--> Dossier bareback, quatre articles pour réflechir.
À propos de bareback... de quoi? De BAREBACK (monter à cru!)! En fait il s'agit de pratiques sexuelles à risques (de contamination à des IST et particulièrement au HIV) non-protégées qui s'exercent entre personnes consentantes. Le bareback ne concerne apparemment que des groupes gay.
Eh bien à propos de bareback que faut-il penser ? Que ce sont des pratiques libres et consenties, qui n'engagent que la responsabilité des "barebackers" (y a-t-il des "barebackeuses"?) ? Ou bien qu'il s'agit de pratiques irresponsables qu'il faut dissuader ? Et si oui par quels moyens?
Suivent quatre articles dont les avis diverges, évidemment, bien que les défenseurs de ces pratiques soient beaucoup moins audibles que les opposants...
post-Ô-porno
>voir aussi les gestes safes à adopter pour des pratiques sexuelles sans risques (cliquer
ICI).
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--->>> article publié sur le site
d'ActUp.
Producteurs et diffuseurs de vidéos bareback : entre logique commerciale et bonne conscience, il faut choisir
publié le 25 juillet 2005
Une brochure de prévention, Les génies du porno, cosignée par des associations de lutte contre le sida, dont Act Up-Paris, des producteurs et des diffuseurs de vidéos X gay, est aujourd’hui insérée dans les coffrets de porno homos. Dans le magazine Illico daté du 15 juillet dernier, Jacky Fougeray, du groupe Illico et de sa branche commerciale, Menstore, qui diffuse des vidéos X, commente ainsi la sortie de la brochure à laquelle son entreprise a participé : « Nous avons fait preuve de pragmatisme. Le marché du bareback existe. Nous avons choisi d’accompagner au mieux ce phénomène plutôt qu’une opposition franche qui n’aurait fait que déplacer le phénomène. » Nous avons contacté J. Fougeray par téléphone qui a confirmé ses propos et reconnaît être dans une position « contradictoire, comme l’ensemble des producteurs et des autres diffuseurs de vidéos bareback » en vendant des productions où les relations sexuelles ne sont pas protégées, tout en participant à l’élaboration de cette brochure.
Outre notre colère, ses propos appellent plusieurs remarques :
Menstore diffuse des vidéos bareback. On comprend donc que Jacky Fougeray, qui parle à la fois en tant que journaliste et représentant d’un groupe commercial, préfère « accompagner le phénomène » plutôt que de s’y opposer. Ce choix n’a rien à voir avec les impératifs de prévention : en diffusant des vidéos bareback, Menstore s’assure des parts d’un marché lucratif, et encore émergent, en proposant à la vente des productions qui mettent en scène des gens qui, potentiellement, se transmettent le virus du sida ou d’autres IST.
Jacky Fougeray s’inscrit dans le « pragmatisme » et rejette « l’opposition franche ». Ce type de position est confortable : elle permet de faire état d’une situation (« le marché du bareback existe ») sans s’interroger sur ses causes ni sur la part de responsabilité qu’un groupe comme Menstore, comme tous les diffuseurs de vidéos bareback, peut avoir. À ce titre, dire qu’une opposition franche « n’aurait fait que déplacer le phénomène » est inacceptable. Certes, le marché bareback vit beaucoup de petits diffuseurs confidentiels. Mais sa reprise, récente, par les grands diffuseurs comme Menstore ou IEM assure une caution au phénomène et contribue à l’élargissement du marché. Prétendre le contraire — affirmer que c’est la seule demande des consommateurs qui génère l’offre des grands distributeurs — serait contraire à la vérité. L’offre de vidéos bareback, proposée par de grands groupes, stimule aussi la demande de façon très « pragmatique ».
Act Up-Paris a signé cette brochure parce qu’elle est un moyen intéressant et efficace de proposer de l’information sur la prévention du VIH, et qu’elle est diffusée dans toutes les vidéos X et pas uniquement bareback. Une des conditions à notre signature était que des diffuseurs de productions bareback ne s’en servent pas comme caution pour se dédouaner de leurs responsabilités en la matière. C’est pourtant précisément ce que vient de faire Jacky Fougeray, au nom de Menstore.
