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*Des colonies aux banlieues : un continuum pornographique

--> Jean-Raphaël Bourge
Des colonies aux banlieues : un continuum pornographique



"Wesh cousin; Le gel", produit dérivé des productions Citébeur



Bourge Jean-Raphaël, "Des colonies aux banlieues : un continuum pornographique", Colloque International : Les hétérotopies sexuelles : formes et pratiques du désir d’ailleurs, 23-24-25 Octobre 2008, Université Libre de Bruxelles.

 


Avec l’avènement des empires coloniaux au XIXe siècle et particulièrement les extensions coloniales britannique et française, de nombreux types de discours viennent apporter leur contribution à la justification de ces conquêtes. Parmi ces discours, la pornographie a participé à fixer les canons coloniaux. Elle apparaît comme un soutien à la médecine, à la biologie, à l’ethnologie, pour démarquer le sexe noble et raffiné de la bourgeoisie blanche européenne, du sexe sauvage et primitif des colonisés. Elle atteste de manière grivoise l’assertion scientifique raciste qui permet notamment de justifier la restriction de mouvements et d’action des colonisés, et cela afin de mieux contrôler et utiliser les populations soumises à la domination coloniale.

 

On peut considérer que la pornographie performe[1] des identités, dans le sens développé par la philosophe américaine Judith Butler, c’est à dire que la pornographie est un discours qui ne se contente pas que de « dire » mais aussi de « faire ». Dans cette même idée on peut voir que ce type de discours produit aussi des lieux particuliers, des écrins pour des identités particulières. Ces dimensions identitaires et spatiales sont indissociables et se renforcent l’une l’autre. Ces lieux peuvent être considérés comme des hétérotopies[2] sexuelles, dont l’analyse correspond aux principes édicté par le philosophe Michel Foucault qui caractérisent ce qu’est une hétérotopie. En schématisant ces principes au nombre de six, il est possible de les résumer ainsi : une hétérotopie est un espace à la fois contenu et en dehors des espaces sociaux ordinaires, c’est un lieu de déviation qui répond a ses propres règles et évoluant selon les impératifs du moment, cet outil spatial répondant à une fonction précise au sein d’une société. Nous pourrons voir que les hétérotopies sexuelles produites par la pornographie coloniale n’ont pas disparu avec l’indépendances des anciens territoires coloniaux, mais ont continué à exister en prenant d’autres formes.

 

 

1. Les colonies à portée de main.

 

La mode de l’orientalisme du XIXe siècle apporte aussi son lot de productions pornographiques en plus des courants artistiques; on constitue alors une figuration des identités orientales imprégnées d’une sexualité lascive et exacerbée. Évidemment ces représentations sont totalement factices, empreintes du fantasme dominateur des Européens colonisateurs et très éloignées de la réalité des sociétés d’alors. On imagine alors des harems remplis de femmes perpétuellement inassouvies, hésitantes entre danse du ventre provocante et poses de soumission. Ainsi sur le modèle du tableau du peintre français Eugène Delacroix « Femmes d’Alger dans leur appartement »[3], imaginé par l’artiste après une prétendue visite dans le harem de l’ancien Raïs du Dey d’Alger en 1830 et présenté au public en 1834, de nombreuses représentations pornographiques de « harems » voient le jour dans les décennies qui vont suivre. Le photographe Rudolf Lehnert et l’homme d’affaire Ernst Landrock ont produit des clichés[4], édités notamment sous formes de cartes postales à très grand tirage, où ils mirent en scène des sujets érotiques orientalisant, avec une prédilection pour les « nus de harem » ; mais en guise de harems, soit on (re)constitue des décors en studio de photographie ou plus simplement on se sert de bordels pour colons comme décors. Ils produisirent aussi des photographies de jeunes garçons efféminés, la tête enturbannée, et des fleurs piquées dans la coiffure. Cette représentation des garçons arabes laisse supposer ainsi une absence de virilité chez les hommes d’Orient, la virilité participant pleinement à la construction de l’identité nationale. Démontrer l’absence de virilité chez les hommes colonisés montre ainsi la supériorité des blancs, virils donc supposés former des Nations fortes. En parcourant le Maghreb et le Proche-Orient de 1904 à 1914, pour accomplir leur « rêve d’Orient » Lehnert et Landrock ont réalisé de nombreuses photographies plus conventionnelles, mais tout aussi artificielles par leur mise en scène subjective. La pornographie orientaliste[5] et colonialiste est un véritable catalogue racial, une taxonomie anatomique où trouvent place des figures de genre racisées : la femme lascive orientale, la négresse sauvage et insatiable, l’arabe éphèbe efféminé ou homme violeur, le nègre animalisé au pénis hypertrophié… Toutes ces images ont pleinement participé à galvauder les sentiments nationalistes et racistes dans une Europe investie dans l’entreprise coloniale. La pornographie peut être considérée comme un reflet des représentations identitaires ayant cours, et en même temps un acteur de cette même construction. La pornographie participe à ce que Colette Guillaumin nomme la coupure, qu’entreprend alors l’idéologie raciste : « à partir du XIXe, il n’y a plus question, mais affirmation. Il y a coupure au sein de l’humanité, les groupes « sont » et n’ont plus de statut mouvant. »[6]. La coupure est une véritable division de l’humanité, ou les dominants façonnent et fixes les identités raciales. Sur le modèle des « zoos humains » qui parcourent l’Europe en exhibant les « sauvages » des colonies réduits à des corps étranges, dénudés et sexualisés à outrance, la pornographie représente les « autres », les races dites inférieures, dans leur intimité, et cette démonstration serait la signature de leur inadéquation avec le modèle étalon : le couple bourgeois européen. Cette véritable monstration[7] soutient l’altérité bizarre comme figure étrange et donc incompatible avec la norme.


