*Des colonies aux banlieues : un continuum pornographique
--> Jean-Raphaël Bourge
Des colonies aux banlieues : un continuum pornographique
"Wesh cousin; Le gel",
produit dérivé des productions Citébeur
Bourge
Jean-Raphaël,
"Des colonies aux banlieues : un continuum pornographique",
Colloque International : Les hétérotopies
sexuelles : formes et pratiques du désir d’ailleurs, 23-24-25
Octobre 2008,
Université Libre de Bruxelles.
Avec l’avènement des empires
coloniaux au XIXe siècle et particulièrement les extensions coloniales
britannique et française, de nombreux types de discours viennent
apporter leur
contribution à la justification de ces conquêtes. Parmi ces discours, la
pornographie a participé à fixer les canons coloniaux. Elle apparaît
comme un
soutien à la médecine, à la biologie, à l’ethnologie, pour démarquer le
sexe
noble et raffiné de la bourgeoisie blanche européenne, du sexe sauvage
et
primitif des colonisés. Elle atteste de manière grivoise l’assertion
scientifique raciste qui permet notamment de justifier la restriction de
mouvements et d’action des colonisés, et cela afin de mieux contrôler et
utiliser les populations soumises à la domination coloniale.
On peut considérer que la
pornographie performe[1]
des identités, dans le sens développé par la
philosophe américaine Judith Butler, c’est à dire que la pornographie
est un
discours qui ne se contente pas que de « dire » mais aussi de
« faire ». Dans cette même idée on peut voir que ce type de discours
produit aussi des lieux particuliers, des écrins pour des identités
particulières. Ces dimensions identitaires et spatiales sont
indissociables et
se renforcent l’une l’autre. Ces lieux peuvent être considérés comme des
hétérotopies[2]
sexuelles, dont l’analyse correspond aux
principes édicté par le philosophe Michel Foucault qui caractérisent ce
qu’est
une hétérotopie. En schématisant ces principes au nombre de six, il est
possible de les résumer ainsi : une hétérotopie est un espace à la fois
contenu et en dehors des espaces sociaux ordinaires, c’est un lieu de
déviation
qui répond a ses propres règles et évoluant selon les impératifs du
moment, cet
outil spatial répondant à une fonction précise au sein d’une société.
Nous
pourrons voir que les hétérotopies sexuelles produites par la
pornographie
coloniale n’ont pas disparu avec l’indépendances des anciens territoires
coloniaux, mais ont continué à exister en prenant d’autres formes.
1.Les
colonies à portée de main.
La mode de l’orientalisme du XIXe
siècle apporte aussi son lot de productions pornographiques en plus des
courants artistiques; on constitue alors une figuration des identités
orientales
imprégnées d’une sexualité lascive et exacerbée. Évidemment ces
représentations
sont totalement factices, empreintes du fantasme dominateur des
Européens
colonisateurs et très éloignées de la réalité des sociétés d’alors. On
imagine
alors des harems remplis de femmes perpétuellement inassouvies,
hésitantes
entre danse du ventre provocante et poses de soumission. Ainsi sur le
modèle du
tableau du peintre français Eugène Delacroix « Femmes d’Alger dans leur
appartement »[3],
imaginé par l’artiste après une prétendue
visite dans le harem de l’ancien Raïs du Dey d’Alger en 1830 et présenté
au
public en 1834, de nombreuses représentations pornographiques de
« harems » voient le jour dans les décennies qui vont suivre. Le
photographeRudolf Lehnert
et l’homme d’affaire Ernst
Landrock ont produit des clichés[4],
édités notamment sous formes de cartes
postales à très grand tirage, où ils mirent en scène des sujets
érotiques
orientalisant, avec une prédilection pour les « nus de harem » ;
mais en guise de harems, soit on (re)constitue des décors en studio de
photographie
ou plus simplement on se sert de bordels pour colons comme décors. Ils
produisirent aussi des photographies de jeunes garçons efféminés, la
tête enturbannée,
et des fleurs piquées dans la coiffure. Cette représentation des garçons
arabes
laisse supposer ainsi une absence de virilité chez les hommes d’Orient,
la
virilité participant pleinement à la construction de l’identité
nationale.
Démontrer l’absence de virilité chez les hommes colonisés montre ainsi
la
supériorité des blancs, virils donc supposés former des Nations fortes.