Il arrive un moment où les contradictions des diffuseurs s’opposent aux impératifs de lutte contre le sida. Comment croire à l’efficacité d’une brochure appelant à la protection quand un certain nombre de ses co-rédacteurs profite du marché bareback ? « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je vous vends » : quelle portée aura un tel discours ? Il est plus que temps que les deux principaux diffuseurs de vidéos porno en France, Menstore et IEM, résolvent ces contradictions et prennent la mesure des enjeux. À eux seuls, compte tenu de leurs parts de marché, ils pourraient, s’ils refusaient de les vendre, stopper net toute production de films bareback. Ils s’y refusent et leur participation à l’édition d’une brochure de prévention passera pour autant de tartufferies, entre logique de profit et bonne conscience militante. Leur refus rendra également encore plus difficile une extension de la question de la prévention à l’ensemble de la production porno, notamment hétérosexuelle où l’usage du préservatif est loin d’être la règle.
Act Up.
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--->>> article paru sur le site
e-llico.com, ce site appartient a un groupe qui commercialise des articles X, dont des vidéos "bareback".
Faut-il interdire la vidéo bareback ?
Faut-il vendre ou pas des vidéos présentant des pratiques sexuelles non protégées ? C’est, en résumé, la teneur de la polémique lancée par Act Up contre les diffuseurs de films X, dont Menstore. Pour l’association, accompagner ces DVD d’une brochure de prévention n’est qu’une stratégie hypocrite. "Illico" (qui appartient au même groupe que Menstore) relaie ce débat important, en présentant notamment la réponse de Jacky Fougeray, dirigeant du Groupe Illico, aux arguments d’Act Up.
Par Jean-François Laforgerie
Diffusée par certains distributeurs et producteurs de vidéos X, la brochure de prévention "Les génies du porno" qui accompagne la vente de films bareback (présentant des rapports sexuels non protégés) est l’objet d’une polémique entre Act Up-Paris d’un côté, Menstore (la branche de vente par correspondance du Groupe Illico) et IEM de l’autre. L’association — pourtant co-signataire de la brochure au sein d’un Collectif regroupant professionnels du X, diffuseurs, les associations Aides et Sida Info Service (SIS) et le SNEG — somme les producteurs et les diffuseurs français de vidéos bareback de choisir entre "logique commerciale et bonne conscience". Elle affirme même qu’il y a "tartufferie" chez ces diffuseurs à utiliser cette brochure "pour se dédouaner de [leurs] responsabilités" en matière de diffusion de films bareback .
Selon Act Up, cette initiative de prévention avait pour préalable l’arrêt de la production et de la diffusion de films bareback, ce que les autres membres du Collectif contestent. "Dès le début, le projet a consisté à accompagner d’un document de prévention des vidéos X comportant une absence — en partie ou en totalité — des règles de prévention et pas davantage, explique ainsi Hervé Baudoin, de SIS. Si l’intervention d’Act Up incite à une plus grande réflexion, notamment sur les risques courus par les acteurs ou l’impact sur les spectateurs, ainsi qu’à un renforcement des règles de commercialisation, c’est une bonne chose".
"Il n’y a pas de stratégie chez Act Up, tranche Jean-François Chassagne, président du SNEG. Act Up a une vision extrêmement simpliste de la prévention. Je ne comprends pas qu’une association essaie de bloquer une initiative à laquelle elle a contribué, ni la logique de critiquer des partenaires qui se mobilisent sur la prévention. Je crois même que cela pourrait les dissuader de faire davantage en matière de prévention".
"Un accès plus facile qu’avant aux films X, une prévention qui stagne ou qui échoue créent un contexte où la diffusion de films bareback conduit à une normalisation de la sexualité sans protections, estime pour sa part Jérôme Martin, président d’Act Up-Paris. Cela cautionne et renforce l’idée que le préservatif est un ennemi de la liberté et qu’il est un handicap dans les relations sexuelles. Et puis, cela rompt aussi avec l’exemplarité de la communauté gay sur la question du VIH". Faut-il pour autant interdire le bareback ? "Nous ne sommes pas pour une prohibition ou une interdiction par la loi, cela ne résoudrait en rien le problème, poursuit-il. Notre stratégie vise à faire pression sur l’offre pour avoir un effet sur la demande. C’est, du reste, la même stratégie mise en œuvre avec les backrooms et qui a conduit à une prise en compte de la prévention dans les établissements de sexe".