Un autre exemple, La Vénus indienne[8], un roman pornographique du début du XXe, illustre bien la différentiation raciste par la pornographie. Il s’agit d’un roman clandestin signé sous la plume d’un improbable officier de l’armée coloniale anglaise parti servir aux Indes, et relatant ses souvenirs érotiques sous ces contrées « exotiques ». L’histoire est ponctuée de scènes de sexe explicites, où les colons britanniques se livrent à une sexualité débridée avec quelques femmes anglaises et des prostituées indiennes. Les seules femmes indiennes figurant parmi les personnages sexualisés sont des prostituées représentées comme lascives et obéissantes. Si les jeunes femmes anglaises ne se soucient que de leur honneur (leur virginité), en opposition, les jeunes Indiennes offrent leur vertu sans grand émoi. Les hommes anglais, en bons gentlemen, montrent leur puissance et leur maîtrise de soi dans leurs ébats, ils sont l’absolu contraire des hommes d’autres « races ». Dans le récit, la seule scène de sexe impliquant des hommes non-britanniques, est une scène de viol de deux jeunes filles, anglaises, et vierges de surcroît, par des bandits afghans. Les hommes afghans sont décrits comme féroces et sans foi ni morale, le viol est dépeint comme une coutume répandue, et la sodomie comme leur pratique sexuelle privilégiée. Leur infériorité raciale y est démontrée par leur sexualité sauvage, incompatible avec les femmes blanches civilisées. C’est ce qui d’ailleurs motive le héros à passer à l’action pour interrompre « [...] la brute sacrilège, qui souillait un temple édifié pour des êtres supérieurs à lui »[9]. Le héros de ce roman doit intervenir non seulement parce que les bandits s’en prennent à l’honneur des britanniques, mais également car les Afghans sortent de leur zone géographique et symbolique. La sexualité des colonisés ne saurait se dérouler dans un lieu réservé au colonisateur. On voit ici la nécessité de cantonner dans des lieux précis des populations considérées comme intrinsèquement dangereuses. La distinction raciale vient aider à construire des distinctions hiérarchiques au sein du genre, montrant, ici par le sexe, la supériorité absolue des hommes blancs sur toutes les femmes, mais également sur les hommes des races dites inférieures. La carte raciale du sexe ainsi construite, permet d’établir un ordre naturel de domination, où s’articulent les distinctions de genre et de race. Montrer l’autre à travers la race, le sexe et le genre, c’est lui assigner une identité « naturelle », et c’est aussi le reléguer hors des espaces libres définis par les conquérants, c’est une manière de justifier l’assignation territoriale.