En
parcourant le Maghreb et le Proche-Orient de 1904 à 1914, pour accomplir
leur « rêve
d’Orient » Lehnert et Landrock ont réalisé de nombreuses photographies
plus conventionnelles, mais tout aussi artificielles par leur mise en
scène
subjective. La pornographie orientaliste[5]
et colonialiste est un véritable catalogue
racial, une taxonomie anatomique où trouvent place des figures de genre
racisées : la femme lascive orientale, la négresse sauvage et
insatiable,
l’arabe éphèbe efféminé ou homme violeur, le nègre animalisé au pénis
hypertrophié… Toutes ces images ont pleinement participé à galvauder les
sentiments nationalistes et racistes dans une Europe investie dans
l’entreprise
coloniale. La pornographie peut être considérée comme un reflet des
représentations identitaires ayant cours, et en même temps un acteur de
cette même
construction. La pornographie participe à ce que Colette Guillaumin
nomme la coupure, qu’entreprend alors l’idéologie raciste :
« à partir du XIXe, il n’y a plus question,
mais affirmation. Il y a coupure au sein de l’humanité, les groupes
« sont »
et n’ont plus de statut mouvant. »[6].
La coupure est une véritable division de
l’humanité, ou les dominants façonnent et fixes les identités raciales.
Sur le
modèle des « zoos humains » qui parcourent l’Europe en exhibant les
« sauvages »
des colonies réduits à des corps étranges, dénudés et sexualisés à
outrance, la
pornographie représente les « autres », les races dites inférieures,
dans leur intimité, et cette démonstration serait la signature de leur
inadéquation avec le modèle étalon : le couple bourgeois européen. Cette
véritable monstration[7]
soutient l’altérité bizarre comme figure
étrange et donc incompatible avec la norme.
Un autre exemple, LaVénus
indienne[8],
un roman pornographique du début du XXe,
illustre bien la différentiation raciste par la pornographie.Il
s’agit d’un roman clandestin signé
sous la plume d’un improbable officier de l’armée coloniale anglaise
parti
servir aux Indes, et relatant ses souvenirs érotiques sous ces contrées
« exotiques ».
L’histoire est ponctuée de scènes de sexe explicites, où les colons
britanniques
se livrent à une sexualité débridée avec quelques femmes anglaises et
des
prostituées indiennes. Les seules femmes indiennes figurant parmi les
personnages sexualisés sont des prostituées représentées comme lascives
et
obéissantes. Si les jeunes femmes anglaises ne se soucient que de leur
honneur
(leur virginité), en opposition, les jeunes Indiennes offrent leur vertu
sans
grand émoi. Les hommes anglais, en bons gentlemen, montrent leur
puissance et
leur maîtrise de soi dans leurs ébats, ils sont l’absolu contraire des
hommes
d’autres « races ». Dans le récit, la seule scène de sexe impliquant
des hommes non-britanniques, est une scène de viol de deuxjeunes
filles, anglaises, et vierges de
surcroît, par des bandits afghans. Les hommes afghans sont décrits comme
féroces et sans foi ni morale, le viol est dépeint comme une coutume
répandue,
et la sodomie comme leur pratique sexuelle privilégiée. Leur infériorité
raciale y est démontrée par leur sexualité sauvage, incompatible avec
les
femmes blanches civilisées. C’est ce qui d’ailleurs motive le héros à
passer à
l’action pour interrompre « [...]la brute
sacrilège, qui souillait un temple édifié pour des êtres supérieurs à
lui »[9].
Le héros de ce roman doit intervenir non
seulement parce que les bandits s’en prennent à l’honneur des
britanniques,
mais également car les Afghans sortent de leur zone géographique et
symbolique.
La sexualité des colonisés ne saurait se dérouler dans un lieu réservé
au
colonisateur. On voit ici la nécessité de cantonner dans des lieux
précis des
populations considérées comme intrinsèquement dangereuses. La
distinction
raciale vient aider à construire des distinctions hiérarchiques au sein
du
genre, montrant, ici par le sexe, la supériorité absolue des hommes
blancs sur
toutes les femmes, mais également sur les hommes des races dites
inférieures.
La carte raciale du sexe ainsi construite, permet d’établir un ordre
naturel de
domination, où s’articulent les distinctions de genre et de race.
Montrer l’autre à travers la race, le sexe et le
genre, c’est lui assigner une identité « naturelle », et c’est aussi
le reléguer hors des espaces libres définis par les conquérants, c’est
une
manière de justifier l’assignation territoriale.