Du côté des distributeurs, on se refuse à faire la leçon aux consommateurs de vidéos bareback, et ce d’autant qu’il n’est guère possible de juger de l’impact réel de ce type de films sur les pratiques des spectateurs. Pour autant, la ligne, notamment soutenue par Menstore, est celle de la responsabilité vis-à-vis des consommateurs par un encadrement strict des conditions de présentation et de vente de ce type de films. Pour Act Up, ce volontarisme ne suffit pas. "Nous devons faire pression pour qu’on ne tourne plus ce type de films, ni qu’on le diffuse. C’est une position morale. Chacun doit comprendre que ce type de commerce n’est pas possible".
"Faire croire que le bareback arrêterait d’être diffusé si Menstore et IEM refusaient de vendre ce type de films, c’est n’importe quoi, explique Jean-François Chassagne. Sur le net, chacun peut télécharger ce qu’il veut, y compris des scènes bareback. Je constate que personne, y compris Act Up, ne met en cause ce moyen de diffusion. Il est vrai que c’est autrement plus difficile, et notamment parce que la question dépasse largement le seul cadre français. Je pense pourtant qu’une des priorités pour limiter le développement des pratiques bareback serait la création d’une charte pour Internet".
E-llico.com
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--->>> article publié sur le site:
Warning, site engagé.
Let’s talk about sex
Soirée bareback à Lyon
vendredi 24 juin 2005 par Frédéric Matray
Le 28 mai devait se tenir à Lyon une soirée bareback [relations sexuelles régulières consenties non protégées]. Cette soirée, "NO LIMITS - NO TABOUS", était organisée dans les locaux de l’association MCRA (Moto Club Rhône-Alpes) loués pour l’occasion. La publicité autour de cette soirée était faite grâce au fichier de l’association. Cette sex party a provoqué beaucoup de bruit dans les associations sida aussi bien à Lyon qu’à Paris. Notamment auprès du SNEG, AIDES, ACT UP-Paris et ACT UP-Lyon qui sont membres de la charte de prévention. ACT UP-Lyon et Aides étaient prêts à rencontrer les organisateurs de la soirée avant d’aller plus loin. ACT UP-Paris souhaitant zapper purement et simplement sans autre forme de procès. Au final, la location des locaux a été annulée par le MCRA au prétexte d’une erreur d’envoi de mailing. Mais ne serait-ce pas plutôt sous la pression d’associations ou d’individus ayant reçu l’invitation et ne se reconnaissant pas dans une soirée bareback, que la soirée a été annulée par les organisateurs ? "Victoire !" vont crier certains. Cependant cette “victoire” risque d’être de courte durée. En effet, Il serait illusoire de croire que ça va s’arrêter là et qu’il n’y aura pas d’autres soirées de ce genre, officielles ou pas où que ce soit en France. D’ailleurs, on sait qu’il existe des parties à Paris et ailleurs, dans des appartements privés alors que celle-ci était organisée, se déroulait, elle, et c’est une première, dans un lieu associatif.
Au final, le bilan paraît plutôt mitigé. Cette soirée n’aura effectivement pas lieu. Mais cette première tentative laisse penser que la question va se reposer, et il nous faudra bien y réfléchir. Mais pour ces futures sex parties, les conditions ne seront pas du tout les mêmes car beaucoup plus underground donc beaucoup plus difficiles à atteindre avec une prévention adaptée à ces pratiques. De plus, tout ce qui est interdit excite encore plus. Cette pression de la part des associations ne fera qu’augmenter l’envie de transgression du tabou bareback et développer ce genre de soirées. Elle risque également d’alimenter un peu plus le fantasme autour de ces soirées et de ces pratiques. Enfin, l’option interdiction élargit en plus les abysses entre mauvais barebackers et gentils pédés, entre les séropos et les séronegs, entre les milieux hard et le reste. Alors que tout ceci est bien plus complexe que ce que d’aucuns voudraient nous le faire croire.
