Peut-on définir la frontière biologique entre sexe masculin et féminin ?
Le texte qui suit provient du site du RIFE (Réseau des Intersexué-e-s Francophones d'Europe: lien vers le site du RIFE), basé en Suisse. Un bon site qui nous explique une réalité occultée, qui remet en cause la prétendue naturalité de la distinction binaire des sexes M/F. Qui remet en cause nos conceptions arbitraires.
La biologie, contrairement aux idées reçues, infirme l'hypothèse d'un monde fait d'hommes et de femmes. "On ne nait pas femme, on le devient" disait Beauvoir, en fait on ne le devient même pas, ni homme non plus. "homme" et "femme" sont bien des catégories sociales naturalisées, et comme la "race", le "sexe" est juste une explication erronée de la réalité pour justifier des distinctions sociales. Le genre produit le(s) sexe(s) et non le contraire: ce n'est pas la différence "naturelle" homme/femme qui produit une inégalité sociale, c'est l'inégalité sociale qui produit une difference "biologique" parmi les humains, et ce à travers un discours "pseudo scientifique".
Cette assignation de genre créer les inégalités que l'on connait entre "hommes" et "femmes", mais elle produit une oppression encore plus ignoble sur les personnes dites intersexuées, qui ne rentrent pas dans les catégories que la biologie classique a inventées (elle n'est pas la seule, d'autre sciences s'en chargent et les religions ont leur part de responsabilité dans cette explication simpliste).
La médecine construit des petit-e-s êtres humains conformes à l'idée que la médecine, l'État, se font de la distinction de sexe. Si on ne rentre pas dans le moule, on est forcé à rentrer dedans coût que coût dans ce moule (à coup de bistouri et d'hormones si nécessaire!) ; car les enjeux sont considérables, il en va de la réputation de la biologie, de la médecine, mais également de l'histoire, de la philosophie, de la sociologie... bref c'est la "science" dans son ensemble qui est secouée par elle-même. Mais plus encore, c'est les fondements de nos sociétés hétéropatriarcales qui sont ébranlés par cette redéfinition.
Alors, que sommes nous? À nous de le décider, enfin.
p-Ô-p
Peut-on définir la frontière biologique entre sexe masculin et féminin ?(
Comprendre l'intersexuation)
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Texte complet sur le site du RIFE)
Chacun d'entre nous a des aspects secondaires qui appartiennent aux deux sexes de manière plus ou moins prononcée, d'autres plus rarement ont aussi des organes génitaux du sexe dit opposé. Une femme totalement féminine serait une caricature. Elle ressemblerait à un bébé. Un homme totalement masculin aurait l'aspect d'un singe. Il aurait les arcades sourcilières très marquées et serait poilu sur tout le corps, une fourrure (ce cas existe): Syndrome de Sensibilité aux Androgènes Complète (SSAC). Vous remarquerez par vous même qu'il y a de nombreuses femmes d'aspect un peu masculin ainsi que des hommes que l'on détecte comme efféminés. Toutes les nuances existent comme les couleurs de l'arc en ciel. Les intersexués sont comme les autres personnes pas plus anormales qu'un homme très poilu. Leur intersexuation est simplement plus marquée que la majorité.