Par la figuration de l’altérité, le
colonisateur construit un contre-exemple qui conforte son hégémonie
« naturelle ». Cette monstration
passe par l’exhibition de l’autre dans sa différence par nature. La mise
à nu
et l’exhibition sexuelle servent ici à dire une vérité d’ordre
« biologique » ; la différence raciale, à travers sa
monstruosité, vient affirmer l’existence du modèle racial « abouti »
faisant référence, soit le couple hétérosexuel européen blanc.
La pornographie coloniale, tout
comme les zoos humains et autres expositions coloniales, s’adresse à un
public
continental européen. En créant une proximité relative avec les
colonisés
réduits à des corps monstrueux, on permet d’assurer le spectateur
européen de
sa supériorité, et de justifier la conquête coloniale civilisatrice. La
monstration joue alors entre proximité et distance, elle met à portée de
main
le sujet colonisé, le rendant ainsi moins terrifiant, plus insignifiant,
tout
en marquant une distance rassurante, matérialisée par le médium
photographique
ou par la barrière ou le fossé du zoo, qui marque la frontière entre le
colonisateur civilisé, sujet qui regarde et le colonisé sauvage, objet
du
regard. Par le déplacement des espaces qu’elle opère, la pornographie du
conquérant vient assurer de la réalité de la domination civile et
militaire. Et
c’est bien de ce même contrôle qu’il s’agit si nous devons regarder
l’héritière
de la pornographie coloniale : la pornographie « ethnique ».
2.Lointaines
« banlieues ».
« Enfants des
colonies ou des anciennes colonies, immigrés ou enfants
d’immigrés, on nous percevait hier comme des « sauvageons »
inassimilables, aujourd’hui comme les nouvelles classes dangereuses.
Nous serions,
dans la théorie criminelle du « choc des civilisations », les agents
de la barbarie moderne. On nous appelle « casseurs », « femmes
soumises », « violeurs », « voileurs »,
« lapidateurs », « parents démissionnaires » ... »[10]
« Les Indigènes de la
République ».
Aujourd’hui,
la pornographie coloniale
ressurgit sous d’autres traits, se présentant sous le label
« ethnique »[11].
Ici, il ne s’agit plus de lointaines colonies, mais de leurs héritières
directes, les si proches « banlieues ». Le phénomène a débuté aux
Etats-Unis durant les années 1980. On vit apparaître des films
pornographiques
mettant en scène les classes populaires défavorisées, composées
essentiellement
de populations africaines-americaines et hispano-américaines. Ainsi sont
apparues des figures/clichés, commeles « black big bad
mamas », « nasty sistas »,
« brown sugar babes »,
« hot latinas », et autres
« black horse-men ». La
sexualité présumée du « ghetto », dépeinte dans le porno black et
latino américain, met en scène des figures féminines ultra sexualisées
et
dociles, face à des hommes voyous armés et violents, démontrant ainsi le
fossé
racial et de genre avec les WASP[12],
catégorie dominante servant de référence.
En
France, ce type de pornographie met en scène
ses propres références raciales, reflétant la réalité sociologique de la
société française. La jeunesse « visible »des quartiers
populaires des grandes villes françaises et de
leur agglomération, celle dite « issue de l’immigration » (originaire
des anciennes colonies françaises d’Afrique), est ainsi placée sur la
sellette
pornographique. « Le fantasme de
l’Arabe est une réalité du monde homosexuel français, et c’est tout à
fait
notable dans un univers du gay porn à prédominance blanche »[13].
On trouve ainsi des identités porno « ethniques », comme les
« beurettes » et les « beurs », les « filles arabes
voilées », les « racailles de cité », les « blackos ».
Ces représentations enferment dans une identité sexuelle caricaturale
toute une
partie de la société, et elles enferment ces mêmes personnes et leur
sexualité
dans la « cité », dans les caves des immeubles, dans le terrain vague.
La
vidéo porno gay « Matos de blackos »,
sous-production de la société Citébeur,est exemplaire
quant au procédé d’assignation d’une identité sexuelle
basée sur le genre et la race. Le film présente une succession de scènes
dans
des décors de « cité » dont les principaux protagonistes sont donc
des « blackos », soit des
jeunes hommes noirs, et où le spectateur va avoir confirmation de ses « idées
reçues sur leur réputation ».