Il est enfin temps pour les associations de traiter ce problème en arrêtant de l’utiliser comme prétexte pour asseoir leur pouvoir ou pour dissimuler ce qu’elles n’arrivent pas à faire sur d’autres terrains. La technique du bouc émissaire, si chère à certains, pour expliquer l’éventuelle reprise galopante de l’épidémie doit cesser. Car on voit bien se profiler avec ce type d’associations d’idées simplistes, la responsabilité des barebackers dans une éventuelle reprise et par là même le spectre de la criminalisation pure et simple des barebackers. C’est aussi la communauté de séropositifs qui sera visée même si beaucoup se défendent de pratiquer le bareback. Il faut également cesser de croire que les prises de risques, relapse et bareback sont des phénomènes récents, il y en a toujours eu, peut être dans des proportions inférieures et certainement moins avouées lors des années noires, mais elles étaient réelles. Depuis la fin des années 80, il y a toujours eu un volant de personnes soit en relapse, soit baisant sans capote systématiquement. Seuls les discours de part et d’autres ont changé et se sont théorisés. L’intégrisme en a appelé un autre. Enfin, ce n’est pas un phénomène qui va disparaître, juste parce que des gens dans le sidaland l’ont décidé, sinon ce serait réglé depuis longtemps. Il faut donc essayer de dépasser les positions actuelles sur le bareback.
Donc, la question est non seulement posée pour les soirées comme celle qui devait se tenir à Lyon mais d’une façon plus générale pour le bareback. Comment arriver à mettre en place une prévention non stigmatisante ensemble et quel type de prévention ? Il ne faut pas oublier que les barebackers, spécialement dans le cadre de ce type de soirée, sont correctement informés et le choix est fait en connaissance de cause. Des études publiées le signalent.
Je ne crois pas que les barebackers sont tous des gens irresponsables, idiots ou quoi que ce soit d’autre. Ni même forcément fragiles psychologiquement comme certains les considèrent. C’est là encore une façon de ne pas s’occuper du problème. C’est aussi pour cela que la meilleure stratégie à adopter est la discussion et non pas l’affrontement systématique, ou la défausse. S’agit il d’une façon pour certains de mettre un écran de fumée devant leurs envie ? Ou peut-être a-t-on affaire à une stratégie réactionnaire de santé publique qui finalement restreint la liberté individuelle et qui n’obtient pas de résultat ?
Il faut aussi se poser la question du rôle des organisateurs de ce type de soirée. En effet, en offrant une telle possibilité, ils portent une responsabilité morale particulière. Notamment au travers de l’information et de la prévention ainsi que le matériel à disposition qu’ils doivent apporter. Mais ceci implique forcément, encore une fois, un travail conjoint entre les associations et les organisateurs.
Je crois qu’il faut maintenant avoir une approche plus réaliste et plus nuancée sur les différentes pratiques barebacks qui ne posent pas toutes les mêmes problèmes, et ce en essayant de dépasser la guerre de tranchée qui ne mène nulle part. Continuer à creuser le fossé entre prétendus bons et mauvais séropos, bons et mauvais séronegs, bons et mauvais pédés ne va en aucun cas permettre plus de solidarité entre nous ni même améliorer la prévention. L’anathème a toujours été et reste le meilleur ami des épidémies, dans toute cette histoire, cela semble avoir été oublié par ceux même qui sont censé les combattre. Les multiples signes du mal-être des séropositifs sont une autre illustration qu’il y a quelque chose qui ne passe pas malgré les grandes déclarations de principe sur le support à apporter aux séropos. Stigmatiser, juger et condamner les séropositifs, ceux qui, au contraire, devraient être les premiers acteurs valorisés de la prévention c’est quand même la plus grande hypocrisie de toute cette histoire. C’est pour cela qu’il faut dès maintenant engager une réflexion entre tous les partenaires afin de trouver de nouvelles voies pour une prévention basée sur de l’information, qui ne stigmatise pas et qui ne joue pas sur les peurs.
Cette soirée était l’occasion de travailler et d’avancer sur la question. Malheureusement ce ne sera pas le cas alors que de plus en plus de personnes déclarent des pratiques non protégées. Il y a pourtant déjà des pistes, quelques personnes engagées dans une voie du dialogue, notamment chez Sida Info Service. Cette tentative d’organiser une soirée bareback dans des locaux associatifs, la présence importante du bareback sur l’internet montrent clairement que ces phénomène ne sont pas prêts de disparaître. La prévention doit en tenir compte. Maintenant, espérons que le dialogue va s’ouvrir sur cette question.
Warning.
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--->>> article publié sur le site
d'ActUp
Bareback : Fier-e-s d’en mettre
publié le 15 juin 2004 dans Action 94
Depuis 2000, les différentes études sur les pratiques sexuelles des gays montrent clairement une recrudescence des pratiques à risque chez les pédés.