Ceci étant dans le cadre de nos connaissances actuelles, il existe en principe une différence génétique entre hommes et femmes mais seulement en tendances de fond. Les hommes ont généralement deux chromosomes différents. Un Y et un X (XY). Les femmes généralement ont deux chromosomes identiques X (XX). Il existe des exceptions chromosomiques à ces tendances comme par exemples des hommes XXY et des femmes XY. Très schématiquement, l'embryon reste totalement féminin jusqu'à la huitième semaine de son développement. Puis le foetus XX sera faiblement virilisé et restera une fille. Le foetus XY sous l'effet des hormones masculines majoritaires sera davantage virilisé. Les organes génitaux féminins du départ seront transformés en organes masculins. Toutefois la similitude entre les organes féminins et masculins demeureront. Par exemple le gland du pénis est exactement la transformation du clitoris visible à l'extérieur. En interne le clitoris a en moyenne une longueur de 8 cm. La verge est constituée par les grandes lèvres de la vulve initiale qui se sont soudées. Regardez votre pénis. Ce pénis conserve la trace de l'organe féminin. Vous remarquerez une sorte de soudure tout le long de sa partie antérieure. Elle est la trace du sexe féminin dont les lèvres se sont soudées. Cette soudure appelée raphé est plus moins prononcée. Si le raphé est un peu boursouflé, très visible c'est une indication d'un taux important d'hormones féminines dans l'organisme. Elle peut même n'être pas totalement refermée, se situer de la zone périnéal (féminisation partielle maintenue) jusqu'à la zone balanique du gland (masculinisation presque complète). En médecine le terme utilisé pour une soudure incomplète est hypospadias. Elles sont classées en hypospadias périnéal, scrotal, pénoscrotal, pénien proximal, pénien moyen, pénien distal, balanopréputial et afin balanique. Si l'emplacement du méat urinaire est placé très bas (hypospadias périnéal, scrotal et pénoscrotal), ces garçon-filles devront uriner assis. La société patriarcale ne pouvant supporter que des garçons urinent comme des filles interviendra par des chirurgies de "normalisation" à répétition, extrèmement douloureuses pour l'enfant. Ces chirurgies seront pratiquées pendant plusieurs années. Le traumatisme du patient durera toute sa vie accompagné de séquelles des fonctions urinaires. Des témoignages bouleversants ont été recueillis par la commission des droits humains de San Francisco auprès d'adultes victimes de ces pratiques inhumaines subies lors de l'enfance. Tous affirment qu'ils auraient préférés gardés leur état d'intersexuation naturel de naissance.
Par cet exemple limitatif concernant l'hypospadias on voit que la masculinisation du garçon est plus au moins achevée selon la sensibilité des récepteurs aux hormones masculines. Cette sensibilité est par ailleurs génétique. Elle varie d'un individu à l'autre, d'une ethnie à l'autre. Les cas d'intersexuation sont plus nombreux chez les asiatiques ou les personnes d'origine celtique qui se sont mélangées aux anciens peuples du néolithique (si vous avez un groupe sanguin 0-, vous avez une forte probalité d'être héritier de gènes des peuples du néolithique - c'est le cas de l'auteure de ce texte).
La virilisation sous l'effet des hormones continuera toute la vie. Pour les femmes une légère masculinisation apparaîtra à partir de la ménopause.
Dans le cas très rare (1/20'000) où il y a une insensibilité presque totale aux hormones masculines, malgré un sexe "masculin" génétique XY, sera obtenue une personne aux organes féminins complets parfaitement apte à être fécondée, en bonne santé et tout à fait normale.
En conclusion, en l'état actuel de nos connaissances, il n'est pas possible de constater de différences absolues entre personnes dites de sexes différents puisque même le caryotype XY ne suffit pas à définir, sans aucune exception, le sexe conventionnel obtenu. Et quand une règle a une exception ce n'est plus une règle d'un point de vue scientifique. Les différences ne sont que statistiques avec bien entendu une fréquence élevée de personne ayant les phénotypes féminins et masculins conventionnels selon leurs caryotypes féminin XX ou "masculin" XY. La sexe de l'être humain comme pour les autres mammifères est de base féminine et le masculin n'est qu'une excroissance du féminin vers toute une gamme de nuances.
En laboratoire, il est facile de démontrer que le mammifère a une base féminine. Si un embryon de souris au cariotype XY reçoit au cours de son développement des molécules inhibant les hormones masculines est obtenu une souris femelle parfaitement normale et fertile. On peut même obtenir des souris plus ou moins intersexuées selon les dosages d'inhibition des hormones masculines. Non Eve n'est pas née d'Adam. C'est l'inverse.
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Texte complet sur le site du RIFE)
Pour en savoir plus :
- David Bainbridge, généticien, The X in Sex, Harvard University Press, 2003.
- Steve Jones, généticien, Y, The Descent of Men, Little-Brown, Londres, 2002.
- Brian Sykes, généticien à l'université d'Oxford, La Malédiction d'Adam: un futur sans hommes, Albin Michel, 2004.
à 23:46