Et cette réputation, clairement annoncée comme un « cliché »
réel, repose principalement sur « la légende du sexe surdimensionné
des noirs »[14].Car
c’est connu, et la vidéo entend
bien le démontrer : les noirs en ont une grosse. Ils n’ont pas un pénis
aux dimensions « normales », mais un « baobab géant », un « gros
bâton », une « bite XXL ».
L’homme noir est résumé par son sexe prétendument hypertrophié, réduit à
un
pénis inhumain, animal. Le porno hétéro ou gay choisi TOUJOURS des
hardeurs
noirs avec pourseul critère de
sélection, la taille de leur sexe ; jamais un homme noir au pénis de
taille plus modeste n’est choisi. De même, l’homme noir pornographique
est
« exotique », il « a lerythme dans la peau », il est
chaud « comme le soleil
d’Afrique », il est présenté comme possédé par sa libido exubérante.
Il est une brute animale, il est hyperactif, son corps est totalement
sexualisé, fétichisé, contrairement à l’homme blanc. Bref, il est
l’héritier de
ses aïeux des colonies. Dans le porno, on trouve une démonstration par
le sexe
de la différence raciale. L’homme noir est enfermé dans une identité
raciale
essentialisée : par « nature », il est différentde l’homme
blanc. Tout comme les
femmes, il est réduit à un corps/sexe. Disqualifiés de la sorte, les
hommes
noirs sont placés en bas de la hiérarchie de genre, ils ne sont pas des
« hommes », mais avant tout des noirs, des
« blackos ». Vu sous cet angle, le porno est, non seulement une
construction hétérosexiste[15],
mais plus encore ce qu’on pourrait qualifier
d’ « hétéroracisme »[16].
Le
néologisme hétéroracisme doit
s’entendre comme un système politique de domination reposant sur une
catégorisation genrée et raciale, et s’exprimant notamment par une
assignation
d’identités hiérarchisées selon des normes de genre, de sexe et de race.
Ce
système vise assurer une position favorable à une classe sociale, soit
principalement les hétérosexuels blancs européens, et à justifier le
maintien
d’un ordre social discriminant basé sur un croisement de critères
sexistes,
racistes et homophobes. En dictant ce qu’est la « normalité », le
système politique hétéroraciste
inflige une vision naturalisante d’un ordre social qui se base sur
l’exclusion.
Il s’impose par la diffusion de normes sociales à travers différentes
institutions, comme l’école ou la médecine, mais particulièrement à
travers une
institution essentielle à son accomplissement : la pornographie.
Les
figures raciales du porno ne répondent pas à des critères fixes,
ces figures sont mouvantes, évoluant et s’adaptant au gré des
changements et
des évènement sociopolitiques. C’est ainsi qu’avec la focalisation sur
le sort
des jeunes filles de quartiers populaires, entre autres avec la mise en
lumière
des « affaires de voile islamique », ou la naissance de l’association
« Ni putes, ni soumises », on vit apparaître des vidéos porno
d’ « arabes voilées », des « putes et soumises »,
résurgence des photos colonialistes dites « de harem » ; aussi, on
a pu voir entrer le thème des « tournantes »[17]
dans
le porno. C’est à travers ces tournantes que la pornographie a institué
les
caves d’immeubles et autres terrains vagues complètement tagués comme le
lieu
de prédilection de l’accomplissement de la sexualité des descendant des
ex-colonisés.
La
figure pornographique du « garçon arabe », a quelque
peu évolué des colonies aux postcolonies. Si les jeunes hommes
« arabes » des colonies, en fait surtout des Nord-Africains berbères,
étaient présentés sous des traits efféminés, par contre les jeunes
hommes habitants
les « banlieues », de familles venant des anciennes colonies
françaises d’Afrique du Nord, et identifiés comme « beurs »,
« lascars », ou « racailles »[18],
sont aujourd’hui présentés comme des violeurs en puissance, ayant une
sexualité
brutale, dont la norme serait le viol, et ayant comme pratique sexuelle
de
prédilection la sodomie active (y compris dans le porno hétéro).Qu’il
soit le « jeune et frêle
éphèbe » colonisé ou la « dangereuse racaille » post-colonisé,
le garçon arabe se voit assigner une identité de genre hors normes,
réduit à
être un « rappeur délinquant » à la sexualité envahissante
faisant de son habitat le théâtre d’une sexualité basée sur la violence
et les
rapports de force.
