis intimes. Insultant notre intelligence politique, nous nous étranglons dés qu'elles nous viennent aux lèvres. Dés lors, si l’hétérosexualité était aussi évidente, si la complémentarité des sexes était aussi profondément imprimée dans les circuits de l’espèce, pourquoi ces systèmes auraient-ils besoin d’une telle propagande, de telles incitations, de tels rappels à l’ordre ? Sans parler de la répression et de l’élimination physique de tout sujet s’écartant de la norme hétéro de façon plus ou moins tordue.
Les contextes qui autrefois pouvaient (éventuellement) justifier l’hétérosexualité obligatoire se perdent dans la nuit et ne sont plus effectifs aujourd’hui. De même, ce qui fait un homme et ce qui fait une femme, cette fiction qu’est la complémentarité des sexes au fondement de la culturelle hétérosexuelle, ce mythe est aujourd’hui mis à poil, dans sa plus totale virtualité. Ceux qui défendent encore ce système le font au nom de leur pure et simple haine : haine de tout ce qui excède leur monde, de tout ce qui déborde de leur slip, de tout ce sur quoi ils n’ont aucune prise.
Comme la plus part des enfants, j’ai tenté de m’hétérosexualiser par imitation. Notamment au travers d’observations quotidiennes très simples, très connes, comme celle que les hommes, dans la rue, se retournaient sur deux choses : les belles femmes et les belles voitures. N’ayant trouvé d’intérêt ni pour les premières, ni pour les secondes, j’éprouvais dans cette socialisation parfaitement ratée deux puissantes intuitions : d’une part que les hommes ne se retourneraient jamais sur moi dans la rue, et de l’autre, que le sexe avait plus à voir avec une panoplie d’attitudes et d’accessoires qu’avec une quelconque permanence programmée dans la vérité des corps. C’est dans cette inférence pédée, vécue dès la petite enfance, que réside notre intime conviction : la répression sexuelle et la bicatégorisation des sexes est une farce, un jeu, et puisqu’il s’agit d’un jeu, trouvons le moyen de nous en amuser plutôt que d’en crever d’ennui.
On a pathologisé jusqu’à la mort les petits garçons aimant à enfiler les robes de leur mère, alors qu’il s’agit d’une respiration politique à cultiver. Interdire aux pédés de se reproduire, au sens marsupial et socio-culturel du terme, a peu à voir avec la sauvegarde d’une complémentarité symbolique des sexes défendue par une poignée de réacs. Il s’agit plutôt d’une phobie, équitablement répartie à gauche comme à droite, dirigée vers la possibilité d’une anarchie. Interdire aux pédés d’élever des enfants en dehors du cadre hétéronormatif procède d’une stérilisation sociale globale dont le projet est d’entraver quel qu’en soit le prix la prolifération de politiques sexuelles explosives. Ce qu’on nous interdit, c’est d’élever nos enfants selon les principes de notre culture qui sont ceux du Magicien d’Oz, des plumes dans le cul, de Courtney Love, de Ab Fab, de la MD et du sexe fun avec partenaires multiples. La reconnaissance des couples homoparentaux est la première étape d’un programme de mise à sac global, au terme duquel tous les systèmes de domination devront être niqués. Ne jamais perdre de vue cet objectif, c’est s’interdire tout repos et toute fatigue face aux tartuffes clamant leur amour pour la Vie alors qu’ils n’ont aucune espèce de respect pour elle, et c’est promettre un véritable enfer aux découpeurs d’enfants prétendant œuvrer dans leurs intérêts mais que rien n’obsède autant que le contrôle et la mise en servitude des jeunes êtres humains. Un père et une mère sont les dernières choses au monde dont un enfant à besoin.
Hélas, comme pour chaque victoire, comme pour chaque reconquêtes sur nos vies et nos corps, comme pour la contraception, comme pour le droit à l’avortement, il nous faudra inlassablement se justifier de ne pas en abuser, on nous rappellera sans cesse que ce n’est pas un droit réellement légitime mais une faveur qu’on nous fait, sans parler des réactionnaires qui inlassablement essaierons de nous l’enlever, de nous renvoyer 10, 20 ans en arrière. Avis aux malfaisants : rien n’entreverra jamais notre appétit de biologies !