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*Pourquoi alerter les enfants contre les dangers du porno est inadapté

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Pourquoi alerter les enfants contre les dangers du porno est inadapté

Comment protéger les jeunes enfants contre les sites pornos sur internet ? À Toulouse, en février 2004 (BORDA/SIPA).

Comment protéger les jeunes enfants contre les sites pornos sur internet ? À Toulouse, le 12 février 2004 (BORDA/SIPA).


-> Un article lu sur : Le Plus du Nouvel Observateur


LE PLUS. Un sondage auprès de parents britanniques souligne que 83% d’entre eux souhaitent que la question des dangers du porno sur internet soit abordée à l’école – et, pour 42%, cette sensibilisation devrait avoir lieu dès l’âge de 5 ans ! Un tel discours de prévention auprès de jeunes enfants est-il utile et adapté ? Réponse avec Jean-Raphaël Bourge, spécialiste des questions de pornographie.


Vouloir inclure la question des dangers de la pornographie dans les cours d’éducation sexuelle se fonde sur un présupposé : que le porno est néfaste pour les enfants. Je ne nie pas qu’il soit problématique que de très jeunes enfants aient accès à des contenus pornographiques. Mais considérer toute expression écrite, picturale ou vidéo de sexe explicite comme un ensemble monolithique me paraît une manière fourvoyée d’aborder la question du porno et de son impact sur les jeunes.

Il existe en effet des pornos et différents usages qui en sont faits. Certaines formes de porno sont inacceptables, et d’ailleurs interdites. C’est le cas de la pédopornographie ou des films de scènes de viol. Mais cela ne reflète pas l’ensemble des images pornographiques, où l’on peut notamment trouver des films amateurs, réalisés par un quidam, ou des pornos féministes qui se veulent alternatifs.

Il ne s’agit donc pas de mettre en garde d’entrée les enfants contre les dangers de la profusion d’images pornographiques sur internet, et les traumatismes que celles-ci engendrent. D’autant qu’il n’a jamais été prouvé qu’un jeune qui visionne un film porno reproduira la situation vue à l’écran – cela arrive occasionnellement, mais ce n’est pas un phénomène massif. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de  mise à distance des informations reçues chez les jeunes adolescents ; au contraire, il faut les aider à approfondir cette aptitude à la distanciation.

 

Une affaire d’adultes

C'est pour cela qu'il est utile, à mon sens, d’aborder la question du porno avec les enfants (en adaptant son discours en fonction de leur âge), d’autant que les filtres parentaux sont facilement contournables par ces petits nés avec internet. Mais si un accompagnement me semble indispensable, ce n’est pas en condamnant le porno dans son ensemble qu’il sera efficient.

Si au discours prophylactique sur les risques de grossesse, les infections sexuellement transmissibles et les agressions sexuelles, on ajoute un passage sur les dangers du porno, on ne fait finalement qu’aborder les problèmes liés au sexe. Certes, il faut que les jeunes soient informés sur la contraception. Et il est vrai que l’activité sexuelle peut être pourvoyeuse de maladies. Mais lorsque les adolescents partent à la découverte de leur sexualité et découvrent qu’il y a aussi (et fort heureusement) des bonnes choses dans le sexe, ils risquent de percevoir le discours préventif comme quelque chose de mensonger. Comme si on avait voulu les priver des bonheurs de la sexualité.

Idem si on leur présente le porno comme quelque chose de toujours mauvais, violent et sexiste, alors que consommer du porno peut être quelque chose de récréatif et d’agréable. Sans oublier que le présenter comme un danger et vouloir ainsi le censurer a un effet pervers : l’interdit ne fait que renforcer son attrait.

Plutôt que de présenter le porno comme un tout condamnable, il s’agirait d’avoir un discours plus équilibré sur ces images de sexe explicite qui peuvent aussi apporter du plaisir. Les jeunes enfants sont à même de comprendre que le sexe et le porno ne sont pas mal en soi, mais qu’il s’agit d’une activité qu’ils ne sont pas en âge d’exercer. Comme l’alcool ou le fait de conduire une voiture, c’est une affaire d’adulte. Il existe dans beaucoup de foyers des placards à alcool non fermés à clef et accessibles aux enfants. Ce n’est pas pour autant que les jeunes se servent à boire ! On peut donc inculquer aux enfants un réflexe d’évitement face à ce type de contenus qui ne sont pas de leur âge.

On suivrait alors l’évolution du discours sur la masturbation : après des siècles de sermons culpabilisateurs (se masturber aurait rendu sourd, fou ou apathique), aujourd’hui, il est communément admis que cela fait partie du développement normal de l’enfant. Reste alors aux parents à expliquer à leurs enfants que l’activité sexuelle fait partie de la sphère intime.


Éducation à l’image

Se pose toutefois la question des stéréotypes véhiculés par les contenus pornographiques. On ne peut occulter que le porno est un outil puissant qui forme les imaginaires genrés et discriminatoires et formate les mentalités. Et ce d’autant plus que l’éducation sexuelle, en dehors de la prévention dans le cadre scolaire et parental, passe souvent par le porno, puisqu’il existe peu de supports alternatifs permettant de construire positivement sa sexualité.

C’est pour cela que je pense qu’une éducation à l’image serait préférable à un discours condamnant les dangers du porno. C’est seulement en apprenant à prendre du recul, à développer un œil critique sur ce qu’ils voient et lisent, que les enfants et les jeunes pourront s’en prémunir. D’autant que les codes du porno sont souvent repris par la télévision, les publicités, comme celles de Dolce & Gabbana.

C’est pour cela que donner au porno et au sexe un statut spécial est inadapté. Sur internet et dans les autres médias, les jeunes ont accès à des scènes de décapitation, d’anthropophagie (conflit syrien), de torture… Pourquoi dissocier le sexe d’autres formes de contenus plus ou moins choquants ?

La question va donc bien au-delà du porno : il est difficile d’extraire le sexe de la société, de mettre la sexualité en-dehors du monde alors qu’elle est liée à l’argent, à la violence, aux rapports humains, notamment de pouvoir. L’affaire DSK en a été la preuve : on a parlé de fellation au JT et de sexe explicite dans les médias. C’est face à ce flux d’informations et ce type d’affaires que les jeunes doivent être capables de prendre de la distance

Propos recueillis par Daphnée Leportois.

Ecrit par post-Ô-porno, le Lundi 20 Mai 2013, 19:00 dans la rubrique "Post-porn".
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