Discriminés
par une identité assignée, présentée sous un jour faussement
favorable de « bête de sexe », les jeunes de quartiers populaires
n’échappent pas pour autant à l’intégration des normes sociales sexistes
et racistes.
Cette construction passe notamment par la musique rap. L’appropriation
des
codes pornographiques par la culture rap contribue, par une
autoreprésentation
hyper sexiste, à renforcer les normes de genre et de race. Les
références
pornographiques sont largement utilisées dans le rap, les rappeurs
affichent
dans leurs clips des « bimbos » gémissantes et s’offrant à leurs
pieds, affirmant ainsi, en « vrais mâles », leur domination sur les
femmes. Le rappeur américain 50 Cent est le personnage central de la
vidéo
porno « 50 Cent - groupie love »[19],
sans toutefois participer activement aux scènes de sexe. Laissant croire
qu’il
évolue ordinairement dans un monde de luxe et de sexe au sein du ghetto,
50
Cent démontre dans cette vidéo qu’il est un « boss », un vrai
« homme », par l’asservissement de jeunes femmes, sexuellement
subjuguées par lui. La domination sexuelle sert à affirmer sa virilité,
faut-il
le rappeler. Et la virilité est un enjeu de pouvoir qui va au-delà du
rapport
hommes/femmes, il détermine les rapports entre les hommes eux-mêmes. De
même,
en France, Doc Gynéco suit cette vague en faisant sa propre vidéo porno[20],
contribuant à renforcer son positionnement marketing sur son image de
prétendu
expert en matière de sexe. La production de « porno rap », bien plus
qu’une éventuelle tentative de produire ses propres modèles, est avant
tout une
florissante affaire de commerce s’épanouissant sur la domination de
genre. Et
qui plus est, ces produits commerciaux renforcent les barrières
symboliques qui
entourent les banlieues. Il y aurait une sexualité à part qui existerait
dans
ces « zones de non droits », des comportements qui justifieraient non
seulement le relégation de ces habitants dans leur quartier, mais
également un
contrôle assidu des lieux et ds personnes jusque dans leur intimité.
Tout
comme le faisait la pornographie coloniale, la pornographie
« ethnique » est un outil qui aide à déterminer et à justifier la
mise au ban de certaines catégories sociales. Et si ces dernières années
de
nombreux acteurs du champs politique s’émeuvent du
« communautarisme » qui se développerait dans les « minorités
visibles », il ne faut pas oublier que la ghettoïsation n’est pas
l’expression d’un choix de vie isolée mais bienle résultat
d’un exclusion sociale.
[1] Le concept de performance a été
développé par la
philosophe Judith Butler inspirée des travaux du linguiste J.L. Austin,
il
s’agit de l’ensemble des paroles, des gestes, des attitudes, qui
contribuent à
faire exister les identités de genre. Être « homme » ou « femme »
sont
des performances, des
constructions qui s’accomplissent par tout un panel d’actes et de
paroles
réitérés.
[2] Michel Foucault a défini
l’idée d’hétérotopie lors d’une conférence en 1967 dans le texte Des
espaces autres. Dits et
écrits II
1976-1988, Dits et écrits
1984 ; Des espaces autres (conférence au Cercle d'études
architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité,
n°5, octobre 1984, pp. 46-49), Paris, Gallimard, 2001 pp.1571-1581.
[3]Ce
tableau et actuellement exposé au Musée du Louvres à Paris. Il est
également
possible de voir une seconde version peinte en 1849 et renommée « Femmes
d’Alger dans leur intérieure » au Musée Fabre à Montpellier.
[4]Voir le livre de Michel MÉGNIN, Tunis
1900, Lehnert et Landrock photographes, Tunis/Paris, Apollonia
éditions/Amis de Paris-Méditerranée, 2005.
[5] Ici « orientalisme » doit se comprendre
comme le concept développé par Edward SAÏD pour décrire le processus de
construction de l’Autre. L’existence de l’autre sert à légitimer la
conquête la
colonisation, la domination et le racisme. L’orientalisme oppose deux
mondes
antagonistes : l’orient est conçu comme irrationnel, féminin,
traditionnel,
arriéré, tandis que l’occident se caractérise par la raison, la maîtrise
du
monde, le progrès, le masculin. Selon Edward Saïd, l’Occident a besoin
de cette
figure repoussoir que représente l’Orient, pour asseoir l’idée d’une
supériorité naturelle des Occidentaux sur les Orientaux. Edward SAÏD, L’orientalisme ;
L’Orient créé par
l’Occident, Paris, Seuil, 2005.