 

Par la figuration de l’altérité, le colonisateur construit un contre-exemple qui conforte son hégémonie « naturelle ». Cette monstration passe par l’exhibition de l’autre dans sa différence par nature. La mise à nu et l’exhibition sexuelle servent ici à dire une vérité d’ordre « biologique » ; la différence raciale, à travers sa monstruosité, vient affirmer l’existence du modèle racial « abouti » faisant référence, soit le couple hétérosexuel européen blanc.

 

La pornographie coloniale, tout comme les zoos humains et autres expositions coloniales, s’adresse à un public continental européen. En créant une proximité relative avec les colonisés réduits à des corps monstrueux, on permet d’assurer le spectateur européen de sa supériorité, et de justifier la conquête coloniale civilisatrice. La monstration joue alors entre proximité et distance, elle met à portée de main le sujet colonisé, le rendant ainsi moins terrifiant, plus insignifiant, tout en marquant une distance rassurante, matérialisée par le médium photographique ou par la barrière ou le fossé du zoo, qui marque la frontière entre le colonisateur civilisé, sujet qui regarde et le colonisé sauvage, objet du regard. Par le déplacement des espaces qu’elle opère, la pornographie du conquérant vient assurer de la réalité de la domination civile et militaire. Et c’est bien de ce même contrôle qu’il s’agit si nous devons regarder l’héritière de la pornographie coloniale : la pornographie « ethnique ».

 

 

2. Lointaines « banlieues ».



« Enfants des colonies ou des anciennes colonies, immigrés ou enfants d’immigrés, on nous percevait hier comme des « sauvageons » inassimilables, aujourd’hui comme les nouvelles classes dangereuses. Nous serions, dans la théorie criminelle du « choc des civilisations », les agents de la barbarie moderne. On nous appelle « casseurs », « femmes soumises », « violeurs », « voileurs », « lapidateurs », « parents démissionnaires » ... »[10]


« Les Indigènes de la République ».




 Aujourd’hui, la pornographie coloniale ressurgit sous d’autres traits, se présentant sous le label « ethnique »[11]. Ici, il ne s’agit plus de lointaines colonies, mais de leurs héritières directes, les si proches « banlieues ». Le phénomène a débuté aux Etats-Unis durant les années 1980. On vit apparaître des films pornographiques mettant en scène les classes populaires défavorisées, composées essentiellement de populations africaines-americaines et hispano-américaines. Ainsi sont apparues des figures/clichés, comme les « black big bad mamas », « nasty sistas », « brown sugar babes », « hot latinas », et autres « black horse-men ». La sexualité présumée du « ghetto », dépeinte dans le porno black et latino américain, met en scène des figures féminines ultra sexualisées et dociles, face à des hommes voyous armés et violents, démontrant ainsi le fossé racial et de genre avec les WASP[12], catégorie dominante servant de référence.

 

 En France, ce type de pornographie met en scène ses propres références raciales, reflétant la réalité sociologique de la société française. La jeunesse « visible » des quartiers populaires des grandes villes françaises et de leur agglomération, celle dite « issue de l’immigration » (originaire des anciennes colonies françaises d’Afrique), est ainsi placée sur la sellette pornographique. « Le fantasme de l’Arabe est une réalité du monde homosexuel français, et c’est tout à fait notable dans un univers du gay porn à prédominance blanche »[13]. On trouve ainsi des identités porno « ethniques », comme les « beurettes » et les « beurs », les « filles arabes voilées », les « racailles de cité », les « blackos ». Ces représentations enferment dans une identité sexuelle caricaturale toute une partie de la société, et elles enferment ces mêmes personnes et leur sexualité dans la « cité », dans les caves des immeubles, dans le terrain vague.