Le Baromètre gay 2002 indique que 35 % (44 % chez les moins de 25 ans) des personnes interrogées ont pratiqué au moins une fois une pénétration anale non protégée dans les 12 derniers mois avec des partenaires occasionnels alors qu’ils n’étaient que 25 % en 2000 et 17 % en 1997. Parmi ceux là, 29 % se considéraient comme négatifs, 38 % ne s’étaient jamais fait dépister et 51 % étaient déjà séropositifs. De plus, près d’un pédé sur 10 a présenté une IST (Infection sexuellement transmissible) aux cours des 12 derniers mois. L’enquête relève aussi l’abandon généralisé de la capote chez les couples et même une augmentation importante des prises de risqus dans les couples sérodiscordants. Toutes ces informations traduisent la difficulté que nous avons à maintenir la prévention : ras le bol de la capote, complexe du survivant pour certains, baisse de la vigilance liée à une perception du risque moindre avec l’arrivée des trithérapies, etc.
On a l’impression que tout le monde fait comme si le problème n’existait pas. Depuis 1996, le sida ne semble plus être un « sujet porteur » pour les médias. Tandis que les campagnes de prévention se raréfiaient, les journalistes ont choisi de mettre en avant la baisse du nombre des décès plutôt que l’augmentation continue des nouvelles contaminations. Les médecins quant à eux préfèrent laisser croire à leurs patientEs que le sida est devenu une maladie chronique pour s’assurer de leur adhérence aux traitements (moyen déguisé par ailleurs de reprendre le pouvoir sur les malades). De quoi s’inquiéter sérieusement pour les jeunes qui débarquent dans le milieu et qui n’ont pas connu les visites hebdomadaires au Père Lachaise. Plus aucun pédé ne parle de sida alors que la proportion de personnes séropositives qui fréquentent le milieu gay parisien est énorme. Ce contexte de déni généralisé montre que tout le monde aimerait bien passer à autre chose. Pourtant le nombre de nouvelles contaminations n’a jamais cessé d’augmenter depuis le début de l’épidémie et nous contraint sans cesse à rappeler l’importance de la prévention.
Il suffit de fréquenter un tant soit peu les bordels ou draguer sur le net pour se rendre compte que le noKpote s’est généralisé dans le milieu pédé. Le côté retors du vocabulaire qui désigne ces pratiques est particulièrement énervant : mecs « notabous » alors qu’ils ont manifestement celui du latex, ceux qui proposent du « free sex » qui ne traduit en fait que l’impossibilité de prendre en main sa sexualité, etc. Régulièrement, on se fait jeter par un mec lorsque l’on sort la capote. Quand certains tolèrent le noKpote en affirmant qu’il s’agit là de liberté individuelle, nous qui savons ce que signifie être séropo, ne pouvons laisser des mecs se contaminer à côté de nous sans rien dire. Tout montre que face à un contexte épidémique ce sont les comportements collectifs qui changent la donne. C’est d’ailleurs de cette manière que les gays avaient réussi à infléchir la courbe de l’épidémie dans les années 80-90. Nous ne parlons donc pas ici de morale mais de pragmatisme.
Parce qu’elle se transmet aussi par les pipes, l’exemple de la recrudescence de la syphilis qui est directement liée au relapse montre combien le noKpote engage toute la communauté. La baise noKpote favorise la circulation de virus résistants (10 % des nouveaux séropos sont contaminés par un virus résistant aux antirétroviraux). Les dernières données de la déclaration obligatoire de séropositivité montrent une diffusion inquiétante de sous-types rares du VIH dans la population. Ici l’affaire concerne aussi les séropos, depuis plus de 4 ans les surcontaminations et leurs conséquences sur l’évolution de la maladie ont été prouvées. Alors que chaque année des études documentent un peu plus ces surcontaminations, comment peut-on faire comme si on n’avait rien vu, rien entendu ?
On mesure souvent peu ce qu’implique en vérité le noKpote. Ceux qui pensent que le choix de baiser sans capote entre personnes consentantes relève de la liberté individuelle oublient la dimension collective qu’impose toute épidémie. Outre le fait qu’il est illusoire de penser se protéger en ne baisant qu’avec des séronegs et les conséquences graves sur la santé pour les séropos d’abandonner la capote, ces comportements nous fragilisent tous face à la prévention. Surtout, nous refusons un monde où les séropos ne baiseraient qu’avec des séropos et les séronegs entre eux. Parce que nous utilisons systématiquement la capote, nous sommes libres de choisir nos amants.
Act Up.