[6]Colette
GUILLAUMIN, L’idéologie raciste,
Paris, Gallimard, 2002, p. 40.
[7] Par « monstration », il faut comprendre le
double sens conjugué de « montrer » et rendre
« monstrueux ».
[8]Capitaine
C. DEVEREUX, Vénus indienne,
traduit de l’anglais par KAHN (Pierre-Victor), Paris, Terrain Vague,
1992. Ce
roman anonyme signé sous le pseudo de C. Devereux, soi-disant officier
anglais
servant dans les colonies indiennes,a été rédigé à la
toute fin du XIXe ou au début du XXe, la première
attestation datée est son signalement par Apollinaire en 1913.
[10] Extrait de l’appeldu 8 mai 2005
des « Indigènes de
la république ».
[11] La figure
« ethnique », héritière de la figure exotique coloniale, renvoie à
une idée « d’ailleurs lointains », de peuples aux mœurs étranges. Est
considéré comme ethnique qui n’est pas blanc européen.
[12] Acronyme de « Whithe Anglo-Saxon
Protestant ». Ce
terme désigne par sa composition « socio-raciale », la classe
dominante aux Etats-Unis.
[13] Roger Paul LERATON, Gay porn ; Le film
porno gay : Histoire, représentations et
construction d’une sexualité, Béziers, H&O, 2002,
p. 73.
[14] Voir le livre de Serge BILE, La légende du
sexe surdimensionné des noirs, Paris, Serpent à
plume, 2005. Dans cet ouvrage, l’auteur retrace l’histoire de cette
légende,
mettant en lumière le caractère peu innocent de cette assertion raciste.
[15] L’hétérosexisme
est un concept élaboré par Louis Georges TIN, c’est « un principe de
vision et de division du monde social, qui articule la
promotion exclusive de l’hétérosexualité à l’exclusion quasi promue de
l’homosexualité. Il repose sur l’illusion téléologique selon laquelle
l’homme
est fait pour la femme et surtout, la femme pour l’homme […]. Dès
lors, en attribuant à
l’hétérosexualité le monopole de la sexualité légitime, cette sociodicée
remarquable a pour effet, sinon pour but, de proposer par avance une
justification idéologique des stigmatisations et discriminations que
subissent
les personnes homosexuelles » Il permet également de démontrer que
le
sexisme s’appuie sur l’homophobie pour s’exprimer. Par exemple,
l’insulte
« enculé » à l’adresse d’un homme en est une des expressions,
laissant sous-entendre qu’un homme pénétré est en position inférieure
comme
tout être pénétré, comme les femmes ; donc « enculé », plus
qu’une insulte homophobe ou sexiste, peut-être considérée comme une
insulte hétérosexiste. Louis-Georges TIN,
« l’hétérosexisme », in :
Dictionnaire de l'homophobie, éd.
PUF, Paris, 2003, pp. 207-211. (citation plus haut, p. 207).
[16]Je remercie Elsa DORLIN de
m’avoir suggéré ce néologisme.
[17] Viols collectif. On fait « tourner » une
fille, comme on fait tourner un joint entre amis, d’où l’expression
« tournante ». Quelques « affaires » de tournante dans des
« cités » ont fait l’objet d’une surmédiatisation en France au cours
des années 1990-2000. Ce fût un prétexte pour certain-e-s pour assimiler
les
tournantes à un rite initiatique, obligé pour les « jeunes de
banlieue », faisant des « jeunes de cité » des archétypes du
machisme et du sexisme. Lire à ce propos : Nacira GUENIF-SOUILAMAS &
Eric MACE, Les féministes et le garçon
arabe, La Tour-d'Aigues, Éditions de l'Aube, 2006.
[18] Il est d’ailleurs
intéresant de voir que le porno « ethnique », qui se veut une
énonciation du réel, donnant preuve par le sexe « naturel », met
en scène des acteurs qui ne correspondent pas aux « ethnies »
annoncées. Ainsi, le hardeur François Sagat a débuté sa carrière dans
les
productions de « Citébeur » sous le pseudo « ethnique »
d’Azzedine.