 

 La vidéo porno gay « Matos de blackos », sous-production de la société Citébeur, est exemplaire quant au procédé d’assignation d’une identité sexuelle basée sur le genre et la race. Le film présente une succession de scènes dans des décors de « cité » dont les principaux protagonistes sont donc des « blackos », soit des jeunes hommes noirs, et où le spectateur va avoir confirmation de ses « idées reçues sur leur réputation ». Et cette réputation, clairement annoncée comme un « cliché » réel, repose principalement sur « la légende du sexe surdimensionné des noirs »[14]. Car c’est connu, et la vidéo entend bien le démontrer : les noirs en ont une grosse. Ils n’ont pas un pénis aux dimensions « normales », mais un « baobab géant », un « gros bâton », une « bite XXL ». L’homme noir est résumé par son sexe prétendument hypertrophié, réduit à un pénis inhumain, animal. Le porno hétéro ou gay choisi TOUJOURS des hardeurs noirs avec pour seul critère de sélection, la taille de leur sexe ; jamais un homme noir au pénis de taille plus modeste n’est choisi. De même, l’homme noir pornographique est « exotique », il « a le rythme dans la peau », il est chaud « comme le soleil d’Afrique », il est présenté comme possédé par sa libido exubérante. Il est une brute animale, il est hyperactif, son corps est totalement sexualisé, fétichisé, contrairement à l’homme blanc. Bref, il est l’héritier de ses aïeux des colonies. Dans le porno, on trouve une démonstration par le sexe de la différence raciale. L’homme noir est enfermé dans une identité raciale essentialisée : par « nature », il est différent de l’homme blanc. Tout comme les femmes, il est réduit à un corps/sexe. Disqualifiés de la sorte, les hommes noirs sont placés en bas de la hiérarchie de genre, ils ne sont pas des « hommes », mais avant tout des noirs, des « blackos ». Vu sous cet angle, le porno est, non seulement une construction hétérosexiste[15], mais plus encore ce qu’on pourrait qualifier d’ « hétéroracisme »[16]. Le néologisme hétéroracisme doit s’entendre comme un système politique de domination reposant sur une catégorisation genrée et raciale, et s’exprimant notamment par une assignation d’identités hiérarchisées selon des normes de genre, de sexe et de race. Ce système vise assurer une position favorable à une classe sociale, soit principalement les hétérosexuels blancs européens, et à justifier le maintien d’un ordre social discriminant basé sur un croisement de critères sexistes, racistes et homophobes. En dictant ce qu’est la « normalité », le système politique hétéroraciste inflige une vision naturalisante d’un ordre social qui se base sur l’exclusion. Il s’impose par la diffusion de normes sociales à travers différentes institutions, comme l’école ou la médecine, mais particulièrement à travers une institution essentielle à son accomplissement : la pornographie.

 

 Les figures raciales du porno ne répondent pas à des critères fixes, ces figures sont mouvantes, évoluant et s’adaptant au gré des changements et des évènement sociopolitiques. C’est ainsi qu’avec la focalisation sur le sort des jeunes filles de quartiers populaires, entre autres avec la mise en lumière des « affaires de voile islamique », ou la naissance de l’association « Ni putes, ni soumises », on vit apparaître des vidéos porno d’ « arabes voilées », des « putes et soumises », résurgence des photos colonialistes dites « de harem » ; aussi, on a pu voir entrer le thème des « tournantes »[17] dans le porno. C’est à travers ces tournantes que la pornographie a institué les caves d’immeubles et autres terrains vagues complètement tagués comme le lieu de prédilection de l’accomplissement de la sexualité des descendant des ex-colonisés.

 

 La figure pornographique du « garçon arabe », a quelque peu évolué des colonies aux postcolonies. Si les jeunes hommes « arabes » des colonies, en fait surtout des Nord-Africains berbères, étaient présentés sous des traits efféminés, par contre les jeunes hommes habitants les « banlieues », de familles venant des anciennes colonies françaises d’Afrique du Nord, et identifiés comme « beurs », « lascars », ou « racailles »[18], sont aujourd’hui présentés comme des violeurs en puissance, ayant une sexualité brutale, dont la norme serait le viol, et ayant comme pratique sexuelle de prédilection la sodomie active (y compris dans le porno hétéro). Qu’il soit le « jeune et frêle éphèbe » colonisé ou la « dangereuse racaille » post-colonisé, le garçon arabe se voit assigner une identité de genre hors normes, réduit à être un « rappeur délinquant » à la sexualité envahissante faisant de son habitat le théâtre d’une sexualité basée sur la violence et les rapports de force.

 

 Discriminés par une identité assignée, présentée sous un jour faussement favorable de « bête de sexe », les jeunes de quartiers populaires n’échappent pas pour autant à l’intégration des normes sociales sexistes et racistes. Cette construction passe notamment par la musique rap. L’appropriation des codes pornographiques par la culture rap contribue, par une autoreprésentation hyper sexiste, à renforcer les normes de genre et de race. Les références pornographiques sont largement utilisées dans le rap, les rappeurs affichent dans leurs clips des « bimbos » gémissantes et s’offrant à leurs pieds, affirmant ainsi, en « vrais mâles », leur domination sur les femmes. Le rappeur américain 50 Cent est le personnage central de la vidéo porno « 50 Cent - groupie love »[19], sans toutefois participer activement aux scènes de sexe. Laissant croire qu’il évolue ordinairement dans un monde de luxe et de sexe au sein du ghetto, 50 Cent démontre dans cette vidéo qu’il est un « boss », un vrai « homme », par l’asservissement de jeunes femmes, sexuellement subjuguées par lui. La domination sexuelle sert à affirmer sa virilité, faut-il le rappeler. Et la virilité est un enjeu de pouvoir qui va au-delà du rapport hommes/femmes, il détermine les rapports entre les hommes eux-mêmes. De même, en France, Doc Gynéco suit cette vague en faisant sa propre vidéo porno[20], contribuant à renforcer son positionnement marketing sur son image de prétendu expert en matière de sexe. La production de « porno rap », bien plus qu’une éventuelle tentative de produire ses propres modèles, est avant tout une florissante affaire de commerce s’épanouissant sur la domination de genre. Et qui plus est, ces produits commerciaux renforcent les barrières symboliques qui entourent les banlieues. Il y aurait une sexualité à part qui existerait dans ces « zones de non droits », des comportements qui justifieraient non seulement le relégation de ces habitants dans leur quartier, mais également un contrôle assidu des lieux et ds personnes jusque dans leur intimité.

 

 

 Tout comme le faisait la pornographie coloniale, la pornographie « ethnique » est un outil qui aide à déterminer et à justifier la mise au ban de certaines catégories sociales. Et si ces dernières années de nombreux acteurs du champs politique s’émeuvent du « communautarisme » qui se développerait dans les « minorités visibles », il ne faut pas oublier que la ghettoïsation n’est pas l’expression d’un choix de vie isolée mais bien le résultat d’un exclusion sociale.


Jean-Raphaël BOURGE

[1] Le concept de performance a été développé par la philosophe Judith Butler inspirée des travaux du linguiste J.L. Austin, il s’agit de l’ensemble des paroles, des gestes, des attitudes, qui contribuent à faire exister les identités de genre. Être « homme » ou « femme » sont des performances, des constructions qui s’accomplissent par tout un panel d’actes et de paroles réitérés.

[2] Michel Foucault a défini l’idée d’hétérotopie lors d’une conférence en 1967 dans le texte Des espaces autres. Dits et écrits II 1976-1988, Dits et écrits 1984 ; Des espaces autres (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49), Paris, Gallimard, 2001 pp.1571-1581.

[3] Ce tableau et actuellement exposé au Musée du Louvres à Paris. Il est également possible de voir une seconde version peinte en 1849 et renommée « Femmes d’Alger dans leur intérieure » au Musée Fabre à Montpellier.

[4] Voir le livre de Michel MÉGNIN, Tunis 1900, Lehnert et Landrock photographes, Tunis/Paris, Apollonia éditions/Amis de Paris-Méditerranée, 2005.

[5] Ici « orientalisme » doit se comprendre comme le concept développé par Edward SAÏD pour décrire le processus de construction de l’Autre. L’existence de l’autre sert à légitimer la conquête la colonisation, la domination et le racisme. L’orientalisme oppose deux mondes antagonistes : l’orient est conçu comme irrationnel, féminin, traditionnel, arriéré, tandis que l’occident se caractérise par la raison, la maîtrise du monde, le progrès, le masculin. Selon Edward Saïd, l’Occident a besoin de cette figure repoussoir que représente l’Orient, pour asseoir l’idée d’une supériorité naturelle des Occidentaux sur les Orientaux. Edward SAÏD, L’orientalisme ; L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005.

[6] Colette GUILLAUMIN, L’idéologie raciste, Paris, Gallimard, 2002, p. 40.

[7] Par « monstration », il faut comprendre le double sens conjugué de « montrer » et rendre « monstrueux ».

[8] Capitaine C. DEVEREUX, Vénus indienne, traduit de l’anglais par KAHN (Pierre-Victor), Paris, Terrain Vague, 1992. Ce roman anonyme signé sous le pseudo de C. Devereux, soi-disant officier anglais servant dans les colonies indiennes, a été rédigé à la toute fin du XIXe ou au début du XXe, la première attestation datée est son signalement par Apollinaire en 1913.

[9] Ibid. p.173.

[10] Extrait de l’appel du 8 mai 2005 des « Indigènes de la république ».

[11] La figure « ethnique », héritière de la figure exotique coloniale, renvoie à une idée « d’ailleurs lointains », de peuples aux mœurs étranges. Est considéré comme ethnique qui n’est pas blanc européen.

[12] Acronyme de « Whithe Anglo-Saxon Protestant ». Ce terme désigne par sa composition « socio-raciale », la classe dominante aux Etats-Unis.

[13] Roger Paul LERATON, Gay porn ; Le film porno gay : Histoire, représentations et construction d’une sexualité, Béziers, H&O, 2002, p. 73.

[14] Voir le livre de Serge BILE, La légende du sexe surdimensionné des noirs, Paris, Serpent à plume, 2005. Dans cet ouvrage, l’auteur retrace l’histoire de cette légende, mettant en lumière le caractère peu innocent de cette assertion raciste.

[15] L’hétérosexisme est un concept élaboré par Louis Georges TIN, c’est « un principe de vision et de division du monde social, qui articule la promotion exclusive de l’hétérosexualité à l’exclusion quasi promue de l’homosexualité. Il repose sur l’illusion téléologique selon laquelle l’homme est fait pour la femme et surtout, la femme pour l’homme […]. Dès lors, en attribuant à l’hétérosexualité le monopole de la sexualité légitime, cette sociodicée remarquable a pour effet, sinon pour but, de proposer par avance une justification idéologique des stigmatisations et discriminations que subissent les personnes homosexuelles » Il permet également de démontrer que le sexisme s’appuie sur l’homophobie pour s’exprimer. Par exemple, l’insulte « enculé » à l’adresse d’un homme en est une des expressions, laissant sous-entendre qu’un homme pénétré est en position inférieure comme tout être pénétré, comme les femmes ; donc « enculé », plus qu’une insulte homophobe ou sexiste, peut-être considérée comme une insulte hétérosexiste. Louis-Georges TIN, « l’hétérosexisme », in : Dictionnaire de l'homophobie, éd. PUF, Paris, 2003, pp. 207-211. (citation plus haut, p. 207).

[16]Je remercie Elsa DORLIN de m’avoir suggéré ce néologisme.

[17] Viols collectif. On fait « tourner » une fille, comme on fait tourner un joint entre amis, d’où l’expression « tournante ». Quelques « affaires » de tournante dans des « cités » ont fait l’objet d’une surmédiatisation en France au cours des années 1990-2000. Ce fût un prétexte pour certain-e-s pour assimiler les tournantes à un rite initiatique, obligé pour les « jeunes de banlieue », faisant des « jeunes de cité » des archétypes du machisme et du sexisme. Lire à ce propos : Nacira GUENIF-SOUILAMAS & Eric MACE, Les féministes et le garçon arabe, La Tour-d'Aigues, Éditions de l'Aube, 2006.

[18] Il est d’ailleurs intéresant de voir que le porno « ethnique », qui se veut une énonciation du réel, donnant preuve par le sexe « naturel », met en scène des acteurs qui ne correspondent pas aux « ethnies » annoncées. Ainsi, le hardeur François Sagat a débuté sa carrière dans les productions de « Citébeur » sous le pseudo « ethnique » d’Azzedine.

[19] « 50 Cent – Groupie love », Etats-Unis 2004.

[20] « In bed with Doc Gynéco », de François RÉGIS, France juin 2006.




Le texte de cette communication est une réécriture plus aboutie d'une précédente communication: « Un racisme si sexy ; Construction d’identités racisées dans la pornographie gay "ethnique" », Colloque Nos corps, Nos identités, UEEH, Marseille, 24 juillet 2008.

JRB.


Ecrit par post-Ô-porno, le Mardi 7 Décembre 2010, 23:51 dans la rubrique "Textes ".
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